Entretien avec la chercheuse Daria Saburova
Depuis le 24 février 2022, la Russie est en guerre contre l’Ukraine. Sur cette guerre, beaucoup a été écrit et dit : de l’indignation furieusement européenne de Glucksmann, jusqu’à la lecture géopolitique la plus froide de certains marxistes, ne concevant l’agression russe envers l’Ukraine qu’à travers le prisme, certainement juste mais insuffisant, d’un conflit impérialiste entre l’OTAN et la Russie. Dans toutes ces analyses, c’est comme si un acteur manquait pourtant cruellement : les Ukrainiens eux-mêmes, dont certains semblent avoir presque oublié qu’ils existent, et dont le quotidien est percuté par bientôt plus de trois années de guerre sans répit. Qu’a fait la guerre aux Ukrainiens, et plus particulièrement ici, aux Ukrainiennes ? Comment a-t-elle remis en cause les évidences acquises et remodelé les relations humaines ? Comment a-t-elle transformé les perceptions de soi, et provoqué des engagements subjectifs dévoués pour soutenir ceux qui sont au front ? C’est l’objet de l’enquête du livre Travailleuses de la résistance (Éditions du Croquant) de la militante et philosophe marxiste Daria Saburova, à travers un travail de terrain auprès de femmes des classes populaires de la région industrielle de Dnipro, dans la ville natale de Volodymir Zelensky : souvent russophones, et parfois opposées ou indifférentes au soulèvement de Maïdan. Le travail d’enquête auprès de ces femmes et de ce que Daria Saburova nomme leur « travail de résistance » offre un angle d’approche privilégié et unique pour comprendre de l’intérieur, et à hauteur de vue, ce qu’il en est aujourd’hui d’une partie de la société ukrainienne, de ses traumatismes et de ses combats quotidiens contre un adversaire à la fois proche et lointain. |
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