Le rapport de l’Inspection générale de l’administration sur la soirée tragique de la Fête de la musique pointe un « manque de discernement » de l’intervention policière.
Un « manque de discernement ». C’est ainsi que l’ Inspection générale de l’administration (IGA), saisie par Christophe Castaner le 26 juillet, qualifie la manière dont l’intervention policière a été menée le soir de la Fête de la musique à Nantes (Loire-Atlantique) au cours de laquelle Steve Maia Caniço, un animateur périscolaire de 24 ans, a péri noyé. Et pour les deux auteurs du rapport, cette mauvaise appréciation est en premier lieu imputable au commissaire divisionnaire qui dirigeait le dispositif de surveillance générale, Grégoire Chassaing. Le ministre de l’Intérieur a annoncé ce vendredi que le commissaire serait muté à un poste sans responsabilité de maintien de l’ordre.
C’est, à ce stade, l’unique fusible de cette funeste séquence. Même si l’IGA émet un certain nombre de remarques à l’égard de la ville et de la préfecture, elle est plutôt encline à les absoudre. Les inspecteurs, qui ont, insistent-ils, reçu « ni directives, ni consignes », ont par ailleurs rappelé que leur mission ne pouvait interférer avec l’enquête judiciaire en cours sur les circonstances de la mort du jeune teufeur. Le rapport n’apporte donc aucune réponse à cette question, mais éclaire le contexte.
Le refus du DJ, cause première des violences
Les auteurs du rapport ont reconstitué la chronologie des événements. Comme les différentes enquêtes l’avaient déjà établi, lors du passage des policiers sur l’île de Nantes après 4 heures du matin pour s’assurer que les festivités s’arrêtent, l’un des sound systems refuse de couper le son. Vers 4h25, il lance le morceau « Porcherie » des Béruriers noirs et son célèbre refrain « la Jeunesse emmerde le Front national ». « C’est à partir de cet instant que la situation est devenue particulièrement tendue », constate l’IGA. Les forces de l’ordre font l’objet de jets de projectile.
Pour les auteurs du rapport « la situation aurait été totalement différente si le neuvième sound system avait coupé le son comme les huit autres ». Ce refus constitue, selon eux, « la cause première des violences ». Et les jets de projectile fondent, à leurs yeux, « la légitime défense » et autorisent donc l’absence de sommation préalable à l’intervention.
Une intervention policière discutable
Pour autant, l’IGA s’interroge « sur le bien-fondé de la manœuvre opérée par le chef du dispositif de surveillance générale » à cette heure-là. Les inspecteurs indiquent qu’en 2017, une situation comparable n’avait pas donné lieu à une intervention policière du même ordre. À l’époque, les forces de l’ordre avaient opéré un repli tactique et la situation s’était calmée.
Mais cette année, le commissaire Chassaing décide de reconquérir le terrain à pied. « Or, plus il progresse, plus son dispositif se délite », pointe Jacques Schneider, l’un des deux auteurs du rapport, qui ajoute : « On aurait très certainement dû procéder autrement. » « Dès le 23 juin nous avions pointé la responsabilité du donneur d’ordre et son manque de discernement total au regard du contexte, du rapport de force et du lieu », commente Philippe Boussion, le secrétaire régional Unité SGP police.
Les policiers engagés dans cette intervention manifestement évitable – une vingtaine — ont fait usage de 33 grenades lacrymogènes, 10 grenades de désencerclement et 12 tirs de LBD. Un « volume important », note l’IGA, comparable à une manifestation de Gilets jaunes de faible intensité. À cause du vent, les gaz se dispersent vers la Loire, rendant la visibilité faible et l’air difficilement respirable. Selon le décompte des inspecteurs, dans la panique, 12 personnes tombent dans le fleuve : quatre avant l’intervention, sept pendant et une après. « Ce décompte n’inclut pas M. Steve Maia Caniço », précise le rapport.
Préfecture et mairie pas alertées
L’IGA déplore que ni la préfecture ni la ville n’aient été informées du déroulement des événements. Une erreur imputable, selon elle, à un autre commissaire divisionnaire, celui qui faisait alors office de directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) par intérim.
Une mauvaise prise en compte préalable du risque
L’IGA regrette qu’en amont de l’événement, la préfecture et la ville n’aient pas accordé « une attention suffisante à la présence des sound systems sur le quai Wilson », c’est-à-dire dans une zone dépourvue de tout barriérage et donc à risque. Le rapport donne cependant quitus à la municipalité qui a pris plusieurs mesures préventives : installation d’un poste de secours, mise à disposition d’agents de sécurité et patrouilles d’un bateau de secours sur la Loire. Quant à la préfecture, lors des réunions préparatoires, elle n’aurait pas suffisamment pris en compte ce risque de chute dans le fleuve, se contentant de déployer le dispositif des années précédentes.
Mort de Steve: le commissaire a « manqué de discernement » (Castaner) | AFP Extrait
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