Emprisonné, harcelé, contraint à l’exil, Kianoosh Sanjari a passé une grande partie de sa vie à payer le prix de son engagement pour le journalisme iranien. Il a été retrouvé mort à Téhéran mercredi 13 novembre. Selon les témoignages de ses proches, il s’agirait d’un déces par suicide. Reporters sans frontières (RSF) présente ses condoléances à ses proches et tient les autorités iraniennes pour responsables des circonstances qui ont conduit à sa mort.
Dans l’après-midi du 13 novembre, Kianoosh Sanjari a été retrouvé mort dans la capitale iranienne, selon des témoins. Quelques heures auparavant, l’ancien reporter et défenseur des droits humains avait publié une série de tweets sur son compte X exhortant le gouvernement à libérer trois prisonniers politiques détenus en Iran. Le journaliste a également exprimé des pensées suicidaires, menaçant de mettre fin à ses jours si la libération n’était pas obtenue.
Ancien correspondant de la chaîne publique américaine d’informations internationales Voice of America (VOA), et défenseur des droits humains renommé, Kianoosh Sanjari a subi lui-même des années d’incarcération en raison de son travail d’information, durant lesquelles il a été victime de mauvais traitements, et, lorsqu’il était en liberté, de harcèlement de la part des autorités. Après plusieurs longues périodes d’exil, il était rentré en Iran pour la dernière fois en juin 2022. VOA a déclaré que son ancien collaborateur était décédé par suicide « en protestation contre les conditions de détention des prisonniers politiques dans la République islamique d’Iran« .
Selon les informations de RSF, sa santé s’était dégradée, notamment en raison des tortures subies en prison et d’années de menaces et d’intimidations exercées par les autorités.
“La mort de Kianoosh Sanjari est une tragédie qui aurait pu être évitée. Il laisse le souvenir d’un journaliste dévoué et d’un défenseur courageux des droits humains. Les années de mauvais traitements en prison, de menaces et d’intimidations qu’il a subi de la part du régime iranien ont détérioré sa santé. Nous demandons une enquête indépendante sur sa mort, tout en tenant les autorités iraniennes responsables, en raison des terribles pressions qu’elles imposent aux journalistes en Iran, des circonstances qui ont conduit au décès de Kianoosh Sanajari.”
Emprisonnement, torture, exil et pressions
Kianoosh Sanjari a longtemps été dans le collimateur des autorités iraniennes. Il a été arrêté pour la première fois à l’âge de 17 ans et emprisonné pendant deux ans lors des manifestations étudiantes de 1999, qui ont suivi la fermeture du journal réformateur Salam. En 2006, le jeune journaliste quitte l’Iran pour les États-Unis avec le soutien de RSF. Il devient le correspondant de VOA. Entre 2006 et 2016, le reporter est continuellement harcelé par les services de sécurité par téléphone, selon les informations de RSF.
Comptant sur la promesse faite par les autorités iraniennes en 2016 de ne pas poursuivre les dissidents en justice, il retourne dans le pays pour s’occuper de sa mère malade, mais il est arrêté peu après son arrivée et condamné à 11 ans de prison pour “propagande contre l’État”. En 2019, il est transféré dans un hôpital psychiatrique, où il est torturé et maltraité pendant des années. Il a décrit cette période à VOA comme “la plus douloureuse” de sa vie : « Une nuit, l’infirmière m’a injecté quelque chose qui a, pour ainsi dire, paralysé ma mâchoire. J’ai perdu connaissance après l’injection, et le matin, quand je me suis réveillé, j’ai vu que mes mains et mes pieds étaient enchaînés au lit”, avait témoigné le journaliste en 2021. Il est hospitalisé à plusieurs reprises et a subi des chocs électriques à neuf reprises, selon le média indépendant en exil Iran Wire.
Libéré sous caution en 2021, il parvient à sortir du pays avant d’y retourner en 2022 pour poursuivre son travail. Il est interpellé par un tribunal iranien pour la dernière fois le 21 novembre 2022 dans le contexte des arrestations des journalistes qui couvraient le mouvement “Femme. vie. liberté”, pendant plusieurs jours, de nouveau inculpé de “propagande contre l’État”.
L’Iran est considéré comme l’un des pays les plus hostiles au monde pour les journalistes. À ce jour, 25 journalistes sont toujours emprisonnés en raison de leur travail. Même quand ils ne sont pas derrière les barreaux et en exil, les journalistes iraniens sont soumis à des menaces d’emprisonnement ou de violences, comme l’a révélé un rapport de RSF.
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