Une photographie qui a fait le tour du monde : Nan Goldin,

Culture.

Crispations à Berlin autour d’une rétrospective de la photographe Nan Goldin

Un grand musée berlinois inaugure ce 22 novembre une rétrospective consacrée à Nan Goldin, star de la photographie contemporaine. Mais de photographie, il est peu question dans la presse allemande. Ce sont les engagements propalestiniens de l’Américaine qui font couler de l’encre.

Une photographie qui a fait le tour du monde : Nan Goldin, 71 ans, interpellée à New York lors d’une manifestation contre le soutien des États-Unis à l’offensive israélienne dans la bande de Gaza, le 14 octobre 2024. Sur le tee-shirt de l’artiste, juive : “Pas en notre nom.” PHOTO DAVID DEE DELGADO/REUTERS
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Née dans une famille juive américaine, Nan Goldin s’est fait connaître dans les années 1980 en chroniquant sans fard sa vie intime et celle de ses amis, dans le New York des années sida. Elle est régulièrement exposée dans les plus grands musées du monde. Mais ces dernières années, elle a tout autant fait parler d’elle pour son art que pour ses engagements. Elle a notamment mis sa notoriété au service d’une croisade contre la famille Sackler, dont l’empire pharmaceutique a alimenté la crise des opioïdes aux États-Unis.

Un vernissage ou une tribune ?

Depuis le 7 octobre 2023, l’Américaine milite contre l’offensive israélienne dans la bande de Gaza. Dès le 19 octobre de la même année, elle a compté parmi les signataires d’une “lettre ouverte de la communauté artistique aux institutions culturelles”, un texte anonyme publié dans le magazine américain Artforum et dénonçant “l’escalade vers un génocide” dans la bande de Gaza. Le fait que ne soient pas explicitement mentionnés dans ce texte les massacres commis par le Hamas a suscité une vive polémique.

Tout au long de l’année 2024, Nan Goldin est restée fidèle à son engagement propalestinien. Le 14 octobre dernier, l’artiste était encore parmi les “200 militants juifs” qui ont été interpellés à New York, lors d’une manifestation du collectif Jewish Voice for Peace (“Des juifs pour la paix”), organisée pour dénoncer le soutien américain à Israël, rapporte le site Hyperallergic.

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En conséquence, “il n’est pas fou de supposer que Nan Goldin puisse vouloir utiliser le vernissage de son exposition à Berlin comme une tribune politique”, écrit un chroniqueur du quotidien conservateur Die WeltIl n’est pas le seul à formuler cette crainte, alors que le Parlement fédéral a adopté, le 7 novembre, une résolution pour “protéger, préserver, renforcer la vie juive en Allemagne”Les débats de plusieurs mois autour du texte, décrié pour assimiler toute critique de l’État d’Israël à de l’antisémitisme, ont entre autres nourri la campagne Strike Germany, lancée par des militants anonymes : un appel à boycotter les institutions culturelles allemandes, accusées d’être complices d’une volonté de faire taire les voix propalestiniennes.

Confusion autour d’une table ronde

La crispation est encore montée d’un cran avec l’annonce que la Neue Nationalgalerie avait programmé, le dimanche 24 novembre, en lien avec la rétrospective, une table ronde intitulée “Art et militantisme par ces temps de polarisation : espace de discussion sur le conflit au Moyen-Orient”. Elle doit être animée par Saba-Nur Cheema et Meron Mendel, un couple d’intellectuels médiatique outre-Rhin : elle est politologue et fille d’immigrés musulmans pakistanais, spécialiste de l’islamophobie ; lui est né dans un kibboutz israélien, dirige le centre de formation Anne-Frank et travaille sur l’antisémitisme.

Ici, la situation devient confuse. “Le mouvement Strike Germany, critique d’Israël – dont les membres sont anonymes mais qui aiment bien s’en prendre à des personnes identifiées –, exige l’annulation de ‘cette table ronde éhontée’”, rapporte Der Spiegel. Plusieurs des intervenants, dont certains se sont décommandés, sont accusés par Strike Germany de “nier le génocide”, précise le magazine, sans donner de noms. Il ajoute que Nan Goldin assure ne pas avoir été au courant de cette conférence, ce que la Neue Nationalgalerie dément.

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“Nan Goldin ne sera pas à Berlin, il n’a jamais été prévu qu’elle vienne”, commente pour sa part la Berliner Zeitung. Le quotidien berlinois n’a rien à dire au fait qu’une rétrospective soit consacrée à cette photographe renommée qu’est Nan Goldin, mais il goûte moins le fait que l’Américaine, entre autres, soutienne Strike Germany sur les réseaux sociaux. “On aimerait lui dire qu’en tant qu’artiste, elle devrait pourtant savoir que l’art et la culture reposent sur la rencontre, et que nul ne doit être précipitamment exclu des échanges. Et on se demande pourquoi elle accepte une aussi grosse exposition dans un pays qu’elle n’arrive pas à voir autrement que régi par la raison d’État.”


“This Will Not End Well”, la rétrospective consacrée au travail de Nan Goldin, est à voir à la Neue Nationalgalerie, à Berlin, jusqu’au 6 avril 2025. Plus d’informations sur le site du musée.

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