Des Syriens entassés sur un camion fuient les combats entre les rebelles et l’armée à Suran, une ville située entre Alep et Hama, le 3 décembre 2024 ( AFP / Bakr ALKASEM )
Les rebelles qui mènent une offensive dans le nord de la Syrie sont arrivés mardi « aux portes » de Hama, la quatrième ville du pays, selon une ONG, où des combats les opposaient à l’armée, appuyée par l’aviation russe et par d’importants renforts.
L’armée a fait état de « combats féroces », en particulier dans le nord de la province de Hama, tandis que « d’importants renforts » sont arrivés dans la ville, selon une source militaire citée par l’agence officielle Sana.
Des nuages de fumée noire s’élevaient de la ville de Souran, à une vingtaine de kilomètres au nord de Hama, où des images de l’AFP ont montré des civils fuyant, entassés dans des camions et des remorques, pendant que des combattants rebelles, brandissant leurs armes, patrouillaient à bord de pick-up.
A Halfaya, une localité voisine, des rebelles tiraient au lance-roquettes. D’autres, à mobylette, faisaient le V de la victoire en passant près des chars abandonnés par l’armée syrienne.
– « Importante vague de déplacements » –
L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a déclaré mardi soir que les rebelles étaient arrivés « aux portes » de Hama, une ville stratégique du centre du pays située entre Alep et la capitale Damas, et avaient bombardé certains quartiers.
Selon l’OSDH, une ONG basée au Royaume-Uni qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie, les combats aux abords de Hama ont provoqué « une importante vague de déplacements ».
Ces combats, qui ont fait 602 morts en une semaine, dont 104 civils, selon l’OSDH, sont les premiers de cette ampleur depuis 2020 dans ce pays meurtri par la guerre civile.
En date de samedi, plus de 48.500 personnes avaient été déplacées dans les régions d’Alep et celle, voisine, d’Idleb, dont plus de la moitié d’enfants, selon le bureau des Affaires humanitaires de l’ONU (Ocha).
Combattants rebelles à Suran, une ville située entre Alep et Hama, en Syrie, le 3 décembre 2024 ( AFP / Bakr ALKASEM )
Une coalition de rebelles dominée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, a lancé le 27 novembre une offensive fulgurante dans le nord-ouest de la Syrie, s’emparant de dizaines de localités et d’une grande partie d’Alep, la deuxième ville du pays, avant de poursuivre sa progression vers le sud.
« Nous progressons vers Hama après avoir nettoyé » les localités qui y mènent, a affirmé mardi à l’AFP un combattant rebelle, se présentant comme Abou al-Hadwa al-Sourani.
Carte des provinces nord de la Syrie où les rebelles ont lancé une offensive ( AFP / Sylvie HUSSON )
L’armée syrienne, qui n’avait pas opposé de résistance significative à Alep, a annoncé mardi qu’elle frappait « des organisations terroristes, leurs positions et leurs bases » dans la région de Hama et dans la province d’Idleb, plus au nord, avec le soutien aérien syrien et russe.
Le président russe Vladimir Poutine, dont le pays est avec l’Iran le principal allié de Damas, a déclaré mardi qu’il souhaitait une fin « rapide » de l’offensive rebelle, lors d’une conversation téléphonique avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan.
L’Iran s’est dit prêt à « étudier » tout envoi de troupes en Syrie si ce pays en faisait la demande.
Pour la première fois depuis le début de la guerre civile en 2011, le régime a perdu totalement le contrôle d’Alep, une ville d’environ deux millions d’habitants, prise par les rebelles à l’exception de ses quartiers nord kurdes.
– « La terreur » –
Des Kurdes syriens fuient les secteurs de la province d’Alep pris par les rebelles pour rejoindre des zones tenues par les forces kurdes, le 2 décembre 2024 en Syrie ( AFP / Rami al SAYED
A Idleb, que des avions syriens et russes ont bombardée en riposte à l’offensive, des images de l’AFP ont montré des secouristes fouillant les décombres d’immeubles rasés.
« Je ne peux décrire (…) la terreur que nous avons ressentie », a témoigné Hussein Ahmad Khodr, un enseignant.
A Alep, où patrouillaient des rebelles armés, des habitants faisaient la queue pour recevoir du pain distribué par une association, alors que selon le Norwegian Refugee Council (NRC), les boulangeries et commerces d’alimentation sont fermés.
Joint au téléphone par l’AFP, Nazih Yristian, 60 ans, s’est cloîtré chez lui avec sa femme, dans le quartier arménien.
Des combattants rebelles près d’un char abandonné par l’armée syrienne à al-Safirah, au sud-est d’Alep, dans le nord de la Syrie, le 3 décembre 2024 ( AFP / Aref TAMMAWI )
« Personne ne nous a attaqués jusqu’à présent, mais nous voulons partir jusqu’à ce que les choses se calment », a expliqué cet homme selon qui la sortie de la ville a été coupée.
L’ONU a fait état mardi « de nombreuses victimes civiles, dont un grand nombre de femmes et d’enfants » dans des attaques des deux camps et de la destruction d’établissements de santé, d’écoles et de marchés.
Carte de Syrie montrant notamment la ville d’Alep, deuxième ville du pays, tombée aux mains d’une coalition incluant le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Cham (HTS) et des factions rebelles syriennes ( AFP / Sylvie HUSSON )
Les hôpitaux d’Alep, dont moins de huit continuent à fonctionner, sont débordés, a affirmé l’Organisation mondiale de la santé.
Selon le NRC, le réseau de distribution d’eau a été endommagé.
Les Etats-Unis, à la tête d’une coalition internationale antijihadistes en Syrie, ont exhorté lundi « tous les pays » à oeuvrer pour une « désescalade », de même que l’Union européenne qui a « condamné » les frappes russes « sur des zones densément peuplées ».
Hostile au régime syrien, le Qatar a jugé mardi que l’action militaire ne pourrait pas résoudre la crise et indiqué fournir de l’aide humanitaire aux Syriens en coordination avec la Turquie, un allié majeur des rebelles.
Le président syrien, Bachar al-Assad, a dénoncé lundi une tentative de « redessiner la carte régionale ».
Des combattants anti-régime sur le bord d’une route alors que des Kurdes syriens déplacés fuient les zones auparavant contrôlées par les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes, et prises par les rebelles islamistes, le 2 décembre 2024 dans la province d’Alep ( AFP / Rami al SAYED )
La Syrie a été morcelée par la guerre civile en plusieurs zones d’influence, où les belligérants sont soutenus par différentes puissances étrangères.
Avec l’appui militaire de la Russie, de l’Iran et du mouvement libanais pro-iranien Hezbollah, le régime avait repris en 2015 une grande partie du pays et en 2016 la totalité d’Alep, dont la partie est avait été prise en 2012 par les rebelles.
Un cessez-le-feu instauré en 2020, parrainé par Ankara et Moscou, avait ramené un calme précaire dans le nord-ouest.
La guerre civile en Syrie, déclenchée avec la répression brutale de manifestations prodémocratie, a fait environ un demi-million de morts.
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