France-Afrique, le naufrage

Le Monde diplomatique logo
telex
6 décembre 2024
Théodore Géricault. – « Le Radeau de La Méduse », 1819

Le 28 novembre 2024, le Sénégal et le Tchad ont mis un terme à des partenariats stratégiques qui les liaient à l’ancienne puissance coloniale depuis l’indépendance, en 1960 : le premier en fermant des bases françaises sur son sol, le second en résiliant des accords de coopération de sécurité et de défense. Après le retrait des troupes hexagonales de la Centrafrique en 2022, leur départ contraint du Mali la même année puis du Burkina Faso et du Niger en 2023, Paris ne disposera bientôt plus que de trois implantations permanentes sur le continent – Gabon, Côte d’Ivoire (où ses effectifs n’atteindront plus que quelques centaines d’hommes) et Djibouti (1500 hommes).

Sur le fond, ces partenariats contribuaient au rayonnement de la France : démonstration de force, vitrine commerciale pour le matériel militaire, espace d’entraînement exceptionnel et tout-terrain. Le « rang » de Paris s’appuyait aussi sur cette capacité à déployer rapidement des effectifs aguerris dans des pays en crise, comme au printemps 2023 lorsque la France a organisé en un temps record l’évacuation de plus 900 personnes de près de 80 nationalités prises au piège à Khartoum dans un Soudan soudainement replongé dans la guerre civile.

Le départ des 3000 hommes de l’opération « Barkhane » au Mali en 2022 avait signé l’échec de la « guerre au terrorisme » menée à marche forcée depuis 2013 au Sahel. Repliées au Tchad, les forces françaises, en effectifs réduits, n’avaient plus de boussole. Le président Emmanuel Macron avait commandé à l’ancien ministre de la coopération Jean-Marie Bockel un rapport sur les perspectives à donner à cette présence stratégique. Mais, remis le 30 novembre, quelques heures avant les décisions de N’Djamena et Dakar, le document ne les avait pas anticipées.

une archive

Présence française en Afrique, le ras-le-bol

Fanny Pigeaud, mars 2020
Si elle ne date pas d’hier, la dénonciation de l’impérialisme français et de la « Françafrique » sort des cercles intellectuels et militants pour gagner la rue. ->

La forme prise par les événements est peut-être plus préoccupante. Paris n’a rien vu venir. Aucune de ses antennes au Sénégal et surtout au Tchad – dont la décision est rendue publique quelques heures seulement après la visite sur place du ministre des affaires étrangères Jean-Noël Barrot, laissé dans l’ignorance – n’a permis d’anticiper et d’atténuer le choc. Déjà en juillet 2023, le coup d’État à Niamey avait pris de court l’Élysée et le Quai d’Orsay. Les circuits de renseignement et les services diplomatiques continuent de recueillir un certain nombre d’informations. Mais, en tout état de cause, celles-ci ne remontent plus, bloquées dans les hautes sphères de l’État, où l’on craint désormais de les communiquer à un président de plus en plus isolé. La France paie aussi la diminution du nombre de ses coopérants civils – passés de 10 000 dans les années 1990 à quelque 700 aujourd’hui – qui lui donnaient, en temps réel, le pouls du continent.

un graphique
Image de la France en Afrique

Image de la France en Afrique

Cécile Marin, décembre 2024
un mot

Françafrique

L’expression aurait été imaginée par Félix Houphouët-Boigny, premier président de la Côte d’Ivoire. Dans un livre paru en 1998 (La Françafrique, Stock, Paris), l’économiste français François-Xavier Verschave donne à l’expression le sens péjoratif qu’elle revêt aujourd’hui. Elle désigne désormais les liens, souvent secrets, entretenus par les classes dirigeantes française et africaines dans les domaines politique, économique ou militaire pour leurs profits exclusifs. ->
une chronologie

Présence française en Afrique du XVIIe siècle à nos jours

1659-2019 ->
Consulter ce télex en ligne :France-Afrique, le naufrage

Le cadeau de Noël idéal, notamment dans les souliers de l’oncle grognon qui, à table, rétorque à tout propos critique qu’on vit quand même mieux ici qu’en Corée du Nord…

Disponible sur notre boutique en ligne
et jusqu’au 12 décembre chez les marchands de journaux

Nous contacter

Pour toute requête concernant votre abonnement au journal : abo@monde-diplomatique.fr

À propos des commandes passées sur notre boutique en ligne : boutique@monde-diplomatique.fr

Votre inscription à la liste « info-diplo »

Si vous désirez résilier votre inscription à « info-diplo », ou changer d’adresse, rendez-vous sur la page : www.monde-diplomatique.fr/info-diplo

© Le Monde diplomatique, décembre 2024
Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*