Leur fierté
Petite vidéo sur la page de mon ami FB (nous ne sommes jamais vus) Meïr Waintrater. Un député de gauche à la Knesset, Gilad Kariv, qui n’est pas que député mais aussi rabbin, – et dont je ne sais quasiment rien, lui non plus (mais il ne s’agira pas de lui). Il proteste contre la politique de la droite au pouvoir, et fait remarquer que le Likoud n’arrête pas de citer la Torah, alors que ceux qui s’en proclament ne la respectent pas, et qu’entre autres choses, c’est dans la Bible que, pour la première fois dans l’histoire du monde, on parle de la valeur sacrée de la vie de chaque personne (bon, je n’entre pas dans les discussions théologiques, parce que, les appels au meurtre, dans la Bible, il y en a des paquets aussi) – mais, là encore, il ne s’agira pas de ça. Et Gilad Kariv, dans un élan d’indignation, s’exclame que proclamer que les 2.300.000 habitants de Gaza sont des criminels est une phrase qui ne peut être dite que par les plus grands ennemis d’Israël, que c’est le déshonneur du judaïsme. Et là, (à 2’30 de la vidéo), il est interrompu, ou pas interrompu mais accompagné par une voix hors champ, qui est celle du président de séance (dont j’ignore le nom – mais c’était évidemment un membre de la coalition au pouvoir), et cette voix dit « Non, c’est une fierté ».
Sur le coup, je n’ai pas compris. – Oui, Netanyahou et les siens proclament cela à tort et à travers. Les criminels, ce ne sont pas seulement les membres du Hamas qui ont perpetré le 7 octobre, mais l’ensemble – l’ensemble absolu, enfants compris – de la population. Et cela n’est pas seulement (ce serait déjà invraisemblable), dans, je ne sais pas, des articles de presse, des déclarations dans la rue, mais au Parlement israélien, c’est-à-dire que cette affirmation a, du point de vue de ceux qui la prononce, une valeur officielle et évidente, – et que c’est leur fierté.
*
Cette phrase devrait impliquer, à elle seule, une mise à l’écart du gouvernement actuel de l’État d’Israel, parce qu’elle signifie, d’abord, que, pour lui, les Palestiniens sont devenus ce qu’étaient les peuples qui ont subi les génocides de 1944-46 en URSS parce que certains individus étaient entrés dans les SS – et c’était le sort promis aux Juifs en général en 1953 si Staline n’était pas mort. Mais, pour dire les choses plus clairement : les Palestiniens sont devenus, dans leur ensemble, en tant que tels, – indépendamment de savoir qui ils sont individuellement et ce qu’ils ont fait ou ce qu’ils pensent – qu’ils sont donc devenus dans le discours du pouvoir israélien… les Juifs du discours hitlérien.
Considérer, – avec « fierté » – (c’est le mot qui fait bondir le député), que l’ensemble d’une population est coupable, que les enfants sont coupables à leur naissance, c’est, clairement, non seulement promouvoir un racisme d’État, mais indiquer que la guerre sera une guerre sans fin et une guerre d’anéantissement. Parce que le principe de la responsabilité collective (appliqué, je le rappelle, par Israël, bien avant Netanyahou, contre les familles des terroristes ou supposés tels) est celui de la guerre infinie, dès lors n’ayant pas les moyens de tuer physiquement 2.300.000 (mais infiniment plus, en fait, puisqu’il existe aussi les Palestiniens de la Cisjordanie), il s’agit de mener une guerre qui les fasse disparaître en tant que peuple, c’est-à-dire les fasse fuir et les fonde dans le reste des populations arabes, et, en tant qu’individus, les laisse traumatisés au point qu’ils n’auront plus jamais la volonté ne serait-ce que de relever la tête. Sauf qu’il ne faut pas oublier l’explication donnée par Himmler au meurtre, essentiel à ces yeux, des enfants : ils ne faut pas qu’ils grandissent, parce que, grandis, ils se vengeraient.
Nous avons affaire, là, en une seconde, à une évidence ; les gens au pouvoir en Israël sont « fiers » d’être ceux qui vont assurer, pour des dizaines d’années, la guerre chez eux et autour d’eux.
Sachant que, parmi les islamistes, en Palestine comme ailleurs, les Juifs sont, eux aussi, tous autant qu’ils sont, « Juifs de Palestine », comme disait qui je pense, ou Juifs de par le monde, tous coupables des crimes d’Israël, et qu’il y a là deux logiques qui, toutes les deux, prennent leur poison à la même source.
Si le président de séance de la Knesset, loin de s’indigner d’une accusation pareille (de considérer que c’est l’ensemble des Gazaouïs qui est coupable), au contraire, s’en honore, alors il est indispensable que les pays dits-démocratiques (mais Israël est une démocratie, pour les Israéliens) considèrent le gouvernement israélien comme on pouvait considérer celui d’Afrique du sud pendant l’apartheid. Parce que cette accusation de culpabilité d’un peuple tout entier sape les bases mêmes de nos vies. Accepter de considérer comme un partenaire un gouvernement qui professe de telles idées, c’est renier les principes fondateurs de toutes les démocraties du monde.
Petite vidéo sur la page de mon ami FB (nous ne sommes jamais vus) Meïr Waintrater. Un député de gauche à la Knesset, Gilad Kariv, qui n’est pas que député mais aussi rabbin, – et dont je ne sais quasiment rien, lui non plus (mais il ne s’agira pas de lui). Il proteste contre la politique de la droite au pouvoir, et fait remarquer que le Likoud n’arrête pas de citer la Torah, alors que ceux qui s’en proclament ne la respectent pas, et qu’entre autres choses, c’est dans la Bible que, pour la première fois dans l’histoire du monde, on parle de la valeur sacrée de la vie de chaque personne (bon, je n’entre pas dans les discussions théologiques, parce que, les appels au meurtre, dans la Bible, il y en a des paquets aussi) – mais, là encore, il ne s’agira pas de ça. Et Gilad Kariv, dans un élan d’indignation, s’exclame que proclamer que les 2.300.000 habitants de Gaza sont des criminels est une phrase qui ne peut être dite que par les plus grands ennemis d’Israël, que c’est le déshonneur du judaïsme. Et là, (à 2’30 de la vidéo), il est interrompu, ou pas interrompu mais accompagné par une voix hors champ, qui est celle du président de séance (dont j’ignore le nom – mais c’était évidemment un membre de la coalition au pouvoir), et cette voix dit « Non, c’est une fierté ».
Sur le coup, je n’ai pas compris. – Oui, Netanyahou et les siens proclament cela à tort et à travers. Les criminels, ce ne sont pas seulement les membres du Hamas qui ont perpetré le 7 octobre, mais l’ensemble – l’ensemble absolu, enfants compris – de la population. Et cela n’est pas seulement (ce serait déjà invraisemblable), dans, je ne sais pas, des articles de presse, des déclarations dans la rue, mais au Parlement israélien, c’est-à-dire que cette affirmation a, du point de vue de ceux qui la prononce, une valeur officielle et évidente, – et que c’est leur fierté.
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Cette phrase devrait impliquer, à elle seule, une mise à l’écart du gouvernement actuel de l’État d’Israel, parce qu’elle signifie, d’abord, que, pour lui, les Palestiniens sont devenus ce qu’étaient les peuples qui ont subi les génocides de 1944-46 en URSS parce que certains individus étaient entrés dans les SS – et c’était le sort promis aux Juifs en général en 1953 si Staline n’était pas mort. Mais, pour dire les choses plus clairement : les Palestiniens sont devenus, dans leur ensemble, en tant que tels, – indépendamment de savoir qui ils sont individuellement et ce qu’ils ont fait ou ce qu’ils pensent – qu’ils sont donc devenus dans le discours du pouvoir israélien… les Juifs du discours hitlérien.
Considérer, – avec « fierté » – (c’est le mot qui fait bondir le député), que l’ensemble d’une population est coupable, que les enfants sont coupables à leur naissance, c’est, clairement, non seulement promouvoir un racisme d’État, mais indiquer que la guerre sera une guerre sans fin et une guerre d’anéantissement. Parce que le principe de la responsabilité collective (appliqué, je le rappelle, par Israël, bien avant Netanyahou, contre les familles des terroristes ou supposés tels) est celui de la guerre infinie, dès lors n’ayant pas les moyens de tuer physiquement 2.300.000 (mais infiniment plus, en fait, puisqu’il existe aussi les Palestiniens de la Cisjordanie), il s’agit de mener une guerre qui les fasse disparaître en tant que peuple, c’est-à-dire les fasse fuir et les fonde dans le reste des populations arabes, et, en tant qu’individus, les laisse traumatisés au point qu’ils n’auront plus jamais la volonté ne serait-ce que de relever la tête. Sauf qu’il ne faut pas oublier l’explication donnée par Himmler au meurtre, essentiel à ces yeux, des enfants : ils ne faut pas qu’ils grandissent, parce que, grandis, ils se vengeraient.
Nous avons affaire, là, en une seconde, à une évidence ; les gens au pouvoir en Israël sont « fiers » d’être ceux qui vont assurer, pour des dizaines d’années, la guerre chez eux et autour d’eux.
Sachant que, parmi les islamistes, en Palestine comme ailleurs, les Juifs sont, eux aussi, tous autant qu’ils sont, « Juifs de Palestine », comme disait qui je pense, ou Juifs de par le monde, tous coupables des crimes d’Israël, et qu’il y a là deux logiques qui, toutes les deux, prennent leur poison à la même source.
Si le président de séance de la Knesset, loin de s’indigner d’une accusation pareille (de considérer que c’est l’ensemble des Gazaouïs qui est coupable), au contraire, s’en honore, alors il est indispensable que les pays dits-démocratiques (mais Israël est une démocratie, pour les Israéliens) considèrent le gouvernement israélien comme on pouvait considérer celui d’Afrique du sud pendant l’apartheid. Parce que cette accusation de culpabilité d’un peuple tout entier sape les bases mêmes de nos vies. Accepter de considérer comme un partenaire un gouvernement qui professe de telles idées, c’est renier les principes fondateurs de toutes les démocraties du monde.
C’est renier les luttes de l’humanité depuis des siècles. C’est, finalement, renier la victoire sur Hitler.
Je sais que cette chronique causera l’indignation d’un certain nombre de mes lecteurs. Je leur demande (non, je ne demande rien) de réfléchir sur ce mot, « notre fierté », lancé là, comme une réaction au discours d’un député. Sur ce mot, monstrueux, qui dit l’abîme dans lequel Israël s’est placé – et s’est placé lui-même, avant le 7 octobre, en élisant ces assassins, et bien plus encore après le 7 octobre, par la nature de la réponse qu’il a apportée à la monstruosité du Hamas.
Boycottez l’Israël de Netanyahou. Pas Israël en tant que tel. Israël, tant qu’il est dirigé par cette majorité de racistes et de fauteurs de haine. Mais non, nous sommes, bon an mal an, les « amis » de Bibi. Nos politiques ont déjà renoncé à tout. Et toutes les phrases sur la démocratie, sur la mémoire et l’héritage, et tout et tout, tout ça… juste des oripeaux obscènes, des vieilles loques.
Pour les États, peut-être. Mais ça ne doit pas l’être pour les gens. Chères et chers, pour vous et moi.
Partagez cette chronique.
Je sais que cette chronique causera l’indignation d’un certain nombre de mes lecteurs. Je leur demande (non, je ne demande rien) de réfléchir sur ce mot, « notre fierté », lancé là, comme une réaction au discours d’un député. Sur ce mot, monstrueux, qui dit l’abîme dans lequel Israël s’est placé – et s’est placé lui-même, avant le 7 octobre, en élisant ces assassins, et bien plus encore après le 7 octobre, par la nature de la réponse qu’il a apportée à la monstruosité du Hamas.
Boycottez l’Israël de Netanyahou. Pas Israël en tant que tel. Israël, tant qu’il est dirigé par cette majorité de racistes et de fauteurs de haine. Mais non, nous sommes, bon an mal an, les « amis » de Bibi. Nos politiques ont déjà renoncé à tout. Et toutes les phrases sur la démocratie, sur la mémoire et l’héritage, et tout et tout, tout ça… juste des oripeaux obscènes, des vieilles loques.
Pour les États, peut-être. Mais ça ne doit pas l’être pour les gens. Chères et chers, pour vous et moi.
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