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Je suis l’avocat de ces gens.
Des gens sans problème.
Des enfants de 5 à 14 ans nés en Suisse, qui ne parlent que français, mais qui ont seul le tort d’être encore de nationalité kosovare. Celle de leurs parents, qui ont le seul tort d’avoir accepté l’aide sociale que la Suisse leur offrait. Légalement.
La Suisse est géniale: elle offre son aide d’une main, mais finit par reprocher de l’avoir acceptée.
Tout ça malgré que la famille soit sortie de l’aide sociale depuis plusieurs années, que la mère ait un travail bien rémunéré à Genève pour lequel elle vient de recevoir une promotion, que le père – en Suisse depuis 25 ans – ait vaincu sa dépression et qu’il s’occupe des plus petits enfants à la maison.
Et notre Tribunal fédéral, notre Haute Cour, notre aréopage de prétendus Grands Sages, qui écrit par la plume de sa présidente Les Verts qu’il est conscient que le retour au pays posera de graves problèmes à ces quatre enfants de 5 ans, 10 ans, 12 ans et 14 ans, en relevant qu’ils finiront bien par s’y faire. Une juge fédérale écologiste manifestement plus sensible aux intérêts de la nature qu’à ceux d’êtres humains, puisqu’elle écrit même que la durée de séjour de ces enfants en Suisse n’est au fond pas si longue puisqu’ils sont jeunes… Véridique.
Et l’office cantonal de la population et des migrations de Genève qui, le jour (!) de la notification de l’arrêt (de l’arrêt de mort) du Tribunal fédéral, pousse l’indignité jusqu’à m’expédier des cartes de sortie de Suisse à distribuer à mes protégés, leur ordonnant de quitter la Suisse d’ici le mois d’avril prochain. En pleine année scolaire !
Alors on nous sert la totale, pour justifier cette horreur que la Suisse s’apprête à commettre : en plus d’avoir touché le minimum vital d’aide sociale pendant dix ans, le père aurait eu jadis des soucis avec la justice. Ah bon ? Oui… il y a 12 ans, des infractions à la circulation routière et une prétendue tentative de vol qu’il a toujours niée, pour laquelle il n’a pas été entendu par la justice, sans jamais avoir eu droit à un avocat. On avait retrouvé son ADN dans un gant de chantier ayant servi à commettre un vol de câbles en cuivre dans les abords d’une usine, sans qu’il n’ait jamais eu la chance de pouvoir démontrer que ces gants étaient communs à tous les ouvriers de l’entreprise… Un Procureur a rendu une ordonnance pénale, que Kemajl ne savait pas pouvoir contester. Il lui est encore reproché, plus récemment, d’avoir insulté une concierge après que celle-ci, pour un problème de porte laissée ouverte dans un local poubelle, lui eut demandé en hurlant s’il n’y avait pas de portes dans son pays. Ce qu’on appelle une « querelle de buanderie ».
Donc rien de bien grave au niveau pénal, et la décision de renvoi ne s’appuie d’ailleurs en rien sur ces prétextes que le Tribunal fédéral nous ressort maintenant pour tenter de se donner une conscience.
Il n’en demeure pas moins que ça fait cher payé pour ces quatre enfants, qui n’ont rien demandé et dont on se torche avec la Convention sur les droits de l’enfant qui est censée les protéger contre ce genre de décisions inhumaines.
Pour la petite histoire, ces gens n’ont jamais eu les moyens de payer un avocat et je ne voulais pas demander l’assistance juridique gratuite de l’Etat, ce qui aurait pu donner l’impression qu’ils dépendaient encore de quelque aide que ce soit. Kemajl a alors tenu, pour ne pas avoir l’impression de demander l’âumône et d’être défendu à mes dépens, de venir faire le ménage de mon étude, plusieurs fois par semaine. Ce qu’il a fait, inlassablement, depuis près de deux ans.
Aujourd’hui, j’ai honte de Genève et de la justice suisse.
Mais les choses commencent peut-être à bouger : d’abord cet article dans la Tribune de Genève de mardi dernier, de Chloé Dethurens, humain, objectif.
On m’a envoyé ensuite, hier, le post Tiktok d’un influenceur qui s’indigne sur les réseaux : https://www.tiktok.com/@stri…/video/7464869810522885398… . Puisse-t-il faire des émules !
Et puis je viens de recevoir un appel téléphonique d’un des membres du nouveau parti politique genevois Union Populaire, celui de l’ancien maire Rémy Pagani, qui me dit avoir été touché par cette histoire et souhaiter une rencontre avec Kemajl, en vue d’envisager une interpellation officielle du Conseil d’Etat. Nous nous rencontrons tous à mon étude, mardi prochain 11 février : eux, Kemajl, sa femme et ses enfants.
Ce sera le jour de mon anniversaire.
Il y a des gens bien, quand même. J’en ai pleuré comme un enfant, mais peut-être suis-je juste un peu fatigué de tout ça… On peut penser ce qu’on veut des programmes de gauche; il n’empêche qu’ils ont souvent le monopole du cœur pour ce genre d’initiatives.
Reste à savoir si ces belles âmes auront le poids suffisant pour que ce cauchemar, que je vis personnellement très mal, se transforme finalement en un cadeau de la vie.
Inch’Allah.
Des gens sans problème.
Des enfants de 5 à 14 ans nés en Suisse, qui ne parlent que français, mais qui ont seul le tort d’être encore de nationalité kosovare. Celle de leurs parents, qui ont le seul tort d’avoir accepté l’aide sociale que la Suisse leur offrait. Légalement.
La Suisse est géniale: elle offre son aide d’une main, mais finit par reprocher de l’avoir acceptée.
Tout ça malgré que la famille soit sortie de l’aide sociale depuis plusieurs années, que la mère ait un travail bien rémunéré à Genève pour lequel elle vient de recevoir une promotion, que le père – en Suisse depuis 25 ans – ait vaincu sa dépression et qu’il s’occupe des plus petits enfants à la maison.
Et notre Tribunal fédéral, notre Haute Cour, notre aréopage de prétendus Grands Sages, qui écrit par la plume de sa présidente Les Verts qu’il est conscient que le retour au pays posera de graves problèmes à ces quatre enfants de 5 ans, 10 ans, 12 ans et 14 ans, en relevant qu’ils finiront bien par s’y faire. Une juge fédérale écologiste manifestement plus sensible aux intérêts de la nature qu’à ceux d’êtres humains, puisqu’elle écrit même que la durée de séjour de ces enfants en Suisse n’est au fond pas si longue puisqu’ils sont jeunes… Véridique.
Et l’office cantonal de la population et des migrations de Genève qui, le jour (!) de la notification de l’arrêt (de l’arrêt de mort) du Tribunal fédéral, pousse l’indignité jusqu’à m’expédier des cartes de sortie de Suisse à distribuer à mes protégés, leur ordonnant de quitter la Suisse d’ici le mois d’avril prochain. En pleine année scolaire !
Alors on nous sert la totale, pour justifier cette horreur que la Suisse s’apprête à commettre : en plus d’avoir touché le minimum vital d’aide sociale pendant dix ans, le père aurait eu jadis des soucis avec la justice. Ah bon ? Oui… il y a 12 ans, des infractions à la circulation routière et une prétendue tentative de vol qu’il a toujours niée, pour laquelle il n’a pas été entendu par la justice, sans jamais avoir eu droit à un avocat. On avait retrouvé son ADN dans un gant de chantier ayant servi à commettre un vol de câbles en cuivre dans les abords d’une usine, sans qu’il n’ait jamais eu la chance de pouvoir démontrer que ces gants étaient communs à tous les ouvriers de l’entreprise… Un Procureur a rendu une ordonnance pénale, que Kemajl ne savait pas pouvoir contester. Il lui est encore reproché, plus récemment, d’avoir insulté une concierge après que celle-ci, pour un problème de porte laissée ouverte dans un local poubelle, lui eut demandé en hurlant s’il n’y avait pas de portes dans son pays. Ce qu’on appelle une « querelle de buanderie ».
Donc rien de bien grave au niveau pénal, et la décision de renvoi ne s’appuie d’ailleurs en rien sur ces prétextes que le Tribunal fédéral nous ressort maintenant pour tenter de se donner une conscience.
Il n’en demeure pas moins que ça fait cher payé pour ces quatre enfants, qui n’ont rien demandé et dont on se torche avec la Convention sur les droits de l’enfant qui est censée les protéger contre ce genre de décisions inhumaines.
Pour la petite histoire, ces gens n’ont jamais eu les moyens de payer un avocat et je ne voulais pas demander l’assistance juridique gratuite de l’Etat, ce qui aurait pu donner l’impression qu’ils dépendaient encore de quelque aide que ce soit. Kemajl a alors tenu, pour ne pas avoir l’impression de demander l’âumône et d’être défendu à mes dépens, de venir faire le ménage de mon étude, plusieurs fois par semaine. Ce qu’il a fait, inlassablement, depuis près de deux ans.
Aujourd’hui, j’ai honte de Genève et de la justice suisse.
Mais les choses commencent peut-être à bouger : d’abord cet article dans la Tribune de Genève de mardi dernier, de Chloé Dethurens, humain, objectif.
On m’a envoyé ensuite, hier, le post Tiktok d’un influenceur qui s’indigne sur les réseaux : https://www.tiktok.com/@stri…/video/7464869810522885398… . Puisse-t-il faire des émules !
Et puis je viens de recevoir un appel téléphonique d’un des membres du nouveau parti politique genevois Union Populaire, celui de l’ancien maire Rémy Pagani, qui me dit avoir été touché par cette histoire et souhaiter une rencontre avec Kemajl, en vue d’envisager une interpellation officielle du Conseil d’Etat. Nous nous rencontrons tous à mon étude, mardi prochain 11 février : eux, Kemajl, sa femme et ses enfants.
Ce sera le jour de mon anniversaire.
Il y a des gens bien, quand même. J’en ai pleuré comme un enfant, mais peut-être suis-je juste un peu fatigué de tout ça… On peut penser ce qu’on veut des programmes de gauche; il n’empêche qu’ils ont souvent le monopole du cœur pour ce genre d’initiatives.
Reste à savoir si ces belles âmes auront le poids suffisant pour que ce cauchemar, que je vis personnellement très mal, se transforme finalement en un cadeau de la vie.
Inch’Allah.
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