
Le 19 mai, le Parlement français a définitivement adopté, après un ultime vote du Sénat, une proposition de loi de Gabriel Attal pour durcir la justice des mineurs et responsabiliser les parents de mineurs délinquants. Le texte de l’ancien Premier ministre, adopté dans les mêmes termes à l’Assemblée nationale la semaine passée, a été approuvé par 223 sénateurs contre 112. La gauche s’y est vivement opposée, promettant de saisir le Conseil constitutionnel sur certains dispositifs comme la comparution immédiate pour les jeunes récidivistes à partir de 16 ans, ou encore l’atténuation du principe de « l’excuse de minorité ».
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Après un ultime vote du Sénat, le Parlement français a définitivement adopté, ce lundi, une proposition de loi de Gabriel Attal pour durcir la justice des mineurs. Autrement dit, il s’agit de restaurer l’autorité de la justice pour juger plus vite et plus efficacement les mineurs délinquants récidivistes. « Restaurer l’autorité » de la justice, « responsabiliser » les parents et « juger plus vite » les mineurs délinquants récidivistes : l’initiative de l’ancien Premier ministre s’articule autour de ces trois promesses, formulées après les émeutes de l’été 2023 consécutives à la mort du jeune Nahel, impliquant de nombreux jeunes.
Près de deux ans plus tard, celui qui a pris la tête du parti présidentiel Renaissance est parvenu à faire aboutir son initiative, avec 223 sénateurs pour et 112 contre, lors de ce dernier vote qui ne faisait guère de doute dans un hémicycle dominé par une alliance droite-centristes qui soutient globalement le texte.
Pour Me Arnaud de Saint Rémy, avocat au barreau de Rouen et responsable du groupe de travail Droit des enfants, cette nouvelle loi est inutile et va à l’encontre des grands principes de la justice pénale des mineurs : « C’est une remise en cause du principe de la primauté de l’éducatif sur le répressif. Aujourd’hui, c’est le répressif qui va primer. Et notamment la meilleure illustration, c’est l’inversion du principe d’atténuation de peine pour les mineurs qui, aujourd’hui, n’existe plus. Nous avons assisté, les bras ballants, à une remise en cause de ce qui a été le fondement de la France, c’est-à-dire le principe de l’éducatif sur le répressif. »
Pour l’avocat, un mineur sera jugé comme un majeur. Et seulement à titre exceptionnel que l’on fera bénéficier le mineur de l’atténuation de responsabilité. « Ce qui me choque, poursuit Me Arnaud de Saint Rémy au micro de Laurence Théault, du service France de RFI, c’est que, alors que nous étions en train de célébrer les 80 ans de l’ordonnance de 1945 qui rappelait le principe de l’éducatif sur le répressif, et bien là, on fait l’inverse. C’est-à-dire que la France tourne clairement le dos à ce qu’elle est. »
« Le délai de prise en charge est la clé »
La réforme prévoit notamment la création d’une amende civile pour les parents qui ne répondraient pas aux convocations aux audiences, ou encore la création d’une procédure de comparution immédiate pour les jeunes récidivistes à partir de 16 ans. Autre dispositif phare : l’inversion du principe de « l’excuse de minorité », selon laquelle un mineur est sanctionné moins sévèrement qu’un majeur. À partir de 16 ans, cela deviendra l’exception qui devra être motivée par le juge et non plus la règle, pour les cas de récidive punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
Vice-procureur du tribunal de Melun et secrétaire général adjoint de l’Union syndicale des magistrats (USM), Aurélien Martini explique que le plus important est le délai de la mise en œuvre des décisions judiciaires pour un mineur, auquel la loi Attal ne s’intéresse pas : « Quand on interroge les magistrats, mais également les fonctionnaires de la protection judiciaire de la jeunesse et même les fonctionnaires territoriaux qui sont en charge de l’aide sociale à l’enfance, ils disent tous la même chose. Le délai de prise en charge pour un mineur compte énormément. Les majeurs ont déjà l’impression que la justice est lente. Alors pour un mineur, le temps passe beaucoup plus vite.
Aurélien Martini signifie aussi que lorsqu’un mineur est condamné et que les mesures n’arrivent seulement que six mois ou huit mois plus tard, il n’est déjà plus le même enfant. « Il est très important qu’on se mobilise pour agir vite, que ce soit sur un terrain répressif ou sur un terrain d’assistance éducative. Mes collègues en assistance éducative rendent des décisions de placement ou d’assistance en milieu ouvert – à domicile – qui ne sont pas exécutées avant un an. Ça n’est pas acceptable, parce que pendant un an, la situation se dégrade et alors après on peut verser dans la délinquance ou arriver à des situations très gravement compromises. Donc le délai de prise en charge est vraiment la clé. »
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