Pourquoi cette commission d’enquête sur LFI pourrait se retourner contre Laurent Wauquiez

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Manuel Bompard invite la droite à regarder dans « son propre camp » et envisage notamment de mettre sur la table « les liens entre Nicolas Sarkozy et la Libye de Mouammar Kadhafi. »

LUDOVIC MARIN / AFP
Pourquoi cette commission d’enquête sur LFI pourrait se retourner contre Laurent Wauquiez

POLITIQUE – En quête politique. L’Assemblée nationale se prononce, ce mercredi 28 mai, sur la création d’une commission d’enquête singulière, portant sur les liens présumés entre des responsables politiques et des « réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste. » Un objet porté par Laurent Wauquiez et qui vise, avant tout, la France insoumise.

Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la résolution signée par le chef des députés LR et les membres de son groupe au Palais Bourbon. Le mouvement de gauche radicale y est cité à sept reprises, dans ce qui s’apparente à un catalogue des polémiques qui les ont concernées ces dernières années. Caricatures comprises.

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La commission devrait voir le jour, sauf coup de théâtre : elle est de droit, selon la formule, puisque Les Républicains ont fait le choix d’utiliser leur droit de tirage, prérogative qui permet à chaque groupe politique d’enquêter (une fois par session parlementaire) sur le sujet de son choix. En théorie, Laurent Wauquiez veut donc confirmer « les faisceaux d’indices » selon lui qui « montrent une complicité entre LFI et les réseaux islamistes. » En pratique, la limonade pourrait devenir aigre.

LR n’aura pas les mains libres

Les députés de droite, tout d’abord, bien qu’à la manœuvre, n’auront pas les mains totalement libres dans cette commission. Le règlement de l’Assemblée dispose effectivement que la composition du cénacle (30 députés) et de son bureau (9 membres) doit s’efforcer de correspondre aux rapports de force dans l’hémicycle. Ainsi, la troupe LR et ses quarante ouailles (même aidés du Rassemblement national) ne seront pas – du tout – en position hégémonique pour décider seules des convocations et de l’ordre du jour des travaux.

Dès lors, le risque existe pour Laurent Wauquiez et ses troupes de subir l’effet de « l’arroseur arrosé », déjà éprouvé par d’autres avant eux. En d’autres termes, de voir cette commission d’enquête se retourner contre leur mouvement, certains de ses élus, et leurs liens potentiels avec des idéologies extrémistes.

D’autant que les insoumis, outrés par les contours de la commission, « d’une violence, d’une calomnie inouïe » selon les mots d’Éric Coquerel, n’ont pas prévu de regarder les balles passer. Au contraire. Le numéro 1 du mouvement, Manuel Bompard a déjà mis Laurent Wauquiez en garde, en direct, sur BFMTV, le 10 mai dernier. Tout en critiquant les « fantasmes » du député de Haute-Loire sur les liens qu’il imagine entre la France insoumise et des islamistes, ce proche de Jean-Luc Mélenchon a encouragé son interlocuteur à regarder dans son propre camp.

« J’avais des amis, en Tunisie, des militants de la gauche comme moi, et ces dirigeants ont été tués par les islamistes. (…) Donc s’il y a bien quelqu’un à qui vous ne pouvez pas faire ce type de reproches, c’est bien moi. Par contre, vous avez été membre d’un gouvernement sous la présidence de monsieur Sarkozy. À l’époque c’est lui par exemple qui a intégré une organisation que vous dénoncez aujourd’hui, l’UOIF (l’Union des organisations islamiques en France) », a-t-il souligné, devant Laurent Wauquiez.

Les liens Sarkozy – Kadhafi sur la table ?

Et d’ajouter : « donc si vous voulez faire une commission d’enquête sur les liens avec des réseaux qui seraient extrémistes d’un point de vue religieux, je vous donne un conseil : faites-la à l’intérieur de votre famille politique. » Dit encore plus clairement auprès de franceinfo, Manuel Bompard envisage de souligner les « liens entre Nicolas Sarkozy et la Libye de Mouammar Kadhafi. »

De quoi donner des sueurs froides à la droite ? Ces liens sont effectivement au cœur d’une enquête (judiciaire pour le coup) et du procès des soupçons de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Dans cette affaire, le Parquet national financier (PNF) a requis en mars une peine de sept ans de prison et de 300 000 euros d’amende à l’encontre de l’ancien chef de l’État, (qui clame son innocence), évoquant un « pacte de corruption indécent, inouï » avec l’ancien dictateur.

De l’autre côté du spectre, l’extrême droite identitaire, qui compte des relais à l’Assemblée via le RN ou l’UDR, cible de longue date les « islamo-droitistes ». Soit des élus LR accusés, de manière tout aussi exagérée et expéditive, de pactiser avec des réseaux islamistes : là pour la construction d’une mosquée, ici pour la rupture du jeûne du Ramadan. Dans un contexte où le RN voit d’un mauvais œil la popularité de Bruno Retailleau, il est fort probable que les élus lepénistes et leurs alliés profitent de cet espace pour enfoncer leurs adversaires de droite. « Ali Juppé » et « Farid Fillon » peuvent en témoigner.

Du reste, il existe plusieurs exemples de retour de manivelle peu glorieux. Au Rassemblement national, par exemple, l’idée d’enquêter sur les « ingérences étrangères » s’est finalement révélée désastreuse en 2023. À l’origine, les lepénistes voulaient noyer les accusations en russophilie, portée notamment par la macronie. Au final, la commission a accouché d’un rapport implacable sur les liens de la formation d’extrême droite avec le régime de Vladimir Poutine, qualifiant notamment le parti de « courroie de transmission » du Kremlin en France.

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