
Enquête
Marsactu, journal indépendant sur Marseille et son territoire
Un cargo israélien fait escale, jeudi 5 juin, à Fos-sur-Mer. Le Contship Era doit embarquer le même jour quatorze tonnes de pièces détachées pour fusils mitrailleurs. Fabriqué par la société française Eurolinks, ce matériel militaire est destiné à l’entreprise d’armement Israel Military Industries, révèlent notre partenaire Disclose et le média irlandais The Ditch.
Les livraisons de matériel militaire français vers Israël se poursuivent en secret. D’après les informations de Disclose et du média irlandais The Ditch, un cargo de la compagnie israélienne Zim s’apprête à faire escale à Fos-sur-Mer pour embarquer dix-neuf palettes contenant quatorze tonnes de pièces pour cartouches de fusils mitrailleurs. L’arrivée du Contship Era est annoncée ce jeudi 5 juin à 6 heures. Il doit repartir le même jour aux alentours de 23 heures, direction les villes italiennes de Gênes et Salerne. Destination finale : le port d’Haïfa, dans le nord d’Israël.
Ces pièces détachées, appelées maillons, sont fabriquées à Marseille par la société française Eurolinks. Utilisées pour relier entre elles des balles d’armes automatiques, elles ont été commandées par Israel Military Industries (IMI), une filiale d’Elbit Systems, l’un des principaux industriels de l’armement israélien. L’entreprise, qui se présente comme “le fournisseur exclusif des forces israéliennes de défense”, approvisionne Tsahal en balles de petit et gros calibre.
“Massacre de la farine”
D’après notre enquête, c’est la troisième expédition de ce type entre Fos-sur-Mer et Haïfa depuis le début de l’année 2025. Et ce, malgré les appels des expert·es de l’ONU à cesser les livraisons d’armes à Israël en raison du risque de génocide des Palestiniens dans un conflit qui a fait plus de 50 000 morts, dont 15 000 enfants, selon l’Unicef. La première fois, le 3 avril dernier, le cargo Contship Era récupérait vingt-six palettes, soit près de vingt tonnes de marchandises, destinées à IMI, d’après des données maritimes confidentielles obtenues par Disclose et The Ditch.
La seconde expédition a eu lieu le 22 mai. Cette fois, le cargo embarquait deux millions de maillons : un million de M9, utilisés pour équiper des armes lourdes, et l’autre moitié composée de maillons M27. Ces derniers, prévus pour des fusils automatiques légers, seraient compatibles avec le Negev 5. Employée à Gaza par l’armée israélienne, cette mitrailleuse a été utilisée dans le “massacre de la farine”, le 29 février 2024, où plus d’une centaine de civils palestiniens ont été tués à proximité d’un convoi d’aide humanitaire.
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Les contrats entre l’Israélien IMI et Eurolinks ne sont pas nouveaux. En octobre 2023, avec l’autorisation du gouvernement, la société française a exporté 100 000 maillons produits dans son usine marseillaise, comme Disclose et Marsactu l’ont révélé en mars 2024.
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Le lendemain de nos révélations, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, assurait en conférence de presse que ces livraisons étaient destinées à la “réexportation” vers des clients d’Israël. Une affirmation identique à celle formulée à l’époque par le PDG d’Eurolinks, Jean-Luc Bonelli, auprès de Disclose : “Les licences qui nous sont octroyées par les autorités [françaises] contraignent IMI à n’utiliser nos maillons que pour les cartouches destinées à leurs clients étrangers.” Mais, de l’aveu même du fabricant, aucun contrôle n’a été réalisé par les services de l’ambassade de France à Tel-Aviv pour vérifier l’identité du destinataire final.
Huit mois après cet épisode, le ministre français des Armées changeait de version lors d’une audition face aux sénateurs. Il assurait dorénavant que les maillons d’Eurolinks auraient été “assemblés en Israël” avant… de revenir en France. “Donc, concluait le ministre Sébastien Lecornu, il n’y a pas d’armes vendues à Israël.” Quelle explication fournit-il aujourd’hui ? Sollicité par Disclose, le ministère des Armées n’a pas réagi avant la publication de cet article.
avec The Ditch
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