L’on ne peut saisir toute l’importance de cette situation qu’à la condition de comprendre que cette « montée du fascisme » ou de l’extrême-droite, dont beaucoup parlent sans en caractériser les fondements, n’est pas une vague déferlante emportant les populations, bien au contraire de larges secteurs de celles-ci se battent et résistent, mais constitue une polarisation organisée, à partir d’un axe central qu’il faut désigner si l’on prétend réellement combattre le fascisme : l’axe Trump/Poutine.
Ainsi, l’élection très serrée en Pologne d’un nouveau président du PiS, mais du PiS lié désormais à Trump au pouvoir et ayant par là un fil le reliant à Poutine, en Pologne, Karol Nawrocki, ne participe pas d’une « déferlante », mais, comme deux semaines avant l’échec du candidat poutinien et trumpiste en Roumanie, de l’accentuation des tensions, qui demande que les forces sociales qui ont réellement besoin de démocratie s’organisent de manière indépendante.
C’est de ce point de vue, qui se fonde sur le contenu mondial de la lutte des classes, que nous pouvons poser cette analyse de première importance : le coup le plus dur subi récemment par Trump est celui qu’a reçu Poutine, dimanche 1° juin, avec l’opération ukrainienne détruisant, sur la profondeur du territoire russe, une partie considérable, et non renouvelable, de la flotte aérienne stratégique russe, suivi de frappes sur le pont de Kertch.
Pearl Harbour, cheval de Troie, Trafalgar … les comparaisons ne manquent pas pour ce qui marquera une date dans l’histoire militaire, celle de la capacité affirmée, par la combinaison entre petit matériel, ruse, et IA, à détruire en masse des engins de bien plus grande taille et coût.
Comme le disent les Ukrainiens, ils ont abattu une bonne carte alors que Trump avait crié à Zelenski, dans le bureau ovale, « Vous n’avez pas de cartes » : hé bien si, à condition de la manier sans Washington, malgré Washington, contre Washington.
D’autre part, l’offensive mondiale de Trump sur les tarifs commerciaux a fait chuter puis vaciller les bourses et induit la dislocation du marché mondial, mais sans renforcer les Etats-Unis bien au contraire.
Précisons que ce n’est pas la Chine en tant qu’Etat qui a neutralisé cette offensive ; le pouvoir chinois est affaibli par la crise globale lui aussi.
Les taux des bons du Trésor US et les récriminations de larges secteurs capitalistes et financiers aux Etats-Unis ont conduit un tribunal fédéral dévolu aux questions commerciales à annuler la plupart des décrets de Trump comme portant atteinte à la constitution et aux attributions du Congrès (ce qui est une évidence). La crise constitutionnelle américaine est ouverte pleinement.
L’arrière-plan des affrontements dans et pour l’Etat nord-américain, c’est la mobilisation de couches massives de la société aux Etats-Unis, qui a réalisé, par en bas mais en s’appuyant sur les structures syndicales, plusieurs journées nationales (un fait sans précédents dans ce pays-continent) anti-Trump, avec des millions de manifestants, processus qui va s’intensifier entre le 6 et le 14 juin.
Trump n’est pas arrivé à déporter des millions de migrants et à faire prendre d’assaut les quartiers noirs et latinos des grandes villes, mais des milliers de gens sont traqués, kidnappés, et les affrontements se multiplient, comme à San Diego récemment, où la population affronte les services de l’immigration (ICE) tentant d’embarquer les leurs.
Dans le triumvirat qui était apparu, Musk et Vance flanquant Trump, il y a un mort, ou en tout cas un œil au beurre noir, c’est Musk, qui a fait de gros dégâts mais a échoué à détruire totalement l’administration et les services publics fédéraux. L’importance de Vance s’en trouve renforcée.
Toutefois, la désignation, par le conclave au Vatican, d’un pape refusant l’orientation que J.D. Vance et consorts veulent imprimer au catholicisme, à savoir son intégration à un axe religieux millénariste ultra-réactionnaire avec les fondamentalistes protestants et les orthodoxes poutiniens, est, à cette étape, un échec sec pour l’axe néofasciste Trump/Poutine.
L’interaction entre la crise des Etats-Unis et les affrontements sociaux mondiaux se renforce.
Au Panama, nous avons une situation quasi insurrectionnelle produite par la répression, devenue sanglante avec l’assassinat policier de jeunes « indigènes », de la vague montante de manifestations provoquées par la décision du président Raoul Mulino (qui défend soi-disant la « souveraineté du Panama » !) d’autoriser le déploiement de militaires américains sur le canal, ainsi que contre l’implantation de mines de cuivre et d’un barrage pour les écluses du canal.
Le syndicat du bâtiment (SUNTRACS), colonne vertébrale de la mobilisation nationale, est la cible d’une tentative de destruction. Son dirigeant Saul Mendez s’est réfugié à l’ambassade de Bolivie après l’arrestation de des autres militants, Genaro Lopez et Jaime Caballero.
Trump vient, d’autre part, le 3 juin, de lancer le transfert de la supervision militaire du Groenland, dans le cadre de l’OTAN, du Commandement américain en Europe au Commandement Nord (créé seulement en 2022), Northcom. Cette mesure unilatérale envers les Etats européens membres de l’OTAN est menaçante pour le Groenland et donc pour le Danemark, et au-delà.
C’est dans ce cadre et en relation avec la résistance ukrainienne qu’il faut jauger la question de Gaza.
En effet, la démonstration ukrainienne, indépendamment de l’orientation du gouvernement Zelenski, parce qu’il a agi pour se défendre, montre ce que les pays européens devraient faire à Gaza : agir indépendamment, sans autorisation ni aval de Washington, pour briser le blocus en mobilisant des moyens militaires.
Bien sûr, le refus, l’incapacité ou la réticence des gouvernements européens soucieux des seuls intérêts capitalistes et impérialistes européens, à agir ainsi, soulève « la nécessité de lutter pour des gouvernements orientés sur la défense des droits humains, droits sociaux et écologiques en politique intérieure, avec une politique extérieure internationaliste et démocratique conséquente. »
En France, contre Macron et la V° République, cela veut dire un gouvernement démocratique qui hausse les salaires, abroge la loi sur les retraites, sauve les services publics, engage la lutte écologique, arme l’Ukraine et force le blocus à Gaza.
Le combat antifasciste c’est le combat pour remettre en avant, maintenant, cette perspective en France, et ses équivalents dans toute l’Europe, car l’Europe est le point de bascule, le lieu central, de l’affrontement social mondial entre la majorité prolétarienne qui a besoin de démocratie, et tous les hégémons néofascistes et totalitaires.
VP, le 4/06/25.
Photo illustrant cet article : les ouvriers agricoles des bananeraies de Panama en grève de masse.
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