Pacifistes de guerre et d’union sacrée.

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Par aplutsoc2 le 5 juin 2025
Informations Ouvrières , organe de ce qui fut autrefois une organisation trotskyste et est aujourd’hui la garde prétorienne de LFI, a publié le 24 mai dernier un appel intitulé Pas un centime, pas une arme, pas une vie pour la guerre , dont nous reproduisons ci-dessous le texte pour en faire une analyse tout à fait nécessaire :

Les dirigeants européens préparent la guerre. Un vaste programme de réarmement est en cours. Et c’est à la classe ouvrière qu’ils vont demander de payer le prix de leurs armes et de leur guerre, par les impôts, par les coupes dans les prestations sociales, par la baisse de notre niveau de vie, ainsi que par notre sang et notre sueur.

L’ordre établi après la Seconde Guerre Mondiale se désintègre – politiquement, financièrement et militairement. Nous faisons face à des multiples crises qui s’aggravent : celle du capitalisme lui-même, qui met en danger l’avenir même de l’humanité ; l’effondrement écologique imminent ; et le risque croissant d’une guerre mondiale, voire d’une guerre nucléaire. Ces problèmes ne sont pas nouveaux, mais ils sont amplifiés par le deuxième mandat de Trump et par la montée de l’extrême droite en Europe.

C’est pourquoi des militants, des syndicalistes et des démocrates de toute l’Europe lancent cet appel à s’unir contre la guerre et les dépenses militaires, et à rejeter l’exigence des gouvernements européens de soutenir leurs politiques brutales et destructrices au nom d’une prétendue « union nationale ». Il s’agit là d’un patriotisme factice. Ces guerres ne sont pas les nôtres. Nous ne les paierons pas ! Nous ne pleurons pas pour elles !

Comme le disait l’écrivain français Anatole France au moment de la Première Guerre mondiale : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels. » Des millions de personnes sont mortes à cette époque, et c’est ce qui se produit si nous ne jouons pas fin à ce bellicisme et au réarmement.

La classe dirigeante européenne mène déjà une guerre par procuration en Ukraine et soutient le génocide israélien contre le peuple palestinien.

Voici les faits :

  • Un million de morts et de blessés, des deux côtés, en Ukraine et en Russie.
  • Des dizaines de milliers de morts et de blessés en Palestine, dans la tentative de génocide et de nettoyage ethnique de toute la population.

Les principaux bénéficiaires sont les fabricants d’armes et ceux qui profitent de l’exploitation des ressources de la Palestine et de l’Ukraine. Mais nous ne soutenons pas cette exploitation.

Nous disons :

NON à la guerre et aux attaques contre les acquis sociaux !

NON aux budgets de guerre et aux fauteurs de guerre !

NON aux politiques de guerre, d’où qu’elles viennent !

Nous appelons à l’unité des peuples d’Europe, à la paix et non à la guerre ; à la justice et à l’égalité et non à l’exploitation : « Pas un centime, pas une arme, pas une vie pour la guerre ! »

Ce sont des saints, n’est-ce pas ?

Ils sont pour la paix contre la guerre, pour la justice contre l’exploitation… pour la gentillesse contre la méchanceté !

Mais voyons de plus près précisément CONTRE qui ils sont. Car, c’est vrai, des tyrans, despotes et hégémons fauteurs de guerre à l’échelle mondiale existant dans le monde présent : ils s’appellent Poutine, Trump, Xi Jinping ou Modi (on reviendra ci-après sur les chefs européens de taille moyenne) – notamment.

Poutine, Xi et Modi ne sont pas mentionnés, ce qui est d’autant plus frappant envers Poutine que la guerre en Ukraine est, avec la Palestine, la seule guerre efficace dont parle ce texte. Manifestement, pour ses auteurs, Poutine n’y est pour rien, ni d’ailleurs Trump et Washington, car c’est « la classe dirigeante européenne » qui mène en Ukraine « une guerre par procuration ».

La seule tentative de génocide évoquée est en Palestine, alors que Marioupol totalise à peu près autant de morts que Gaza, que la russification bat son plein dans les zones occupées, que l’Etat russe a kidnappé des dizaines de milliers d’enfants pour les « rééduquer », vise exclusivement des objectifs civils par ses bombardements et menace d’emploi de l’arme nucléaire.

Pas de Poutine, pas de tentative de génocide en Ukraine, pas d’Ukrainiennes et d’Ukrainiens qui se défendent, mais une « guerre par procuration » de la « classe dirigeante européenne » !

Concernant la Palestine, il est bien question d’une tentative de génocide voire pire, mais il se trouve que Netanyahou et son gouvernement eux non plus ne sont pas nommés, pas plus d’ailleurs que le Hamas : là encore, c’est « la classe dirigeante européenne » qui soutient le « génocide israélien ». Ces derniers mots désignent certes comme responsable premier des massacres qualifiés de génocide, le gouvernement israélien, mais sur la base du soutien, dans le cadre du soutien, de la « classe dirigeante européenne ».

Cet appel est dirigé entièrement et exclusivement contre cette supposée « classe dirigeante européenne » qui serait en train, toute seule, de faire basculer le monde dans la guerre !

Dans la description sommaire de ce basculement (au deuxième paragraphe), Trump est uniquement mentionné en passant, après les mots : « Ces problèmes ne sont pas nouveaux ». Il est mentionné en même temps que « la montée de l’extrême droite en Europe », pour donner l’impression de dénoncer des processus présents qui se seraient intensifiés, histoire d’avoir une petite tonalité faussement « antifasciste » alors que le fascisme en général, comme le fascisme dans sa forme contemporaine, celle de l’Axe Trump/Poutine, n’est précisément pas la cible de cet appel … mais plutôt son inspiration !

Car c’est bien la propagande de Moscou qui dénonce les pays européens fauteurs de guerre, et c’est bien JD Vance qui appelle à la lutte contre les gouvernements liberticides d’Europe occidentale !

Les appels de JD Vance soutiennent en première ligne l’extrême droite : RN (France), AfD (Allemagne), Vox (Etat espagnol), Chega (Portugal), Fratelli d’Italia et Lega (Italie), Fidesz (Hongrie), AUR (Roumanie) …

C’est sa première ligne de front.

Sans exagération, nous pouvons dire que nous voyons ici prendre forme sa seconde ligne de front contre les pays européens dans le cadre de l’Axe Trump/Poutine. Une rhétorique pacifiste est mise en avant à seule fin de désarmer les peuples européens, et, en tout premier lieu, de désarmer le peuple ukrainien, dont l’existence est implicitement niée dans ce texte, pour qu’il soit massacré.

La célèbre phrase d’Anatole France mise en valeur formule une vérité concernant la première guerre mondiale, et en général les guerres purement inter-impérialistes, et touche aussi au fait que dans le capitalisme les profiteurs de guerre existants. Elle date de 1922 (en 1914, leur auteur avait été partisan de la guerre et de l’union sacrée). Elle ne valait déjà pas pour les peuples de Russie combattant les armées blanches et les interventions étrangères en 1918. Et elle sera, déjà, utilisée par les pacifistes d’union sacrée qui, en 1940, ont soutenu la Révolution nationale du maréchal Pétain. Car le pacifisme d’union sacrée existe : comme le patriotisme d’union sacrée de 1914, son frère jumeau, il livre les prolétaires aux coups, à la mort et aux canons.

Du point de vue internationaliste, prolétarien et démocratique, les dirigeants européens comme Macron, Starmer, Merz ou Van der Leyen n’assurent et n’assureront pas la défense de l’Europe, de la démocratie et de la culture contre le trumpisme et le poutinisme, mais chercheront et chercheront à défendre leurs propres intérêts d’impérialismes de plus en plus de seconde zone.

Mais cet appel ne s’oppose même pas à leurs politiques : il dénonce un « patriotisme factice ». Tenez donc !

C’est quoi, ce « patriotisme factice » ? C’est le fait de soutenir la prétendue « classe dirigeante européenne », comme s’il n’y avait pas en Europe des classes dirigeantes nationales poursuivant leurs intérêts propres. Le fait de combattre l’Axe Trump/Poutine est donc amalgamé au dit « patriotisme factice » !

Et qu’en est-il du patriotisme non factice qui, implicitement, serait donc pour les auteurs de cet appel le bon patriotisme, sans doute « pacifiste » ? On peut le déduire : c’est le fait de rassembler les partisans de la prétendue souveraineté de chaque nation, contre la « classe dirigeante européenne » et pour « la paix ».

Nous avions reconnu, de façon quasi explicite, le discours d’un Vance, poutini-trumpiste, contre les peuples d’Europe, dans ce texte ; nous reconnaissons maintenant, en sous-texte, une orientation se rapproche de celle de la première ligne de front que soutient JD Vance : l’extrême droite.

L’orientation prolétarienne, internationaliste et démocratique, doit aujourd’hui exiger des puissances européennes qu’au lieu de programmer des dépenses militaires lourdes de longue durée et, dans le cas de la France de vouloir préserver à tout prix son « outremer », ils arment tout de suite et massivement l’Ukraine en drones, batteries antiaériennes, avions, et qu’ils assurent une protection armée à des convois humanitaires internationaux brisant, par la force si nécessaire, le blocus de Gaza.

C’est cela, l’internationalisme, dans la tradition vivante de Jaurès, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht, et c’est aussi cela, le vrai pacifisme, car en battant Trump, Poutine et Netanyahou, c’est la paix, par sa seule base possible l’union des peuples, que l’on reconstruit.

Les « pacifistes » ayant lancé cet appel sont, tout au contraire, les fauteurs de la guerre et de l’union sacrée, une union sacrée contre une supposée « classe dirigeante européenne », avec Poutine et Trump, livrant Palestiniens (en se livrant à des incantations sur leur sort) et Ukrainiens (en faisant le silence sur leur sort) aux génocides.

Cette union sacrée vers laquelle pointe cet appel commence à se concrétiser dans les signatures, qui sont organisées autour d’un axe constitué du POI et de LFI en France, composante racialiste comprenant (H. Bouteldja), sans oublier les organisateurs du défilé poutinien du 9 mai à Paris, Chikirou et Wachill, et du BSW allemand. Le fait qu’un dirigeant ouvrier déchu comme Jeremy Corbyn et des personnalités issues de l’extrême gauche, dont Ken Loach, en fait partie, n’y change rien, mais prudence.

Les passerelles et les perches sont là, les mains sont tendues. Vous dites dénoncer l’union sacrée, âmes saintes du POI ? Pas ça, pas vous !

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