Onze millions. Il est bien sûr difficile d’avoir une évaluation exacte (le FBI ne donnera pas la sienne !), mais il semble bien que les 11 millions de manifestants étaient là, aux Etats-Unis, en ce 14 juin 2024. C’est donc historique.
Il serait long, très long, de tenter un recensement. Voici la manifestation de masse de Louisville, au Tennessee, ville démocrate mais dans ce qui est censé être les Appalaches profondes et trumpistes …
Et la parade militaire avec Trump en vedette fut pitoyable – 20 000 assistants, dont certains rétribués (en bitcoins !), là où, le matin même, les vétérans avaient tenté un sit-in sur les escaliers du Capitole, subissant plusieurs dizaines d’arrestations sur les lieux mêmes du premier coup d’Etat trumpiste, manqué mais impuni, du 6 janvier 2021.
Contre cette lame de fond, Trump ou ses sbires combinent reculs et attaques. Dans la nuit du 13 au 14 (à 23h 55 heure de Washington !) Trump a tweeté qu’il stoppait les raids d’ICE contre les migrants !
Les millions de manifestants savaient que cette fois-ci, la tension monte et qu’il y a risque. Il est difficile de dénombrer les affrontements avec les forces dites de l’ordre, mais ils ont été nombreux, et toujours provoqués par ces dernières. A Los Angeles, où l’armée garde le bâtiment fédéral, bunker où campe Kristie Noem, la secrétaire à la « sécurité intérieure » venue « libérer LA » (rappelons que la réputation de ce personnage vient de la diffusion sur les réseaux sociaux de la mise à mort de son chien, accusé d’avoir mal chassé), il y a eu de graves échauffourées. A Denver, la police a tiré avec des balles en caoutchouc et un manifestant est grièvement blessé. Les gouverneurs républicains de Virginie, Texas, Missouri et Nebraska, ont fait appel à la Garde nationale.
Wayne Iney, sheriff du comté de Brevard en Floride, véritable milicien fasciste en uniforme, a clamé aux manifestants « Nous vous tuerons ». Les milices trumpistes toutefois, sont tétanisées par la force du mouvement populaire démocratique. Elles n’osent guère apparaître sans déguisement et leur déguisement favori est celui des policiers : beaucoup de policiers sont des trumpo-fascistes mais certains miliciens ont des uniformes, de la police ou de ICE.
Dans la nuit précédente, dans la banlieue de Minneapolis, Vance Luther Boelter, désaxé obsédé par les « partisans de l’avortement », avec un équipement policier complet – uniforme, arme, véhicule – a tiré sur un couple d’élus démocrates, John Hofman et son épouse, et les a gravement blessés, puis s’est rendu chez la représentante au Sénat du Minnesota, ancienne présidente de l’assemblée de l’Etat, Melissa Hortman, et l’a assassinée elle et son mari. L’individu est en fuite mais a laissé le véhicule, dans lequel se trouvait la liste d’une cinquantaine d’élus à abattre, ainsi que des tracts signalant des rassemblements « No Kings », qui ont servi à la diffusion de fake news MAGA alors qu’il s’agissait vraisemblablement, là encore, de cibles.

Le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, ancien candidat à la vice-présidence avec Kamala Harris et très lié à l’AFL-CIO, a dénoncé un crime politique tout en appelant à annuler les manifestations dans le Minnesota. Cette consigne n’a pas été suivie. Au contraire, les masses ont déferlé dans cette ville phare de la lutte des classes aux Etats-Unis, de la grande grève des Teamster en 1934 à l’explosion de Black Live Matters en 2020.
Surnommé TACO (Trump Always Chicken Out : « Trump se dégonfle toujours »), Trump est donc un animal blessé, mais au pouvoir.
Les 11 millions, portés par bien plus encore, veulent que Trump parte.
Pendant ce temps, la guerre aérienne entre Israël et l’Iran déclenchée par Netanyahou pour sortir de l’impasse fait des morts des deux côtés. En Iran la population constate que les mollahs n’ont rien prévu pour la protéger des bombes. En Israël le « dôme de fer » lui-même touche ses limites – il y a à cette heure une quinzaine de morts, dont près d’une moitié de Palestiniens, et l’un des juifs israéliens au quartiers atteint a déclaré dans un reportage : « cela fait penser à Gaza ». Le gouvernement israélien menace de « brûler Téhéran », sic. Le prolongement des bombardements meurtriers a donc commencé à affaiblir les deux régimes tout en les incitant à la fuite en avant meurtrière.
Par rapport à la Palestine comme par rapport à l’Ukraine, la question de chasser Trump est politiquement centrale. Quiconque proclame que c’est impossible car non prévu par la constitution ne saisit pas que le mot d’ordre No King – au singulier ou au pluriel – a une portée révolutionnaire. Quiconque fait la fine bouche car ce mouvement est démocratique et se réfère à 1776 est à côté du mouvement réel du prolétariat.
La solidarité internationaliste aurait dû conduire, déjà, les organisations du mouvement ouvrier à rejoindre les nombreux rassemblements, de l’Europe à l’Amérique du Sud, qui ont été appelés par le mouvement de base No Kings. Il faut l’aider à s’organiser centralement – l’obstacle ici étant bien sûr l’inerte Parti démocrate et l’organisatrice de l’inertie qu’est la direction de l’AFL-CIO, du du SEIU qui n’appelle à rien (si ce n’est « soutenir les manifestations) même quand un de ses principaux dirigeants de Californie est arrêté. En fait la lame de fond aux Etats-Unis passe massivement par les structures syndicales de base, mais de base seulement.
Trump, KO debout, va réagir comme l’animal blessé qu’il est. Le plus sérieux est devant nous, mais la force qui s’est levée ce 14 juin 2025 aux Etats-Unis porte un message au monde : pour sauver la démocratie, l’Axe Trump/Poutine peut être défait, et l’ouverture de la Révolution c’est cela même !
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