
New York : Le supremacisme et l’islamophobie, dans le mur
Zohran Mamdani. Un candidat démocrate à l’élection municipale qui veut rendre les transports publics de New York gratuit, qui veut imposer les riches et les entreprises, qui veut supprimer l’exemption fiscale des universités privées pour financer celles publiques, qui veut plafonner les loyers et inaugurer une Agence de Logement Social, qui veut une garderie publique pour tous les enfants jusqu’à 5 ans, qui est contre les méthodes répressives pour réduire la criminalité, qui, contrairement à la majeure partie des Démocrates même des DSA, prend clairement position contre le génocide à Gaza… et qui devient la bête noire pour les médias et politiques réactionnaires tant aux USA qu’ici en France. Pas seulement pour tout ce qu’il propose mais surtout pour ce qu’il est : un homme politique musulman revendiqué.
Depuis ce matin, les réseaux, de tous bords, s’agitent. Les islamophobes sont hyper contrariés. Et pas seulement depuis ce matin et l’annonce que Zohran Mamdani a gagné la primaire démocrate et qu’il est officiellement candidat à l’élection de maire de New York. Donc le texte de soi-disant “analyse de la déchéance des Démocrates americains” agité par Caroline Fourest et ses réseaux d’illuminés depuis ce matin date d’il y a une semaine : publié dans le Franc-Tireur, titré “New York: à gauche, dans le mur”, par Simone Rodan, directrice d’AJC et “journaliste” qui s’est déjà illustrée par “les Palestiniens ne sont pas des simples victimes passives” dans une tribune au Point, en avril 2024.
Ce texte, sous couvert d’alerte politique, est un concentré de rhétorique islamophobe, de suprémacisme occidental et de stigmatisation de toute voix dissidente à la doxa pro-génocide. Il ne s’agit pas ici d’un débat d’idées ou d’une analyse électorale, mais d’un réquisitoire idéologique contre un candidat musulman, antisioniste et socialiste, réduit à une menace civilisationnelle pour l’Occident.
Dès les premières lignes, les positions politiques de Zohran Mamdani – le soutien au BDS, la dénonciation du génocide à Gaza, le refus de signer les résolutions de mémoire de Holocauste – sont présentées comme des signes d’extrémisme, sans jamais interroger leur légitimité politique ou morale. D’abord, il s’agit de la méthode classique qui consiste à criminaliser toute dénonciation de genocide à Gaza, en créant la confusion habituelle entretenue entre critique de la politique de l’État israélien et haine des Juifs – une confusion dangereuse, utilisée pour délégitimer les luttes anticoloniales et museler les voix musulmanes dans l’espace public. Ensuite, l’autrice utilise la decontextualisation et les mensonges pour démontrer la “radicalisation” et “l’antisémitisme” d’un candidat, ce qu’on vit quotidiennement en France également. Enfin, pour rétablir la vérité, absente de ce texte, Mamdani n’a signé aucune résolution en tant que candidat mais a participé à tous les événements en tant qu’élu local sous mandat, y compris à la commémoration de la Shoah. D’ailleurs, il s’est exprimé à plusieurs reprises sur ces sujets avec un soutien à la communauté juive aux USA et la reconnaissance de l’Etat d’Israël. La seule ambiguïté qui puisse y avoir c’est celle créé par les mensonges des islamophobes, là bas comme ici.
La diabolisation ne s’arrête pas là : Mamdani est soupçonné par association. Sa femme, syrienne, poste sur les reseaux sociaux des dessins de résistance palestinienne? Et c’est suffisant pour l’amalgamer au H*mas. Ça va encore plus loin et il faut s’en rendre compte. On est là en présence d’un lobby français “intellectuel” supremaciste et islamophobe qui, sous couvert surtout des droits des femmes, attaque un homme politique musulman sur les activités de sa compagne et en lui reprochant en gros de ne pas l’avoir assez disciplinée. Si ça ce n’est pas le comble de féminisme républicain et occidental, quand même !
A quel point ils/elles tiennent aux droits des femmes, surtout de celles sur qui ça ne les dérange absolument pas de lâcher les bombes occidentales, on le voit aisement dans la suite de ce ramassis de conneries racistes et masculinistes. Dans cette suite, l’autrice oppose à Mamdani, ce musulman sauvage, l’image rassurante d’Andrew Cuomo, malgré ses accusations d’agression sexuelle qui deviennent juste “une drague lourde” et qui est présenté comme une figure de stabilité, de « gestion impeccable du Covid ». Tandis que Mamdani serait le symbole d’une gauche radicale dévoyée, qui « poignarde l’Occident de l’intérieur ». En clair, les mêmes qui faisaient partie de celles et ceux qui critiquaient, à raison, le comportement d’Éric Coquerel suite à des accusations dont il fut l’objet n’ont plus rien à dire sur celles, au niveau encore plus élevé, qui pèsent sur Andrew Cuomo.
Ce langage recycle tous les éléments de langage suprémaciste et masculiniste, selon laquelle d’abord toute critique du capitalisme, de l’impérialisme ou du sionisme est une menace contre l’ordre occidental et démocratique. Mais aussi, que les violences sexuelles et sexistes devraient être naturellement pardonnées à un homme politique blanc et occidental dès le moment où il fait face à un candidat musulman. C’est magique.
On peut faire un détour par une autre accusation qui, perso, m’a fait beaucoup rire. Mamdani a été soutenu par le Muslim Democratic Club ou le CAIR ?! Alors ce sont forcément les “Frères musulmans qui tirent les ficelles”. Du coup, on a surement Retailleau, avec Fourest et Rodan en conseil, qui cherche déjà comment dissoudre MDC et CAIR voir Zohran Mamdani lui-mème. Déjà, ce procédé classique d’amalgame racialo-religieux transforme toute expression politique musulmane en une infiltration, un danger, un « cheval de Troie islamiste ». Ensuite, j’ai un scoop pour vous : Mamdani n’a pas seulement été soutenu par le MDC, il en fait partie et il le revendique. Et les sympathisants des Frères Musulmans en font certainement partie aussi, comme les sympathisants d’autres courants politiques musulmans, dont certains sont même assez incompatibles entre eux mais coexistent selon les regles de débats démocratiques. D’ailleurs tout le monde devrait essayer des débats démocratiques à l’Occident, c’est enrichissant. En tout cas, beaucoup plus enrichissant que la répression et la dictature.
Mais vous croyez quoi en fait ? Le racisme occidental va si loin qu’il n’est même pas envisageable que dans d’autres communautés, cultures, Histoires, les réflexions, les idéologies et les courants politiques puissent exister. J’ai encore un scoop : ils existent, c’est un fait et c’est tant mieux. Déjà ici en Europe, il y a des pays, des peuples à majorité musulmane, qui ont tout autant le droit de se revendiquer “européens” que n’importe quel français, allemand et britannique. Et dans ces pays, il y a des musulmans qui font de la politique et mêmes des partis issus des organisations elle-mêmes issues de l’idéologie des Frères Musulmans, ou d’une autre idéologie, peu importe. Et il y en a même qui sont au pouvoir. C’est comme ça. Les seuls qui ont peur ou un problème avec cet état de faits, notamment ici dans les pays occidentaux,;sont ceux qui ont peur de perdre leur position de privilégiés et n’ont que l’idéologie suprémaciste pour la maintenir en place.
L’usage du mot « woke » est lui aussi révélateur dans le texte : il est devenu un marqueur péjoratif pour disqualifier toute pensée critique, toute revendication sociale ou antiraciste. Mamdani est ainsi moqué pour son « esthétisme révolutionnaire », comme si la justice sociale n’était qu’un caprice de privilégiés déconnectés. Cette rhétorique vise à couper certaines personnalités de sa base populaire et racisée, et à décrédibiliser ses combats par le ridicule ou la suspicion. Bon, Mamdani n’est peut-être pas un camarade avec qui j’ai quelques divergences, mais je sais que c’est un gosse de 3 continents qui a passé une bonne partie de sa vie dans le Queens et qui est conscient des difficultés de ces concitoyens. Ses propositions vont assez loin par rapport à ce qu’on peut trouver même au sein des DSA et surtout les New Yorkais•es, sa communauté et les couches populaires, lui font apparemment confiance.
La dernière phrase résume toute cette angoisse de l’autrice et de celles et ceux qui sont tellement choqué•es depuis ce matin et agitent son texte : un musulman, antisioniste, soutenu par des jeunes, des femmes, des arabes, des noirs, pourrait gagner la mairie d’une grande ville américaine. Ce texte est donc moins un commentaire politique qu’un symptôme : celui d’une panique identitaire qui voit dans la politisation des marges une menace existentielle. Et qui, pour les contenir, n’hésite pas, notamment par les mensonges, à alimenter la peur de l’autre, la diabolisation religieuse et des luttes justes, et à recycler les peurs colonialistes sous un vernis libéral commandé sur Wish.
Tout le monde se demande si on est seuls dans l’Univers. J’ai une révélation à vous faire : je n’en sais absolument rien. Mais je sais que les Occidentaux ne sont pas seuls en Europe et encore moins dans le monde. Qu’il y a des Autres qui existent et qui veulent exister encore plus fort. Et il n’y a rien ni personne qui puisse y faire quoique ce soit. L’époque des Empires occidentaux qui mettaient le monde au pas à coup de colonisations, de guerres, de massacres, de génocides, de corruption, qu’on veut appeler aujourd’hui “investissement”, est révolue. Et non il n’y a pas de “choc des civilisations”, il y a juste le choc entre le supremacisme et l’impérialisme occidental d’un côté et l’Humanité de l’autre, dont les musulmans. Et ces autres qui existent sont une digue qui protège l’Humanité et essaye de lui donner une chance et un espoir. Zohran Mamdani, comme l’image d’un homme politique musulman, n’est qu’un grain de sable dans cette digue. Et c’est pour ça qu’il dérange.
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