Comment les descendants des nazis sont devenus « les nouveaux juifs »

Un article qui va faire grincer quelques dents chez ceux qui voient de l’antisémitisme partout… mais ne veulent pas entendre ni voir les massacres perpétrés par ces nouveaux suprémacistes convertis au sionisme.
« Lors de ma première année à Berlin, j’ai entendu un enfant raconter cette “blague” : “Quelle est la différence entre les juifs et les musulmans ? Les juifs, eux, y sont déjà passés.” Ce n’était pas drôle à l’époque, et ça l’est encore moins aujourd’hui, car comme dans toute blague, il y a un fond de vérité. Ici, cette vérité touche aux fantasmes meurtriers de la majorité blanche et aux peurs des minorités. L’enfant qui a raconté cette blague était juif, petit-fils de survivants de la Shoah qui ressentent aujourd’hui un certain soulagement, car ils “y sont déjà passés”. »
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Se convertir au sionisme : Comment les descendants des nazis sont devenus « les nouveaux juifs », par Iris Hefetz.*
Dans le cadre de son “nouveau chapitre” historique, l’Allemagne s’est transformée en une sorte de shtetl juif. Les descendants des nazis adoptent des symboles juifs, admirent le sionisme et s’attaquent aux juifs qui critiquent Israël – le tout bien sûr, au nom de la lutte contre l’antisémitisme.
[Texte écrit par Iris Hefetz et publié en hébreu le 30.06.2025 sur le site de la revue Mekomit, traduit par les membres de Tsedek! avec son autorisation.]
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Lors de ma première année à Berlin, j’ai entendu un enfant raconter cette “blague” : “Quelle est la différence entre les juifs et les musulmans ? Les juifs, eux, y sont déjà passés.” Ce n’était pas drôle à l’époque, et ça l’est encore moins aujourd’hui, car comme dans toute blague, il y a un fond de vérité. Ici, cette vérité touche aux fantasmes meurtriers de la majorité blanche et aux peurs des minorités. L’enfant qui a raconté cette blague était juif, petit-fils de survivants de la Shoah qui ressentent aujourd’hui un certain soulagement, car ils “y sont déjà passés”.
L’Allemagne d’il y a 23 ans était une autre Allemagne. C’était encore une société et un État antimilitaristes et antinationalistes, qui respectaient dans une certaine mesure leur Constitution et le droit international. À l’époque, un million de personnes avait défilé contre la guerre illégale des États-Unis en Irak à laquelle l’Allemagne avait refusé de participer. C’était une société dans laquelle de nombreuses personnes avaient personnellement vécu les conséquences du régime nazi, et les séquelles de ce projet mégalomane, ainsi que de la guerre froide. Les pancartes contre la course à l’armement face à l’URSS affluaient en masse à Berlin.
L’Allemagne d’après la défaite nazie était un lieu en ruines. Son premier chancelier, Konrad Adenauer, déclara dans une interview télévisée : “Nous avons causé un tel tort aux juifs, commis contre eux des crimes si horribles, qu’il fallait les expier ou les réparer d’une certaine manière, si nous voulions regagner le respect des peuples du monde.”
Puis il ajouta un point crucial : “Le pouvoir des juifs – même aujourd’hui, surtout en Amérique – ne doit pas être sous-estimé. C’est pourquoi j’ai consciemment et modérément investi tous mes efforts dans la réconciliation entre le peuple allemand et le peuple juif.” Cette déclaration antisémite, qui attribue un pouvoir aux juifs, reflète une vision toujours vivace aujourd’hui. Elle s’accorde avec le fait qu’Adenauer employait Hans Globke, un nazi ayant contribué à rédiger les lois de Nuremberg, comme secrétaire général de son cabinet (avec l’approbation de Ben Gourion, qui avait signé l’accord de réparations). L’identification – elle-même antisémite – entre Israël et les juifs est aujourd’hui plus forte que jamais et caractérise particulièrement la politique de l’Allemagne post-réunification. Si autrefois les juifs étaient perçus comme des “autres” menaçants qu’il fallait anéantir, aujourd’hui – après que l’Allemagne a exterminé une grande partie des juifs d’Europe et certains d’Afrique du Nord – les juifs sont devenus des accessoires convoités. Autrefois, pour qu’une Allemande puisse “se libérer” de son passé nazi, elle devait aller dans un kibboutz comme volontaire, trouver un kibboutznik séduisant, se convertir selon les règles strictes, et mettre au monde des enfants qui rejoindraient l’armée, faisant d’elle une “bonne juive”.
▪︎ Noa Tishby en Allemand
Aujourd’hui, ce long parcours n’est plus nécessaire. La majorité des Allemands s’est convertie au sionisme, se passant de la circoncision ou de toute démarche religieuse. Une partie de la “gauche” allemande est composée d’hommes en quête d’une identité qu’ils ont su trouver dans l’image d’Israël. Ils parlent comme Noa Tishby, s’enveloppent dans des drapeaux de l’Etat israélien ou de son armée, assistent à des spectacles de danses folkloriques pour fêter les relations diplomatiques, et sauvent les juifs de “l’antisémitisme”.
Selon des données publiées dans le magazine israélien berlinois Spitz (article supprimé par la suite), plus de la moitié des plaintes pour actes antisémites en Allemagne proviennent par exemple d’Allemands chrétiens, dont les grands-parents étaient nazis, qui se disent agressés par des juifs manifestant contre Israël. Il semblerait que les petits-enfants de nazis sont très sensibles aux “attaques antisémites” censées les viser, surtout si elles viennent de juifs ou d’Israéliens. Cela blesse leurs sentiments et trouble leur identité. Le journaliste d’Haaretz Itay Mashiach, qui a enquêté sur les chiffres prétendument élevés de l’antisémitisme en Allemagne, a découvert qu’ils sont largement manipulés, sans transparence, souvent basés sur des échanges de mails avec une seule personne – chaque mail étant compté comme un “incident antisémite”.
Autre exemple : le professeur d’histoire Moshe Zimmermann a déclaré devant le parlement du Land de Saxe que la leçon tirée de la Shoah se devait d’être universelle – et qu’elle serait donc valable aussi pour Israël. L’Office fédéral de surveillance de l’antisémitisme a décidé que cette déclaration équivalait à comparer Israël au régime nazi, et l’a classé comme “incident antisémite”. Comme ces institutions sont conscientes du fait qu’elles se ridiculisent, elles n’ont pas précisé qu’il s’agissait d’un juif israélien (issu d’une famille de survivants de la Shoah allemande) mais le décrivent comme un simple “orateur”. C’est aussi le cas pour tout juif ayant manifesté contre le génocide à Gaza depuis le 7 octobre avec une pancarte s’identifiant comme tel : tous les membres de l’organisation Jüdische Stimme (Voix Juive pour la Paix) et d’autres non affiliés ont été arrêtés et ont fait l’objet d’accusations (d’incitation ou d’usage de symboles inconstitutionnels) qui ont par la suite été levées. J’ai moi-même été arrêtée cinq fois. Ces cas nourrissent les statistiques des “incidents antisémites en Allemagne”.
La célèbre « culture du souvenir » allemande, originellement portée par des membres de la société civile — des personnes fouillant dans les archives familiales et de quartier et confrontant leurs proches qui niaient souvent avec véhémence les crimes de leurs parents et grands-parents — a beaucoup changé. A la place de ces projets individuels et marginaux, cette culture de la mémoire s’est institutionnalisée en un projet étatique doté de moyens financiers importants. La chute du mur n’a pas seulement été un moment de joie : pour beaucoup elle a aussi suscité l’angoisse. C’était la fin de la punition infligée à l’Allemagne pour sa folie meurtrière qui avait conduit à deux guerres mondiales et à des millions de morts en Europe. Cette marque d’infamie a été effacée aux yeux de l’Allemagne, qui s’est alors engagée dans un nouveau chapitre.
L’une des étapes fut la création du Mémorial aux juifs assassinés d’Europe, en plein cœur de Berlin. Elle fut initiée par une Allemande chrétienne du nom d’Edith Rosh, qui a changé son prénom en Lea. La communauté juive institutionnelle n’a pas été impliquée dans ce projet, et Rosh l’a clairement fait savoir au chef de la communauté : “Cela ne vous concerne pas, ce sont les descendants des agresseurs qui construisent le mémorial, pas les juifs. Mais ce serait bien si vous pouviez acquiescer d’un signe de tête. Le peuple allemand érigera un mémorial afin que tout le monde comprenne que nous avons traité notre histoire”. Puis elle a ajouté cette phrase : “Nous, les Allemands, devons poser un signe clair et visible, fournir une preuve publique du fait que nous assumons la responsabilité de notre passé, et que nous avons l’intention d’écrire un nouveau chapitre de notre histoire.”
▪︎ Le Shtetl juif, version Allemande
Dans le cadre de ce “nouveau chapitre”, l’Allemagne s’est transformée en une sorte de shtetl juif. Il n’existe aucun autre endroit au monde où l’on peut entendre autant de musique klezmer, adaptée à l’oreille allemande. Les prénoms les plus courants en Allemagne ces dernières décennies sont des prénoms hébraïques et juifs. Une liste aléatoire d’étudiants semble tout droit sortie de Mea Shearim : Samuel, Yaakov, Esther, Yehudit, Léa, Rahel, Rivka, Hanna — et bien sûr, le prénom juif par excellence pour les femmes : Sarah. Les Chrétiens ont enfanté leurs propres juifs, comme si ces derniers n’avaient jamais été exterminés.
L’État allemand a commencé à financer la conversion de chrétiens au judaïsme dans un cadre réformé, recréant ainsi le judaïsme libéral allemand qui avait été anéanti — une “nouvelle judaïté” évidemment bien plus désirable que celle des ultra-orthodoxes, qualifiés d’”Ostjuden”. Des départements d’études juives ont poussé comme des champignons après la Shoah, avec un corps enseignant composé presque entièrement de chrétiens convertis formant des rabbins au sein des universités (comme on y forme aussi les pasteurs protestants, ou les médecins, qui passent ensuite des examens d’État). Les écoles rabbiniques ont envoyé des rabbins dans tous les recoins de l’armée et de la police, et l’Allemagne s’en est vantée — bien qu’il n’y ait même pas un seul minyan dans l’armée ou la police allemande, pas même pour Yom Kippour.
Il s’agit d’un Luftgeschäft — une entreprise fictive — visant à améliorer l’image de l’Allemagne, en lui permettant de redevenir ce qu’elle était avant la Seconde Guerre mondiale : autrement dit, nier la Shoah en créant l’illusion d’un retour à une vie juive d’avant-guerre. C’est pour cette raison qu’être juif est devenu quelque chose de très convoité en Allemagne. Tellement convoité, que les suppléments des journaux sont remplis de scandales : on découvre fréquemment qu’un grand rabbin s’était en fait fait passer pour juif ; deux auteurs juifs se disputent afin de savoir “qui est juif”, parce que l’un n’a qu’un seul grand-père juif qui a été dans un camp de concentration, et l’autre a deux parents juifs. Le dernier scandale a éclaté lorsque l’auteure Deborah Feldman a découvert par hasard que le rédacteur en chef du journal de la communauté juive institutionnelle en Allemagne — financé par l’État — se présentait comme juif et utilisait ce statut pour discréditer toute personne qui ne soutiendrait pas Israël. Il affirmait que la famille de sa mère iranienne avait jadis été juive et qu’elle avait adhéré à la foi bahaïe en Iran uniquement à cause des persécutions antisémites (histoire fortement invraisemblable, puisque les bahaïs sont beaucoup plus persécutés que les juifs en Iran).
Donc, il y a en Allemagne de nombreux “faux Jjuifs” — des chrétiens convertis au sionisme qui “protègent la vie juive en Allemagne”. Et qui vient perturber ce récit ? Ce sont les juifs non sionistes, ceux qui refusent que le duo Allemagne–Israël parle en leur nom. Aujourd’hui, environ un tiers des personnes licenciées, interdites de parole dans les espaces publics ou soumises à un boycott silencieux pour “antisémitisme” en Allemagne, sont des juifs. Des Allemands d’origine chrétienne ou avec un histoire familiale nazie traitent des juifs d’antisémites. Récemment, la cheffe de la police de Berlin a déclaré dans une interview au journal libéral Die Zeit qu’elle déconseillait aux juifs et aux homosexuels de se rendre dans certains quartiers de Berlin, à forte population immigrée. Lorsqu’on lui a demandé si elle disposait de données empiriques pour justifier cette mise en garde, elle a répondu que “heureusement, rien ne s’était produit”, mais que tout de même, des policiers allemands étaient victimes d’attaques à caractère antisémite lors des manifestations pro-palestiniennes. Cela inclut bien sûr tous les juifs qui ont été arrêtés par la police et parfois même battus. Les images de ces violences policières circulent de manière virale à travers le monde, et exposent la réalité de “la protection de la vie juive en Allemagne”. En vérité, les “nouveaux juifs” sont les policiers allemands.
En Allemagne, les juifs sont censés soutenir la société à majorité blanche et raciste qui persécute à la fois les musulmans mais aussi les migrants. L’Allemagne, comme la plupart des pays occidentaux, est dépendante de l’immigration. Après de nombreuses années de faible natalité, elle manque de travailleurs dans presque tous les secteurs. Un quart des employés du système de santé allemand, qui souffre déjà d’une pénurie de personnel, sont des migrants ou des personnes ayant un “arrière-plan migratoire” (terme de la bureaucratie allemande selon lequel – comme dans les lois de Nuremberg – ceux qui ont un grand-père ou une grand-mère migrants appartiennent à cette catégorie).
Cela a poussé l’ancienne chancelière Angela Merkel à accueillir en Allemagne une grande vague d’immigration, principalement en provenance de Syrie, ce qui a été un succès sur le plan de l’emploi. La politique économique de l’Allemagne s’étant ces dernières décennies orientée vers le néolibéralisme (ce qui creuse les écarts entre riches et pauvres, fragilise la classe moyenne et affecte les services publics privatisés puis rachetés, etc.), cette immigration permet de désigner un bouc émissaire classique : après avoir exterminés les juifs, ce sont désormais les musulmans et les arabes qui sont visés. Des études font état d’une discrimination évidente envers les non-blancs, surtout à des postes d’influence. Les Allemands blancs n’ont pas de problème avec les médecins musulmans, les avocats arabes ou les ingénieurs noirs. Il y a un problème quand ils accèdent à des positions de pouvoir : de députés, d’enseignants, de politiciens, de juges. Dans ces cas-là, des oppositions se font entendre.
Les persécutions et les discriminations se sont nettement aggravées depuis les attentats du 11 septembre, et, si l’on pensait que la situation s’était un peu calmée, la politique des élites allemandes après le 7 octobre a détruit la société allemande unifiée.
▪︎ Israélisation de la politique
L’Allemagne connaît une israélisation de sa politique : après de nombreuses années avec un gouvernement de coalition, le programme de l’ensemble des partis a dérivé vers la droite (vous savez comment c’est, il faut faire des compromis, influencer de l’intérieur, etc.). La motivation principale des politiciens est de conserver leur pouvoir, tandis que les lobbies font leur travail.
Autrefois, l’Allemagne se caractérisait par une vie politique austère, des débats parlementaires sans éclat et des fonctionnaires absorbés par la rédaction de lois sophistiquées. Mais ces dernières années, le Parlement est le théâtre de scènes d’enthousiasme collectif. Tous, de gauche comme de droite dans cette unité blanche allemande tant convoitée, applaudissent suite à une mesure adoptée contre le mouvement BDS qui implique de contourner la constitution allemande, ou s’emballent après avoir validé un dépassement budgétaire destiné à investir des millions d’euros dans l’armement. Selon eux, l’Allemagne “a travaillé sur son passé” et peut ouvrir un nouveau chapitre. Comme l’a dit le chancelier allemand, “l’Allemagne fait son comeback”.
L’identification à Israël accompagne l’Allemagne dans son retour vers un État militaire :elle contribue à briser le tabou du nationalisme ; elle participe aussi à la réhabilitation de l’image de l’homme allemand, qui, dans les années suivant la guerre, avait tenté de ne plus être “allemand” en mettant en avant des traits plus doux — une éducation non autoritaire des enfants, le fait de fumer (les nazis y étaient opposés), le tricot, le port de salopettes dans des communautés de gauche, et parfois même le soutien à la cause palestinienne. Tout cela est désormais dépassé. L’Allemagne est en crise économique depuis au moins deux ans. Son industrie automobile s’effondre et se transforme en industrie de l’armement. Les actions des entreprises d’armement allemandes montent en flèche, et des “experts en sécurité” parlent dans les studios et les journaux de la formidable et sophistiquée armée israélienne comme un modèle à suivre.
Récemment, le chancelier allemand Friedrich Merz a déclaré qu’Israël “fait pour nous le sale boulot” en référence à une attaque contre l’Iran. L’expert en sécurité de son parti a affirmé : “Nous sommes aussi prêts à mourir pour Israël”. C’est ainsi que l’Allemagne – pays où la collectivisation était tabou – construit un “nous” et prépare la société à la conscription obligatoire (qui existe dans la loi mais n’est pour le moment pas appliquée). Ces déclarations antisémites sur des juifs qui feraient le “sale boulot” pour l’Allemagne ne sont pas nouvelles, et qualifier le meurtre de civils de “sale boulot” rappelle le discours de Posen prononcé par Himmler, ou le propos de Rudolf Höss lors des procès de Nuremberg. L’Allemagne fait son come-back.
Ce retour en force implique, comme en Israël, des attaques contre les organisations de la société civile ; des attaques contre des avocats et des tribunaux ; la violence policière pour réprimer les manifestations de la gauche contre les néonazis qui défilent déjà en plein coeur de Berlin, ou les manifestations pro-palestiniennes (un nouveau rapport du commissaire aux droits de l’homme de l’Union européenne en fait état) ; la qualification de l’organisation “Dernière Génération” — qui lutte contre la crise climatique et dont les militants se sont physiquement collés à la chaussée sur des autoroutes — comme organisation terroriste ; la persécution politique des organisations pro-palestiniennes ; les attaques contre la liberté d’expression (interdiction d’entrée à des intervenants, y compris des citoyens européens ou des employés de l’ONU qui parlent de la question palestinienne, présence de policiers lors des conférences où ils s’expriment, usage d’agents secrets dans les universités “pour protéger la vie juive en Allemagne”). Des artistes qui avaient trouvé refuge en Allemagne, parce qu’on pouvait y étudier gratuitement et obtenir des bourses généreuses pour des projets artistiques, commencent à partir. L’Allemagne a adopté la définition de l’antisémitisme de l’IHRA et les artistes qui reçoivent une bourse doivent la signer, et si leur projet est jugé non conforme à cette définition, ils doivent alors rembourser l’argent. En bref, tout l’arsenal des États autoritaires est mis en oeuvre sous couvert de lutte contre l’antisémitisme.
En même temps, des politiciens tels que le chancelier parlent du “drapeau juif” en désignant le drapeau d’Israël, et des journalistes (du journal Der Spiegel, à deux reprises déjà) ont écrit à propos d’événements qu’ils avaient eu lieu à “l’ambassade juive à Berlin”. Par ailleurs, certains policiers ont été surpris en train d’échanger dans des groupes de discussion où circulaient des propos néonazis, tandis que le pays est dirigé par des descendants de nazis, dont certains revendiquent cet héritage ou choisissent de garder le silence (le chancelier actuel est resté silencieux sur le passé nazi de son grand-père, celui d’Annalena Baerbock, ancienne ministre des Affaires étrangères, et les grands-pères de Beatrix von Storch du parti d’extrême droite étaient soldats dans l’armée allemande, et l’un d’eux fut ministre nazi des Finances).
Il est probable que les attaques actuelles contre la société civile ne soient pas liées au conflit israélo-palestinien, mais que la “lutte contre l’antisémitisme” serve de levier pour promouvoir un agenda politique de droite, à un moment où les migrants arrivés en Allemagne lors de la vague de 2015 deviennent citoyens et gagnent en influence politique. L’Allemagne leur fait comprendre, aux millions de Syriens, Turcs, Afghans, qu’ils peuvent bénéficier de ce qu’elle a à offrir à condition qu’ils soient “de bons migrants”, c’est-à-dire s’ils acceptent d’être des sujets sans droits politiques. Comme en Israël : soyez de bons Palestiniens, occupez-vous du folklore, du houmous ou de la musique orientale, la majorité blanche s’occupe du programme politique.
L’Allemagne est entrée dans une course à l’armement et fournit à Israël au moins un tiers des armes utilisées pour le génocide à Gaza. On y observe également une montée significative de la droite et des tendances autoritaires qui se sont clairement renforcées au fil des années. Malgré tout cela, à la différence d’autres pays occidentaux adoptant des politiques comparables, l’opposition demeure très timide. Suite à une campagne d’épuration dans la presse, il n’y reste essentiellement que des journalistes qui font la promotion d’Israël et amplifient ses discours. Il y a là une politique d’incitation et de répression de toute activité et voix critique envers la politique israélienne, et ce n’est que récemment, après les dernières élections, que des politiciens s’opposant clairement au génocide mené par Israël sont entrés au parlement.
Pourtant, une majorité écrasante de la société allemande s’oppose de manière constante à la fourniture d’armes à Israël ; et malgré toute la propagande pro-israélienne et les drapeaux israéliens qui flottent au-dessus de chaque bureau gouvernemental en Allemagne, 73 % des individus pensent qu’Israël commet un génocide à Gaza, même si les manifestations contre ce génocide mobilisent peu. L’obéissance de l’élite blanche, et la coopération des universitaires et des artistes qui (comme d’habitude) restent silencieux ou s’identifient ouvertement au système, est assourdissante.
*Iris Hefetz est psychanalyste et membre de l’organisation « La Voix Juive pour une Paix Juste au Moyen-Orient ».
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