Photos de contestataires dans le monde entier prises en octobre 2019.On peut trouver d’autres photos sur www.afpforum.com ( AFP / Josep LAGOPedro UGARTEPhilip FONGPatrick BAZAizar RALDESAhmad AL-RUBAYERyad KRAMDI )
Sur toute la planète, des citoyens se mobilisent depuis des semaines voire des mois pour réclamer des changements dans leur pays. Rencontre de journalistes de l’AFP avec sept d’entre eux.
Hong Kong
« Mr. A », la trentaine. Il tient à garder l’anonymat.
« Mr. A », un manifestant photographié à Hong Kong le 27 octobre 2019. ( AFP / Philip FONG )
« Moi et les autres manifestants devons obtenir une réponse à nos cinq revendications. Nous voulons notamment une enquête sur le comportement de la police, une amnistie pour les milliers de manifestants arrêtés et l’avènement d’un véritable suffrage universel à Hong Kong. Le gouvernement refuse de répondre à nos revendications et d’arriver à un compromis avec nous. Il devrait reculer et écouter les demandes du peuple. Pour ma ville je veux un gouvernement qui puisse aider les citoyens de base (…) pour leur permettre d’avoir un vie plus paisible et de ne pas travailler aussi dur, nous voulons un gouvernement qui dialogue de manière sincère avec ses citoyens ».
Alger
Ait Said Abdenour, un jeune manifestant à Alger, le 22 octobre 2019. ( AFP / RYAD KRAMDI )
Abdenour Ait Said, un étudiant en biologie de 22 ans
Abdenour Ait Said galvanise la foule depuis huit mois chaque mardi. Toujours en tête de cortège, il scande des slogans hostiles au régime, repris en chœur par les manifestants. Le 22 février, il était parmi les premiers à être descendus dans la rue pour réclamer le départ du « système ».
« Je manifeste pour que mon pays soit libéré de ce pouvoir en place depuis plus de cinquante ans qui a pillé ses richesses et je conteste les élections prévues pour le 12 décembre, dont on sait à l’avance qu’elles seront truquées », dit l’étudiant qui refuse, comme beaucoup d’autres manifestants, que le scrutin soit organisé par le pouvoir. « Je dénonce aussi les arrestations arbitraires de manifestants et le siège de la capitale chaque vendredi et chaque mardi (jours de manifestation, ndlr) pour empêcher les manifestants d’autres villes de se joindre à nous ».
« J’aspire à (…) une Algérie nouvelle où l’Etat de droit règne. Si notre révolution atteint son but, nous, les jeunes, construirons une Algérie forte qui ne dépende d’aucune puissance mondiale ».
« Comme le reste du peuple algérien, j’ai entendu parler de la manifestation à travers les réseaux sociaux. Presque sans m’en rendre compte, le 22 février après la grande prière du vendredi, je m’y suis retrouvé pour revendiquer le départ de ce pouvoir pourri, qui a tout fait pour écraser ce peuple, et contre ce gouvernement corrompu ».
Beyrouth
Cynthia Aboujaoude, une manifestante libanaise, tient une photo d’elle grimée en Joker, à Beyrouth le 23 octobre 2019. ( AFP / Patrick BAZ )
Cynthia Albert Aboujaoude, une designer graphique de 28 ans.
La photo de Cynthia grimée en Joker, saisie dans la foule le 19 octobre à Beyrouth, est devenue l’un des symboles des mouvements de contestation dans le monde. Elle manifeste pour obtenir « un avenir meilleur » et aider à résoudre « les nombreux problèmes du Liban, l’état des routes, les ordures, l’économie, les restrictions d’eau ». « Si je pouvais faire une seule chose pour notre pays, cela concernerait l’éducation, je m’occuperais un peu plus sérieusement de l’enseignement public et je le rendrais 100% gratuit ».
« J’ai appris l’existence des manifestations par hasard, je sortais de chez un ami lorsque je suis tombée sur une route bloquée par un feu de pneus. Alors j’ai consulté les informations et je n’ai pas pu m’empêcher de rejoindre le mouvement, c’est le moins que je puisse faire pour mon pays. Nous en avons assez de la corruption ». Pourquoi le Joker ? « Mon intention était d’exprimer mes sentiments et ce que je ressentais sans avoir besoin de parler à quiconque de la douleur qu’éprouvent les gens au quotidien. Ma connexion au personnage du Joker remonte à aussi loin que je me souvienne. Je me suis donc maquillée tranquillement, en utilisant les couleurs du drapeau libanais, juste pour dire ce que j’avais à dire ».
Bagdad
Haydar Sabri brandit la photo de son frère sous laquelle on peut lire : « Je suis ici pour rendre justice à mon frère », le 25 octobre 2019 à Bagdad. ( AFP / Ahmad AL-RUBAYE )
Haydar Sabri, la vingtaine.
Sous une pluie de grenades lacrymogènes et assourdissantes, Haydar Sabri, qui vit de petits boulots, brandit la photo de son frère sous laquelle il a fait écrire : « Je suis ici pour rendre justice à mon frère ».
« Mon frère manifestait pacifiquement et il a été tué par un tireur embusqué le 4 octobre », sur cette même place Tahrir de Bagdad, dit-il, évoquant une première vague de manifestations à partir du 1er octobre, les plus meurtrières depuis la chute en 2003 du dictateur Saddam Hussein. Pendant ces cinq jours de manifestations antigouvernementales, le chaos a régné à Bagdad et dans le sud de l’Irak, privés d’internet et sous couvre-feu, faisant officiellement plus de 250 morts.
Haydar Sabri veut « la chute du gouvernement car c’est le seul moyen de rendre justice à mon frère ». « Je veux pouvoir aller visiter sa tombe et lui raconter qu’il est tombé pour une bonne raison. Je veux un pays meilleur et ça n’arrivera que si le gouvernement tombe », a-t-il dit, deux jours avant que le président n’annonce être favorable à des élections anticipées.
Il a rejoint les cohortes de protestataires, après s’être tenu au courant des appels à la mobilisation sur Facebook.
Barcelone
Gisela Navales Morera, une jeune enseignante manifestant pour l’indépendance de la Catalogne, à Barcelone, le 26 octobre 2019. ( AFP / Josep LAGO )
Gisela Navales, une institutrice de 39 ans
« Je manifeste car les circonstances ont fait que ces dernières années en Catalogne des dirigeants politiques que nous avions choisis ont été incarcérés. On leur a permis de proposer un programme électoral (proposant d’aller vers l’indépendance de la Catalogne) et quand ils ont voulu le mettre en oeuvre, ils ont été détenus et envoyés en prison ». « Cela me paraît très injuste », dit cette Catalane indépendantiste, comme 44% des habitants de la région (48% sont contre). Je manifeste pour qu’ils soient remis en liberté et pour que les +exilés+ reviennent dans leur pays », raconte-t-elle, évoquant l’ancien dirigeant catalan Carles Puigdemont et d’autres responsables politiques, en fuite à l’étranger pour éviter des poursuites en Espagne. Gisela veut « un pays où chacun puisse exprimer ce qu’il pense, ce qu’il ressent, où l’on puisse manifester, un pays libre, un pays où l’on ne tolère pas la corruption, à l’avenir meilleur pour les générations futures, un pays républicain », alors que l’Espagne est une monarchie.
Gisela Navales s’est tenue informée des manifestations sur Instagram et a un temps utilisé le réseau social Telegram.
Santiago du Chili
Un étudiant chilien, Carlos Morales, pendant une manifestation à Santiago, le 28 octobre 2019. ( AFP / Pedro Ugarte )
Carlos Morales, un étudiant de 21 ans.
« C’est la première fois que les Chiliens sont unis et nous ne devons pas rater cette occasion. C’est une manière de faire pression sur le gouvernement pour qu’il nous écoute et que tous les Chiliens puissent vivre en paix, et pas dans la pauvreté.
« J’espère que (le président Sebastian Pinera) va démissionner, ainsi que tous ces fichus voleurs. J’espère que ces fichus parlementaires vont abaisser leur salaire. Il y a des gens qui gagnent neuf millions de pesos (11.200 euros) par mois alors que le salaire minimum est de 300.000 pesos (373 euros). Cela provoque beaucoup de colère chez les gens. Avec la hausse de 9,2% (du prix) de l’électricité et la hausse du prix du ticket de métro, Pinera nous maintient dans la pauvreté et nous contrôle. Il a suffi qu’un étudiant fraude dans le métro et tout a explosé.
« J’ai pris connaissance des manifestations sur Instagram ».
La Paz, Bolivie
Natalia Vasquez, une collégienne protestant à La Paz le 29 octobre 2019 contre le résultat annoncé de la présidentielle bolivienne. ( AFP / Aizar RALDES )
Natalia Vasquez, une collégienne de 15 ans.
Drapeau bolivien noué sur un t-shirt « No », Natalia promet qu’avec son groupe d’amies réunies pour le blocage d’une rue du sud de la Paz, elles ne « baisseront pas les bras ».
« Il y a eu fraude électorale et ça a été prouvé. Ça fait 14 ans que le président (Evo) Morales est là, maintenant on veut se battre pour continuer le développement du pays », déclare-t-elle après que le chef de l’Etat bolivien a été réélu le 20 octobre au cours d’un scrutin controversé.
« C’est nous, les jeunes, qui cherchons à avoir un meilleur avenir, à avoir une meilleure Bolivie. Si c’est pas nous qui nous battons, qui va nous garantir que ce sera mieux après ? ».
Encouragée par sa famille, qui lui demande de « faire attention » quand elle va manifester, l’adolescente qui vit à Cota Cota, un quartier cossu de La Paz, dit être prête à « aller en prison s’il le faut ».
Ses professeurs en grève, le collège fermé l’ont déterminée à « défendre notre démocratie ». Natalia a su par des amies, plus âgées, qu’il existait des groupes Whatsapp. Elle a été inscrite dans deux d’entre eux par l’intermédiaire de ses amies.
« Il y a aussi des groupes Facebook avec des milliers de membres et Instagram (…) Ce sont des groupes fermés. C’est toi qui invites les autres, sans quoi le gouvernement pourrait s’infiltrer ».
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