De la Révolution à la loi Duplomb, une petite histoire des pétitions

26 juillet 2025

La pétition contre la loi Duplomb approche les deux millio+ns de signatures. Un record pour cet outil de démocratie direct, né de la Révolution et longtemps tombé en désuétude.

Le saviez-vous ? L’inventeur de la pétition est aussi celui de la guillotine. La première trace de cette réclamation écrite en France date du 8 décembre 1788, quand le docteur Joseph-Ignace Guillotin rédigea la « Pétition des citoyens domiciliés à Paris », qui demandait le doublement des voix du Tiers État aux États généraux. Bientôt 237 ans plus tard, la pétition qui demande l’abrogation de la loi Duplomb approche les 2 millions de signatures.

Un record « exceptionnel », estime Jean-Gabriel Contamin, chercheur en sociologie des mobilisations à l’université de Lille, car cet outil a jusqu’à présent surtout été « utilisé par les parlementaires dans leur lutte contre l’exécutif », et rarement par les citoyens pour « faire pression sur le législateur ». Telle la pétition contre la Brav-M, fortement relayée par La France insoumise en 2023, qui détenait le record de signatures sur le site de l’Assemblée nationale. Elle avait fini classée par la commission des lois malgré plus de 263 000 soutiens.

Un droit dangereux pour les puissants

À ses origines, le droit de pétition a été formellement adopté le 14 décembre 1789, quelques mois après le début de la Révolution, par un décret établissant que les citoyens pouvaient adresser « des pétitions soit au corps municipal, soit aux administrations des départements et des districts, soit au corps législatif, soit au roi », rappelle France Culture.

Une loi passée en 1791 enfonça le clou en précisant que « le droit de pétition appartient à tout individu et ne peut être délégué ». Ce principe fut sanctuarisé en 1793 dans la Constitution : « Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l’autorité publique ne peut en aucun cas être interdit, suspendu, ni limité. »

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Jugé dangereux car accordant un moyen de pression au peuple sur le pouvoir, le droit de pétition fut raboté dès la proclamation du Premier Empire en 1804, pour le limiter au règlement de litiges individuels avec l’administration. Une pétition personnelle qui ligotait toute action collective. La chute se poursuivit en 1875, quand la pétition perdit sa place dans la Constitution.

Ce qui n’a pas empêché que « des milliers de pétitions [arrivent] tous les ans sur les bureaux des Chambres du XIXe siècle, retrace l’historienne Mathilde Larrère dans un fil Bluseky dédié à l’histoire de ces réclamations. Certaines individuelles, d’autres collectives, parfois massives, comme lors de la campagne pour protester en 1820 contre la loi du double vote (qui permettait aux plus riches de voter deux fois…), pour l’abolition de la peine de mort à l’initiative de Victor Hugo à la fin des années 1830, pour la réforme électorale en 1847-1848 ou contre la restriction du suffrage universel masculin en 1850, pour n’en citer que quelques-unes. »

Plus souvent utiles aux signataires qu’aux décideurs

De retour dans la Constitution en 1958, le droit de pétition a repris des couleurs grâce aux 1,3 million de signatures du texte « Loi travail, non merci » en 2016, puis aux 2 millions de paraphes récoltés par l’Affaire du siècle en 2019.

Ces pétitions s’adressent plus souvent à celles et ceux qui les signent qu’aux décideurs politiques. « La pétition de l’Affaire du siècle n’a pas eu d’effet direct, mais elle a été articulée avec un recours en justice, ce qui a permis de sensibiliser des milliers de gens et d’accroître la prise en compte des enjeux environnementaux, souligne Jean-Gabriel Contamin. Cette pétition a échoué lorsque que la justice a donné raison au gouvernement, mais c’est un succès par l’ampleur de l’adhésion qu’elle a suscitée. »

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Dans la foulée de sa première élection présidentielle, Emmanuel Macron a déclaré le 3 juillet 2017 souhaiter « que le droit de pétition soit revu afin que l’expression directe de nos concitoyens soit mieux prise en compte ». Un vœu pieu formalisé en 2020 quand le Sénat et l’Assemblée nationale se sont dotés de plateformes numériques pour permettre aux citoyens de proposer des pétitions.

Les textes qui atteignent 100 000 signatures sont examinés en commission et ceux qui dépassent les 500 000 paraphes permettent l’organisation d’un débat en séance publique. La pétition sur la loi Duplomb devrait être la première à en avoir l’honneur à la rentrée parlementaire. À condition que les présidents de groupes de l’Assemblée nationale, qui se réuniront le 16 septembre, le lui permettent.

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