LES ENNEMIS DE NOS ENNEMIS NE SONT PAS NOS AMIS

« Une parlementaire républicaine dénonce le genocide a Gaza »: des personnes, à gauche, relaient cette info sans commentaire, comme si Marjorie Taylor Green (MTG) était une alliée « objective » dans la solidarite avec le peuple palestinien. Or, ce n’est vraiment pas du tout le cas!
MTG est bien connue outre-Atlantique pour ses déclarations complotistes, islamophobes et ouvertement antisémites.
Durant la pandémie, elle a comparé l’obligation de porter le masque aux mesures nazies contre les juifs.
Lorsque de violents incendies ont ravagé la Californie, il y a qq annees, elle a prétendu qu’ils avaient été allumés de l’espace par un laser actionné par Rockefeller, dans le but de casser les prix des terrains avant de les acquérir.
En mai 2024, quand le Congrès US a discuté une loi visant a reprimer « l’antisémitisme » sur les campus, la gauche a dénoncé un texte qui avait pour but d’etouffer la solidarité avec Gaza. MTG s’y est opposée pour une autre raison, typiquement antisemite et pointee comme telle dans le projet de loi: les juifs ont assassiné le Christ, c’est la vérité historique inscrite dans la Bible…
MTG est le relais parlementaire le plus virulent de la droite chrétienne évangélique, pour laquelle l’appui au sionisme et l’antisémitisme sont indissolublement liés. L’islamophobie complète « naturellement » le profil de la parlementaire, mais l’antisémitisme joue sans doute un rôle plus structurant dans ce qui lui tient lieu de « pensée ».
MTG n’est pas une exception dans la mouvance MAGA. Tucker Carlson, Charlie Kirk, Matt Gaez, Candace Owens, Steve Bannon sont antisemites, parfois ouvertement. L’horreur insoutenable infligée aux Palestiniens par Netanyahou et sa clique leur offre un pretexte pour sortir du bois avec leur propagande nauséabonde.
Dans « Le moment Trump » (2017), j’ai montré que Trump est arrivé a la Maison Blanche en 2016 notamment en surfant à la fois sur l’antisemitisme et sur le soutien au sionisme. Ces deux tendances sont presentes dans sa base. Elles ne sont pas du tout incompatibles – au contraire, sionisme et antisemitisme sont deux faces d’une même médaille- mais, pour les combiner, il faut afficher un projet global ouvertement fasciste. Trump n’en est pas (encore) là. Du coup, tout est pour lui une question d’équilibre: il doit louvoyer pour satisfaire les uns et les autres.
Or, depuis son retour au pouvoir, Trump a réprimé férocement le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien (a l’aide d’un décret presidentiel reprenant le narratif du projet de loi de 2024) et apporté un soutien énorme à Netanyahou (la « riviera » gazaouie, les livraisons d’armes, le bombardement en Iran, etc).
Cet alignement sur les crimes de « l’Etat juif » remplit d’aise les trumpistes qui sont avant tout prosionistes islamophobes mais crée des frustrations parmi ceux qui sont avant tout antisemites. La sortie de MTG sur le génocide est l’expression de cette frustration.
Trump ne peut se permettre d’ignorer le problème. Fragilisé par l’affaire Epstein, il doit éviter d’autres fissures dans sa base MAGA. Il doit donc, pour ainsi dire, contenter a la fois l’élue antisémite chrétienne évangélique Marjorie Taylor Green et l’influente influenceuse sioniste fasciste islamophobe Laura Loomer… Car, notez le en passant: toujours desireux de se montrer aux côtés de femmes bcp plus jeunes que lui, ce sont ces deux personnes que Trump a consacrées comme incarnations médiatiques des deux ailes présentes au sein de son mouvement…
Des observateurs analysent en termes geostrategiques les distances limitées que Trump a prises ces derniers temps vis-a-vis de son « ami Bibi »: accord avec les Houtis, négociation directe avec le Hamas sur la libération d’un otage etasunien et, récemment, reconnaissance de la famine à Gaza, e.a., témoigneraient des limites que l’imperialisme US sous direction trumpiste entendrait poser à l’action de son chien de garde regional.
Cette analyse est sans doute pertinente, mais je ferais deux reflexions.
1°) il me semble que la vision stratégique de Trump ne doit pas etre surestimée. Sa politique vis-a-vis du Moyen Orient est déterminée au moins autant par les intérêts à courte vue des membres de sa mafia avec les monarchies arabes (bitcoins et projets immobiliers, e.a.) que par une compréhension des intérêts US à long terme.
2°) l’essentiel pour Trump est de garder le controle sur MAGA et, a travers MAGA, sur le parti republicain, en esperant que celui-ci ne perde pas la majorite aux midterms. Je pense que sa déclaration sur la famine à Gaza repond avant tout à ce souci. D’ailleurs, quasi simultanément, il a dit qu’il y avait famine parce que le Hamas vole l’aide, vole tout, et que Gaza « is a mess » depuis qu’Israel en a abandonné la colonisation…
Quoiqu’il en soit, une chose est claire, évidente même : la cruauté genocidaire de Netanyahou ne peut qu’alimenter une nouvelle vague antisemite. Les Etats-Unis sont un des pays du monde où ce danger terrible est le plus manifeste.
En 2017, à Charlottesville, une marche aux flambeaux rassemblait un millier de nazis qui scandaient « Jews won’t replace us » ( les juifs ne nous remplaceront pas). L’explication de ce slogan, en apparence absurde, est la suivante: pour ces individus, « le grand remplacement » est orchestré en coulisses par les juifs, qui importent des immigrés pour en faire des electeurs et marginaliser ainsi les « Americains de souche »…
Non, toustes celleux qui dénoncent la logique genocidaire en cours ne sont pas les allié.e.s du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien! Si nous n’y prenons pas garde, aux USA et ailleurs, c’est une droite encore plus à l’extreme-droite qui risque de se frayer un chemin a travers ce que l’article ci-dessous appelle les « fissures à droite dans le soutien à Israel ». De très nombreux juifs l’ont compris. Pour la gauche internationale, leur contribution à la lutte contre Netanyahou est décisive.
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