(texte d’Arland Mehmetaj)
Le dernier communiqué de la délégation de l’Union européenne en Serbie est une aberration sans nom
Je ne sais plus exactement quand l’UE a été créé, mais elle est née avant la honte.
Le dernier communiqué de la délégation de l’Union européenne en Serbie illustre à quel point Bruxelles choisit la neutralité… qui n’est jamais neutre. Ça arrive après une rencontre de la délégation de l’UE menée par Andréas Von Bekerat avec la presidente de l’Assemblée Nationale Ana Brnabić, celle qui a, hier encore, accusé les manifestants d’avoir organisé eux-mêmes l’attaque terroriste provoquant l’effondrement de l’auvent de la Gare de Novi Sad. Je produis la traduction française de cette aberration de communiqué en commentaire.
En appelant à « éviter toute violence » et en mettant dos à dos les manifestants et le régime, l’UE occulte volontairement la réalité : depuis neuf mois, c’est l’État qui frappe, gaze, humilie, tabasse et emprisonne des jeunes qui ne réclament rien d’autre que le respect des droits fondamentaux et l’Etat de Droit.
Ce discours lisse, pseudo-équilibré, est une manière de légitimer la répression. Dire que « toutes les parties » doivent faire preuve de retenue revient à ignorer le déséquilibre flagrant entre un appareil d’État militarisé et une jeunesse désarmée. C’est comme si l’UE demandait à un peuple opprimé de se montrer « raisonnable » face aux matraques, aux gaz lacrymogènes et aux menaces de viol proférées par la police.
De plus, en réduisant la crise politique à un problème de « réformes électorales » et de « cadre institutionnel », Bruxelles détourne l’attention des violences quotidiennes et de la responsabilité directe du régime Vučić. La mention de « la voie européenne de la Serbie » n’est rien d’autre qu’un rappel à l’ordre : si vous n’êtes pas avec nous, on sera contre vous. L’UE ne s’intéresse pas au soulèvement populaire, elle s’en fout de la démocratie et de la liberté. Elle cherche la stabilité du partenaire, même dictateur liberticide, qui garantit les marchés et les investissements des industriels.
Ce silence complice se double d’une hypocrisie crasse : l’UE appelle à protéger les journalistes, mais ne condamne jamais frontalement les violences policières documentées contre eux. L’UE appelle à protéger les journalistes face à celui qui fut le ministre de l’information et de la communication dans un regime qui a assasiné Slavko Ćuruvija et qui ne fait que harceler et attaquer les journalistes libres depuis qu’il est revenu au pouvoir.
L’UE appelle au dialogue, mais refuse de reconnaître la légitimité des plenums étudiants et des assemblées citoyennes qui, seuls et de facto, représentent aujourd’hui une véritable alternative démocratique. Parce qu’elle craint que ça donne des idées aux autres en Europe.
En réalité, Bruxelles et les capitales européennes savent parfaitement ce qui se joue : une contestation de masse contre l’un des régimes les plus autoritaires d’Europe. Et elles ont choisi leur camp – celui de la stabilité autoritaire, celui des contrats commerciaux, celui des intérêts bancaires et militaires.
En Serbie, la jeunesse crie « Srbija se umirit ne može » – la Serbie ne peut être apaisée. En France et en Europe, il est urgent de dire que ce soulèvement n’est pas un « désordre » mais une révolution en gestation. Et que l’UE, en appelant au calme des deux côtés, se rend coupable de ce qu’elle prétend combattre. Elle trahit toutes les valeurs européennes et elle trahit cette jeunesse qui, elle, porte courageusement et fièrement ces valeurs.
En attendant, Andrej Tanko, le garçon de cette photo du début de mouvement, devenue l’un des symboles de la lutte, qui fait face courageusement à un nervis du régime a été arrêté cet après midi. Et on signale d’autres arrestations, voir disparitions, des jeunes militants à travers le pays depuis ce matin.
Soutien à Andrej et aux révoltes en Serbie. Que crève l’UE libérale, liberticide et anti-démocratique complice des génocides et dictateurs.
(Arland Mehmetaj)
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