Gaza: L’affaire du siècle

Total destruction in some Gaza neighbourhoods
Smotritch, donc, le ministre des finances d’Israel, commence par rigoler quand un type – un journaliste, visiblement, mais je n’ai compris dans quelles circonstances précises les paroles ont été prononcées, parce que je n’ai vu que des vidéos des phrases elles-mêmes, pas de l’ensemble de la manifestation, – un type lui demande quand commenceront les répartitions des titres de propriétés à Gaza, – il rigole, et la

salle rigole avec lui, et le journaliste rigole avec lui, et c’est le premier point. Il rigole d’abord. Ensuite, il dit, « celle-là, je ne m’y attendais pas », et puis, une seconde plus tard, « non, mais, je rigole pas, en fait, il y a rien de drôle là-dedans ». On pourrait croire, donc, pendant une seconde, que, non, de fait, cfe n’est pas drôle du tout, et qu’il n’y a aucune raison de rire, dans la destruction qui se déroule en ce moment, mais ce n’est pas la raison pour laquelle ce n’est pas drôle, ça. La raison pour laquelle ce n’est pas drôle, c’est qu’il y a, dit Smotritch, réellement, un « business plan » , fait « par les plus grands professionnels » pour faire de Gaza un « real estate bonanza », – une aubaine du point de vue de l’immobilier, l’affaire du siècle, en fait, pour les investisseurs, et ce n’est pas drôle du tout, parce que, en ce moment-même, poursuit le ministre, il y a un plan sur le bureau de Trump, et une discussion en cours, visiblement tendue, avec les services de la présidence américaine pour la répartition des dépenses. Parce que, nous, nous avons fait notre part du boulot, continue-t-il, nous avons investi, dans la démolition – c’est dit comme ça – et c’est la démolition « qui coûte toujours le plus cher », mais il faut que les Américains mettent leur cote-part pour la suite (et, visiblement, les services de Jared Kushner discutent le moindre dollar, parce qu’ils ont les doigts longs).

Cela, – je vous laisse taper sur google « real estate bonanza Gaza » ou « real estate bonanza Smotritch », – sur google ou sur ce que vous voulez, sur youtube, comme ça vous verrez par vous-mêmes, ça vous donnera, n’est-ce pas, plusieurs points de vue, et il y en a parmi mes lecteurs qui m’accuseront d’inventer et de ne rien connaître, ça leur fera plaisir, – cela, donc, c’est un fait. Et c’est un fait qui est dit avec un grand sourire. Parce que, oui, c’est une aubaine.
C’est la particularité unique du génocide qui se déroule sous nos yeux. Enfin, pas « la » particularité unique, mais « une des ». La particularité parce qu’Israel affiche, d’une manière répétée, insistante, son but. Et ce but n’est pas de libérer les otages. Ce but est, affiché, de se débarrasser du Hamas, et de refuser toute négociation avec qui que ce soit, sauf que se débarrasser du Hamas n’est pas le but final. Le but final est de réaliser l’affaire du siècle, – de construire cette ville, immense, ce « Gaza Plage » qui sera à la fois un centre économique lié à l’exploitation du gaz – gaz volé à la Palestine et aussi au Liban, – et au tourisme, – une ville qui fera concurrence à Dubai ou Abou Dabi. La réalisation de cet objectif-là implique, évidemment, de se débarrasser du Hamas, mais il implique aussi de se débarrasser des gens qui habitent là, ou d’en réduire le nombre drastiquement de telle sorte que ceux qui restent soient employables comme domestiques, employés, disons esclaves payés, j’allais dire, au lance-pierre, mais, surtout, surtout, le but est de faire partir les centaines de milliers d’habitants qui sont encore à Gaza. Ce but, Israel est en train d’y parvenir, puisque ses propres services de presse expliquaient avant-hier que c’étaient déjà 430.000 personnes qui « étaient parties ». Nous avons vu les images de ces « départs ». Je ne les montrerai pas ici, malgré l’incitation de Fb à « élargir mon auditoire » (ce n’est pas la phrase exacte, pardonnez-moi).
La deuxième particularité, relevée par bien des commentateurs, y compris Israéliens, est le ratio des morts de cette guerre : là encore, de l’aveu de l’armée israélienne, il s’agit d’un rapport de 4 civils (femmes, enfants, vieillards) tués ou blessés pour un « combattant » – sachant qu’ils mettent comme « combattant », souvent, absolument n’importe qui, et que sont notés comme « terroristes éliminés » les hommes qui sont tués en dehors des zones « prescrites », puisque les gens sont enfermés, sous des tentes, dans des secteurs quadrillés dont ils n’ont pas le droit de sortir, – et il faut bien qu’ils sortent à cause de la famine. Cela, ce sont les statistiques officielles, – là encore, vous regarderez, ça vous fera du bien, chers lecteurs, de faire preuve d’un peu d’activité critique. Ne cherchez pas les sources arabes, seulement les sources européennes, et israéliennes, et que votre étude de l’anglais vous serve à quelque chose.
*
Ce que nous voyons est bien un génocide, – un nettoyage ethnique, dont l’aubaine, la « bonanza » a été le massacre du 7 octobre, un massacre que le gouvernement israélien a, au minimum, laissé se perpétrer dans toute son horreur, parce qu’il avait envoyé l’armée ailleurs (soutenir des colonies illégales de fascistes en Cisjordanie). Le 7 octobre 2023, aujourd’hui, la chose est claire, et affichée, affirmée, par toutes les instances possibles et imaginables du pouvoir à Jérusalem, a été l’occasion pour faire « l’affaire immobilière du siècle », – pour réaliser un plan qui existait déjà depuis, au moins, le début de l’année 2023 (sans doute avant), – un plan qui consistait à spolier les Palestiniens des ressources naturelles de leur terre (en l’occurrence de leur mer), un plan qui, avec, ou grâce, au 7 octobre, s’est joint à un autre, qui était là depuis bien plus longtemps, mais à l’état, pour ainsi dire, d’idéal, celui de la droite israélienne : construire le Grand Israël, et donc, s’emparer de la bande de Gaza, – d’une bande de Gaza « stérile » de ses Arabes, et de la Cisjordanie : là encore, une Cisjordanie redevenue « biblique », et « lavée » de ses Arabes, – lesquels, nous savons bien, sont des arriérés, capables seulement d’élever des oliviers et des chèvres. Et la différence avec la colonisation, disons, de l’Afrique, est que, là, nous, les « civilisés », nous y vivrons non pas en exploitant l’ensemble des indigènes, mais après que les indigènes, les Arabes, seront « volontairement partis ».
*
Cette réalité là est aujourd’hui première. Ceux et celles qui ne la voient pas, qui ne veulent pas la voir, tous et toutes, je le dis comme c’est, se retrouvent dans la situation dans laquelle étaient les civils allemands qui étaient très contents de vivre sous Hitler. Et il y en avait beaucoup.
Que parmi les défenseurs des Palestiniens se trouvent, dans le monde, des hordes de populistes, d’antisémites (ajouter les mots que vous voulez) ne change rien à ça, ne rend ça que plus tragique et plus insupportable. Disant ce que je dis, je dis en même temps que non, les ennemls de mes ennemis ne sont pas obligatoirement mes amis, et même pas du tout mes amis. Mais voilà, nous voyons ça : la première mise de fonds à été faite, par les Israéliens, dans la joint-venture qui va rapporter des milliards à ses investisseurs, et Smotritch, dans une déclaration publique, met la pression sur ses partenaires : maintenant, c’est à vous de mettre la main au portefeuille.
*
Que les assassins, les affairistes soient Juifs ne change rien. Ça ne me choque pas plus que s’ils ne l’étaient pas. La mémoire du génocide hitlérien ne sert qu’à nous donner bonne conscience, rien de plus. Elle est, aujourd’hui, nulle et non avenue. – Nous vivons dans ce que j’appelle le « nouveau monde », – un monde où la mémoire même de l’humanisme a été effacée, ou elle est devenue, elle-même, un sujet de sarcasmes voire de reproches. N’existent que la force, la race, – je me répète, qu’on l’appelle « race » ou « identité », – que la force et les nationalismes, c’est-à-dire la puissance affichée, souriante (« non, je rigole pas ») de l’argent et des armes.
C’est dans ce monde que nous vivons, – un monde dans lequel l’empathie, le souci de l’autre n’ont pas même la force de leur existence.
C’est à ce monde qu’il nous faut résister, avec la force de la faiblesse, la force de l’impuissance. Avec cette force, et réelle, et durable, qu’est le refus de la haine, le refus du mensonge, le refus du pillage. La force, pour moi, de la parole, puisque, dans cette démocratie pourrie qui est la nôtre, et qu’ils sont si nombreux, dehors comme dedans, à mépriser et vouloir démolir, cette parole existe ne serait-ce qu’encore un peu.
Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*