
Frédérique Favre Cie T’émoi
J’ imagine que ces décisions sont dû à l’ ignorance totale de ceux et celles qui les pondent, quant aux réels horizons que ces interventions artistiques ouvrent pour certaines et certains élèves. L an dernier au collège Giono de Manosque à la fin du projet Danse, une élève est venue me voir en disant » maintenant je sais ce que je veux faire plus tard » et même si on ne fait rien de ces explorations, vive le rien aussi et ces espaces poétiques qui n’ attendent rien, aucune injonction sinon celle de partager un espace de création et d expression, salutaire pour beaucoup 🪂
Véronic Joly
Merci Yann Lejeune pour la justesse de ces propos «
6 MILLIONS D’ELEVES PRIVES DE CULTURE ?
Mais que se passe t-il dans nos collèges, dans nos lycées ? Plus rien. En tout cas rien qui ne sorte de l’ordinaire, rien qui ne fasse progresser les élèves différemment, plus d’intervenants, plus de spectacles, plus de sorties, plus d’arts, plus de culture…
En cette rentrée, nous, acteurs de l’Éducation Artistique et Culturelle (EAC), venons d’apprendre que les crédits de la part collective du Pass Culture se réduiraient à des miettes jusqu’en décembre 2025 : 3€ par élève. Trois euros ! Même pas le prix d’un livre, d’une visite, d’une rencontre avec un auteur et encore moins d’un atelier de pratique artistique ou d’un spectacle !
L’aventure avait pourtant si bien commencé : On se souvient peut-être d’un Président de la République aux manches retroussées qui en 2020 voulait « révolutionner l’accès de la culture et de l’art à l’école », redonner confiance aux artistes, les encourager à aller dans les classes…
De cette volonté présidentielle est née, 2 ans plus tard, le Pass Culture, une plate-forme administrée par une entreprise privée censée gérer (très mal, selon la Cour des Comptes) le financement par l’État d’actions culturelles dans les établissements.
Les collectivités territoriales se sont alors empressées de se désengager de cette « charge », faute de la considérer comme un investissement pour l’avenir de la jeunesse de leur territoire.
Le Pass Culture est devenu le seul moyen d’intervenir dans les collèges et les lycées, le seul biais pour vendre aux établissements des places de cinéma, de théâtre, de musée. Après 1 an de tâtonnements et d’inscriptions fastidieuses, l’ensemble des structures culturelles professionnelles proposant des projets d’EAC sont, à la rentrée 2023, référencées sur le Pass Culture !
Et ça a marché ! Comme une Start-up : 1 an et 6 mois !
Le 28 janvier 2025, nous recevons une multitude de messages affolés des enseignants nous demandant de publier des offres le plus vite possible ! On parle d’un blocage soudain et imminent de la plate-forme…
Le 30 janvier, la ministre de la culture Rachida Dati – quelques jours après avoir annoncé que le Puy du Fou serait éligible à la part individuelle du Pass Culture – déclare le gel de la part collective jusqu’à nouvel ordre ! Trop d’argent aurait été dépensé, les comptes ne tiendraient plus…Comment ? Le budget n’avait pas été prévu à l’avance ? Nous sommes des associations et donc dans l’obligation légale de tenir un budget… Le ministère de la culture ne saurait pas gérer un prévisionnel ? Dépenses-Recettes ? Dépenses-Recettes ?
De cette incompétence coupable ou de cette volonté politique non-assumée, les premières annulations voient le jour. Nous rentrons ainsi dans une période d’instabilité, d’indécision globale : impossible de prévoir. On navigue à vue et on attend sagement qu’une lumière s’allume à la fenêtre du ministère. Mais rien. La ministre est sans doute trop occupée à gérer ses déboires judiciaires, à préparer sa campagne électorale, à menacer des journalistes et à animer des campings…
Le 3 juillet 2025, veille de vacances, le département annonce aux enseignants qu’il ne subventionnera aucun projet dans les classes. À la rentrée, des informations commencent à fuiter : on parle de 3€ par élève sur la part collective. On est inquiet, mais on monte des projets touchant moins de classes ; on y croit encore comptant sur le reliquat de l’argent gelé en janvier. Car c’était un gel, pas un hold-up !
Ce lundi 15 septembre, les enseignants nous apprennent catastrophés que le précieux reliquat… a disparu et que tous les projets pour lesquels ils avaient travaillé sont annulés. Pas un mot d’excuse ou de sollicitude de la délégation académique à l’action culturelle qui annonce la nouvelle par courriel en souhaitant une « très bonne rentrée » aux enseignants ! Un déluge d’annulations donc, tombé sur nous en une journée, un manque à gagner pour la compagnie et un écœurement vis à vis de tout notre travail mené dans les établissements depuis des années…
Il va sans dire que nous voyons une bonne partie de notre activité menacée, la précarité de nos emplois renforcée. Aucun mot, aucun article dans la presse, un silence édifiant entoure cette casse du secteur culturel ! L’EAC est-elle à ce point méprisée ?
Les prochains mois, les prochaines années ne seront pas faciles sans doute… Il va falloir lutter et communiquer auprès de toutes et tous de ce nouveau coup dur porté à la culture : Tandis que l’argent public coule encore à flot pour les grandes entreprises et les multinationales, le monde de la culture, ceux qui la font vivre, ceux qui la partagent au quotidien sont menacés de ne plus exercer leur métier !
Mais au delà de cette inquiétude légitime qui (ne) concerne (que) quelques milliers de « non-essentiels », les premières victimes sont l’immense majorité des plus de 3 400 000 collégiens et 2 250 000 lycéens. Pour les publics empêchés, pour ceux qui ne disposent pas d’un pouvoir d’achat suffisant, la culture va s’éloigner davantage, laissant encore un peu plus de place aux écrans, vampirisés par les plate-formes et les réseaux dits « sociaux »… Et là, nous avons au moins une certitude : il s’agit d’une catastrophe pour l’avenir de notre société ! »
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