Gilets jaunes : après l’intrusion de manifestants, les Galeries Lafayette évacuées puis fermées

Le « temple de la consommation » visé par les Gilets jaunes ce dimanche est le grand magasin de la rive droite. Une centaine de manifestants s’est rassemblée au 3e étage pour une action symbolique destinée à marquer le premier anniversaire du mouvement.

Par Delphine Denuit
Le 17 novembre 2019

Le rendez-vous était fixé à 13 heures aux Galeries Lafayette pour un lâcher de confettis festif et bon enfant, à l’opposé des images de la place d’Italie livrée aux casseurs ce samedi. « Une action symbolique sans blocage, ni dommage dans le magasin », confie un Gilet jaune quelques minutes avant ce coup d’éclat.

Près d’une centaine d’entre eux s’est donc rassemblée à la mi-journée de part et d’autre de la passerelle au 3e étage, qui permet, à 16 m du sol, de bien voir la coupole emblématique du grand magasin. Dès 12h58, de premiers coups de sifflet ont commencé à retentir. Des vigiles bloquant l’accès à la passerelle, les Gilets jaunes se sont aussitôt rabattus dans les allées pour y jeter leurs confettis en entonnant le fameux slogan « Travaille, consomme et ferme ta gueule ».

Confettis et sit-in

Au même moment, un autre groupe de manifestants a déployé une banderole « Tous ensemble, détruisons ce qui nous détruit » sur l’une des balustrades tandis que les vigiles du grand magasin tentaient de faire bouger les manifestants qui scandaient des slogans anticapitalistes mais sans se livrer à aucun pillage, ni dégradation devant des clients et touristes interloqués. Deux Gilets jaunes ont réussi à escalader l’une des rambardes et s’y sont tenus de longues minutes sans que le service d’ordre du magasin ne puisse les y déloger.

Malgré quelques moments de tensions entre vigiles et certains Gilets jaunes, la plupart des manifestants ont accepté de quitter les lieux dans le calme. Seuls 23 Gilets jaunes irréductibles ont entamé un sit-in en chantant « Gilets jaunes écolos, même combat ». À quelques mètres, une vendeuse, excédée, leur lance : « Pourquoi venir nous empêcher de travailler ? Vous allez nous faire perdre notre prime de fin d’année ! ».

« Mais au contraire, nous nous battons pour défendre vos intérêts, sortez de votre bulle ! Beaucoup de Français n’arrivent même plus à remplir leurs frigos, soyez solidaires », lui réplique Yadlur, informaticien et Gilet jaune « depuis janvier » précise-t-il.

« Je n’ai pas suivi le mouvement dès le début car je ne me sentais pas concerné par leur combat contre la hausse de la taxe carburant », explique cet écologiste convaincu. « Or, le mouvement a évolué et combat tous les abus de notre société de surconsommation comme le symbolisent les Galeries. »

Magasin fermé jusqu’à ce lundi matin

Au micro, une voix invite les visiteurs et clients à quitter l’établissement. Les vendeurs et vendeuses ferment leur stand et s’éclipsent très vite. En quelques minutes, les quatre étages ouverts au public sont vidés. Ne reste plus que le petit groupe d’irréductibles assis. Il est bientôt 14 heures et les vigiles s’impatientent.

VIDÉO. Des Gilets Jaunes s’invitent aux Galeries Lafayette

Les Gilets jaunes réalisent qu’ils ont obtenu ce qu’ils voulaient : la fermeture des Galeries Lafayette. « Notre objectif est atteint », scande l’un d’eux. Les 23 Gilets jaunes votent rapidement et décident de lever le camp « à la condition que les salariés du magasin ne soient pas pénalisés et soient payés ce dimanche ». Un salarié, non loin d’eux, se veut rassurant : « À partir du moment où ce n’est pas de notre fait, on sera payés. »

Des PV à 135€ pour « manifestation interdite »

À leur sortie, plusieurs escadrons de CRS les tiennent à l’écart des badauds et autres Gilets jaunes restés aux portes du grand magasin. Emmenés deux par deux dans un camion des forces de l’ordre, ils sont verbalisés pour « manifestation interdite ». « Ils nous dressent un PV avec une amende de 135 € », souffle une manifestante, déjà prête à repartir vers Bastille ou Châtelet, où d’autres Gilets les attendent.

Interrogées sur l’impact économique de cette fermeture inopinée, les Galeries Lafayette n’ont pas souhaité réagir. Le grand magasin avait déjà été très impacté par le mouvement l’an passé. En mars dernier, son directeur général Nicolas Houzé avait chiffré à 50 millions d’euros le manque à gagner lié aux Gilets jaunes.

Les commerçants inquiets

Après la fermeture samedi d’Italie 2 et des Galeries ce dimanche, le délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), Jacques Creyssel, veut rester prudent. « Il est encore trop tôt pour quantifier le moindre impact, si impact il y a à ce stade », nous précise-t-il. De son côté, l’Alliance du commerce, qui représente plus de 27 000 points de vente dont les Galeries Lafayette, se montre plus inquiète.

« Même si la mobilisation reste faible, elle est devenue plus violente », indique Yohann Petiot, son directeur général. « Notre grande crainte est d’assister à partir du 5 décembre à un bis repetita de ce qu’on a vécu l’an dernier. Or, on n’a pas envie de revivre ça », souligne-t-il, rappelant que « le pays a perdu 0,1 point de croissance, soit 2 milliards d’euros tous secteurs confondus. »

Seul le Printemps pouvait se frotter les mains ce dimanche soir. Son affluence a enregistré un « fort rebond vers 15 heures », dans la foulée de la fermeture des Galeries Lafayette situées à quelques mètres de là. « Notre chiffre d’affaires sur la journée s’avère nettement supérieur à celui enregistré le même jour l’an passé », s’est réjoui le grand magasin sans vouloir en dire plus.

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