L’orientation politique de la France Insoumise

On m’a demandé sur un post ce que je pensais de l’orientation politique de la France Insoumise. Je fais de ma réponse un post qui peut éventuellement ouvrir une discussion à ce sujet.
Il faut d’abord reconnaître une chose : dans le paysage politique français actuel, la France insoumise est la seule force institutionnelle qui maintient un lien réel avec les colères populaires. Elle parle encore des salaires, des retraites, de la police, du racisme, des services publics. Elle ose nommer les responsables du désastre social : le patronat, les banques, les gouvernements successifs.
Là où les autres partis de gauche ont intégré les codes du pouvoir, la FI conserve une posture d’affrontement. Et cela, dans un moment où la tentation du compromis est forte, mérite d’être souligné.
Cette ligne d’indépendance vis-à-vis du macronisme et du PS a permis de sauver un espace politique à gauche, un espace de rupture, quand tout semblait destiné à se dissoudre dans la « gouvernabilité ». C’est ce qui explique à la fois son succès électoral relatif et la violence médiatique dont elle fait l’objet.
La bourgeoisie déteste la FI parce qu’elle incarne encore, même imparfaitement, l’idée qu’une autre politique est possible sans se soumettre au capital.
Mais si cette stratégie est salutaire, elle reste fragile et contradictoire. La FI joue sur deux tableaux : la conquête du pouvoir par les urnes et la stimulation de la conflictualité sociale. Or ces deux terrains ne répondent pas aux mêmes logiques. L’un pousse à la cohérence programmatique, à l’ouverture, aux compromis ; l’autre suppose la radicalité, l’enracinement, la construction de rapports de force durables dans les entreprises, les quartiers, les mouvements.
Et c’est là que le bât blesse : sans ancrage militant de masse, la stratégie électorale risque toujours de tourner en rond, entre tribune parlementaire et agitation symbolique.
La FI a compris que la bataille culturelle était décisive ; elle mène ce combat avec intelligence, en s’appropriant les codes médiatiques et les outils de communication modernes. Mais la bataille culturelle ne remplace pas la bataille de classe. On ne combat pas un pouvoir économique seulement par des joutes oratoires ; il faut des organisations, des grèves, des coordinations, des liens avec les syndicats combatifs, les collectifs féministes, écologistes, antiracistes.
L’enjeu n’est pas seulement de représenter les colères, mais de les organiser pour qu’elles deviennent force matérielle.
On peut donc saluer la persistance de la France insoumise à refuser la logique d’union de façade, à défendre l’idée d’une gauche de rupture et non d’accompagnement. Mais cette rupture doit s’incarner autrement que par la simple opposition parlementaire.
Le capitalisme ne se réforme pas à coups d’amendements ; il se renverse par la convergence de ceux qui n’ont rien à perdre. C’est sur ce terrain que la FI sera jugée : sa capacité à sortir des murs institutionnels pour redevenir un levier d’émancipation populaire.
En somme, la FI a raison d’assumer la conflictualité ; elle a raison de refuser les compromis avec ceux qui gouvernent contre les classes populaires. Mais pour que cette conflictualité ouvre un horizon révolutionnaire, il lui faut renouer avec l’idée d’auto-organisation et faire de la politique non pas seulement une affaire d’élections, mais de pouvoir réel, partagé, construit depuis en bas.
Ce champ est nécessaire.

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