Hôpitaux : un plan d’urgence au rabais

Les annonces du Premier ministre Édouard Philippe pour éteindre l’incendie qui ne cesse de s’étendre à l’hôpital sont tombées en fin de matinée. Si le gouvernement desserre un peu les cordons de la bourse et reconnaît l’urgence de la situation, les réponses sont assez éloignées des demandes des soignants en grève depuis huit mois dans les services d’urgence.

Emmanuel Macron avait annoncé un plan d’urgence au soir de la manifestation imposante du 14 novembre qui avait réuni toutes les professions du secteur hospitalier. Objectif : déminer un conflit social enlisé depuis des mois, faute de propositions réalistes de la ministre de la Santé. Et ce, avant la séquence de grève du 5 décembre sur la réforme des retraites. Les trois mesures phares de l’exécutif pour son plan d’urgence portent sur la rémunération des soignants, le budget et la dette des hôpitaux. Mais une fois encore, la réponse du gouvernement reste très en deçà des attentes.

Là où les paramédicaux en grève depuis le printemps réclament 300 € d’augmentation de salaires pour rendre plus attractifs les services en tension comme ceux des urgences qui peinent à recruter, le gouvernement saupoudre des primes. Dans la région Île-de-France où les personnels paramédicaux peuvent rarement se loger à proximité de leur travail, ce sera 800 € par an pour 40 000 infirmières et aides-soignantes gagnant moins de 1900 €. Ce qui représente 66,66 € chaque mois. Pour 600 000 autres soignants sur l’ensemble du territoire : une prime pouvant atteindre 300 € par an selon les hôpitaux, soit 25 € par mois. Enfin pour les aides-soignantes travaillant auprès des personnes âgées une prime, cette fois-ci mensuelle, de 100 €. Cependant, cette dernière sera réservée aux aides-soignantes ayant une compétence spécifique en gériatrie.

Le compte n’y est pas

Avec 25 € par mois pour les uns, 66 € pour les autres, et une prime versée à une poignée d’aides-soignantes en gériatrie, la question d’une revalorisation des métiers du soin dans les services en tension ne sera pas résolue. Pas plus que ne sera réglé le financement des dépenses de santé. L’annonce de 1,5 milliard de rallonges budgétaires en trois ans reste très en deçà des besoins, estimés à 4 milliards pour la seule année 2020 par les personnels en lutte de l’hôpital. Le gouvernement va donc débloquer 300 millions pour les hôpitaux cette année, sur le projet de loi de finances 2020 en cours de discussion au parlement. Ainsi l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) passerait de 2,3 à 2,45 %, et celui des hôpitaux de 2,1 à 2,5 %. Problème : l’augmentation naturelle de ces dépenses est évaluée à 3,5 ou 4 %.

Ainsi, la revendication de 10 000 embauches immédiates, pour répondre tout de suite à l’urgence, ne sera pas satisfaite. Même si la totalité de ces 300 millions était affectée aux embauches, cela ne représenterait tout au plus que deux emplois de paramédicaux par service d’urgence. Enfin même avec le 1,2 milliard restant au titre des années 2021 et 2022, l’Ondam restera en dessous de la barre de 3 %, soit encore et toujours un budget d’austérité. Dernière des mesures « fortes » annoncées par Édouard Philippe, la reprise d’un tiers de la dette des hôpitaux sur trois ans, pour 10 milliards d’euros. Une loi spécifique devant être présentée au premier semestre 2020.

« Nous avons toujours contesté la légitimité de cette dette contractée auprès de prêteurs commerciaux avec des emprunts toxiques qui ont atteint parfois des taux d’intérêt de 15 à 20 %. Mais au-delà de répondre aux retards sur les investissements, nous attendons des moyens pour du fonctionnement, c’est à dire du personnel », explique Christophe Prudhomme. Pour le responsable CGT et porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France, rien n’est réglé. « On va vers la catastrophe », assure-t-il.

Du coup, pas question pour les syndicats du secteur hospitalier, comme pour les collectifs de paramédicaux, d’arrêter leur mouvement. La journée dans les établissements hospitaliers le 30 novembre est maintenue et une nouvelle journée d’action sur le modèle de celle du 14 novembre est en préparation pour le 17 décembre. Le déminage du gouvernement semble déjà avoir du plomb dans l’aile, même si Martin Hirsch, le directeur général de l’AP-HP a invité les 77 directeurs de départements médicaux universitaires de la région parisienne pour une explication de texte en fin de journée. A l’issue de la rencontre, ces mêmes directeurs se réuniront pour prendre position.

AP-HP

Hôpitaux : battre le fer quand il est chaud

Les personnels des hôpitaux ne désarment pas en attendant les annonces d’Édouard Philippe mercredi sur un plan d’urgence promis par Emmanuel Macron au soir de l’imposante mobilisation du 14 novembre. Aujourd’hui, l’InterSyndicale nationale des internes (Isni) a annoncé son intention de lancer une grève illimitée à partir du 10 décembre et de participer à la journée de mobilisation du 30 novembre appelée par les collectifs Inter-Hôpitaux et Inter-Urgences.

Les internes en médecine entendent dénoncer la dégradation des soins et réclamer des mesures d’urgence. En plus d’une reprise de la dette des hôpitaux par l’État, ils réclament une augmentation de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) de 4,4 %, au lieu des 2,3 % prévus initialement par le projet de loi de finances. L’Isni demande également des mesures propres au statut des internes, telles que le décompte horaire du temps de travail, le paiement des heures supplémentaires et la revalorisation des heures de garde.

Si le principal syndicat d’interne laisse déjà entendre qu’il pourrait suspendre son appel s’il est entendu par le gouvernement, l’exécutif peut tout de même s’inquiéter avant sa prochaine tentative de déminage mercredi. En effet, les modalités de réquisition et d’assignation des étudiants en médecine sont plus complexes que celle des médecins ou paramédicaux titulaires.

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