Budget de la Sécu : « Tout est pris sur les malades, les pauvres, les apprentis, les retraités »

Le 4 novembre, l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale débute à l’Assemblée nationale. L’opposition dénonce un texte qui cible « les malades et les pauvres ».

C’est une mesure tellement impopulaire qu’on en vient à se demander pourquoi le gouvernement persiste. Dans son budget de la Sécurité sociale pour 2026, l’exécutif souhaite instaurer un doublement des montants des franchises médicales (les sommes qui restent à la charge des patients sur les boîtes de médicaments) et des participations forfaitaires (le reste à charge des consultations médicales).

Ces dispositifs seraient également étendus aux rendez-vous chez le chirurgien-dentiste, et aux produits médicaux comme les lunettes, les béquilles et les pansements — des domaines qui en étaient jusqu’ici exemptés. Cerise sur le gâteau, les plafonds annuels de ces franchises seraient aussi doublés, passant de 50 à 100 euros. Le tout est censé rapporter 2,3 milliards d’euros à l’État.

« C’est un impôt sur la maladie »a dénoncé le député socialiste Jérôme Guedj. La proposition ne plaît pas davantage à droite. Même le rapporteur du texte, le député Thibault Bazin (Les Républicains) a estimé en commission des Affaires sociales qu’on « dépassait un seuil symbolique ».

« Le gouvernement préfère aller faire les poches des malades »

Pourtant, le gouvernement macroniste s’obstine. Et cette mesure n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des propositions de ce budget de la Sécu, dont les députés vont débattre dans l’hémicycle à partir du 4 novembre. Parmi les autres dispositifs imaginés, on retrouve la réduction des indemnités journalières pour les personnes sous le régime d’affection longue durée « non exonérante » (celles qui présentent une dépression légère ou des troubles musculosquelettiques, par exemple) ou encore la suppression de l’exonération des cotisations pour les apprentis.

Plus largement, dans le projet de loi de finances pour 2026 — qui ne concerne pas spécifiquement le budget de la Sécurité sociale, mais celui de l’État dans sa globalité — le gouvernement proposait également d’imposer les indemnités journalières perçues par les personnes en affection longue durée lorsqu’elles sont en arrêt de travail — elles en étaient exonérées jusqu’à présent.

Une disposition rejetée par les députés en séance publique. Les montants des aides personnalisées au logement (APL) et des pensions de retraites devaient également être gelés, au lieu de suivre le rythme de l’inflation. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a, depuis, affirmé qu’il serait finalement « favorable aux amendements qui dégèleront les minimas sociaux » et les pensions de retraite, lors de la suite des débats, à partir du 12 novembre.

Pour le député insoumis Damien Maudet, ces propositions de budgets — celui de l’État et celui de la Sécurité sociale — vont ensemble. « On n’avait rien vu d’aussi scandaleux depuis bien longtemps, s’indigne-t-il. On pourrait attendre de l’État qu’il protège davantage les malades, qu’il agisse contre l’épidémie de maladies chroniques. Au lieu de ça, le gouvernement préfère aller leur faire les poches. »

« C’est le pire du macronisme, abonde la députée écologiste Sandrine Rousseau. Au prétexte qu’il faut diminuer les dépenses, tout est pris sur les malades, les pauvres, les apprentis, les retraités, et pas un sou n’est pris sur les riches [les macronistes et les groupes de droite ont refusé d’instaurer un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches]. »

En commission, la plupart de ces mesures ont été rejetées par toute la classe politique, de la gauche à l’extrême droite. Frédéric Valletoux, député Horizons et président de la commission des Affaires sociales, a ainsi déclaré que « ce [n’était] pas aux patients de porter l’absence de réforme de structure de notre système de santé ».

« Un accroissement assumé des inégalités sociales de santé »

De son côté, la ministre de la Santé Stéphanie Rist reconnaît que ce budget 2026 de la Sécurité sociale est « difficile », mais l’assume. « On a une responsabilité collective à faire que le trou de la Sécu, qui est à 23 milliards cette année, diminue l’année prochaine, car c’est comme cela que notre Sécurité sociale va pouvoir continuer à protéger les Français », a-t-elle déclaré au micro de Franceinfo.

Elle rappelle qu’« on reste le pays qui a le reste à charge le moins haut du monde » et que 18 millions de personnes ne paient pas les franchises médicales — les mineurs, les femmes enceintes à partir du sixième mois de grossesse, ou encore les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire. Les franchises médicales avaient déjà été augmentées en 2024.

« L’argument de la responsabilisation des patients est un leurre : ce ne sont pas les malades qui prescrivent les médicaments, les examens de biologie ou de radiologie, les arrêts de travail ou les bons de transport, mais les médecins », ont réagi quatre médecins, dans une tribune publiée dans le journal Le Monde.

Selon eux, ces mesures sont « un accroissement assumé des inégalités sociales de santé qui retardent les prises en charge médicales des patients ayant de faibles revenus et coûtent finalement plus cher que l’économie visée de 2,3 milliards d’euros ». 45 % des Français déclarent d’ailleurs avoir renoncé à au moins un acte de soin, ces cinq dernières années, pour difficultés financières.

Adopter une politique de prévention volontariste

France Assos Santé, une union de 98 associations agréées du système de santé, a également écrit une lettre ouverte au Premier ministre, pour dénoncer ce budget « profondément injuste et inefficace ». L’organisation incite à agir sur d’autres leviers, comme l’encadrement des prescriptions et l’adoption d’une politique de prévention volontariste.

« Il est urgent d’arrêter le braquage des malades et de commencer à s’attaquer aux causes structurelles des maladies chroniques, taxer et réglementer les industriels qui nous contaminent, négocier les coûts exorbitants des traitements contre le cancer imposés par les laboratoires pharmaceutiques », a aussi réagi le collectif Cancer colère dans un communiqué.

« Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale est sans vision, critique justement Sandrine Rousseau. Par exemple, il n’y a aucune ligne disant qu’on va réduire le nombre de cancers sous cinq ou dix ans. Rien ne permet de s’attaquer à ça, de faire de la prévention, de limiter les produits polluants. Cela met véritablement en danger la Sécurité sociale, car si on ne s’attaque pas à ce qui génère les dépenses — c’est-à-dire les maladies — on aura encore plus de dépenses dans les années à venir, et il faudra réaliser encore plus d’économies. »

Et d’ajouter : « Sur une planète à bientôt +2 degrés, il faut se demander comment maintenir une protection sociale. »

Au ministère de l’Économie et des Finances, des fonctionnaires reconnaissent être « inquiets » et pensent que le budget ne sera pas voté à l’Assemblée. Alors, pourquoi le gouvernement s’obstine-t-il « Peut-être qu’ils essaient de faire rentrer dans la tête des gens cette idée que les malades coûteraient trop cher, qu’ils seraient des charges pour la société et qu’il faudrait donc les responsabiliser, avance l’insoumis Damien Maudet. C’est aussi pour donner le sentiment que le système de santé serait en difficulté à cause des malades plutôt qu’à cause de l’austérité. »

Tout va désormais se jouer dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Par ailleurs, la « suspension » de la réforme des retraites, incluse dans ce budget, ne sera mise en œuvre que s’il est adopté.

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