La justice n’est pas seulement une fonction

La justice n’est pas seulement une fonction, mais un pouvoir à part entière au sein de l’État.

Pour celles et ceux qui rêvent d’une justice avec un grand J !

Quand la loi protège les puissants plus que le peuple
De la critique historique du droit à sa pratique contemporaine

Introduction

Le Droit ! Le Droit ! Ces mots résonnent étrangement. Leur son est ambigu.

Pour les philosophes et moralistes, il s’apparente à la justice – du latin jus, terme au parfum sacerdotal, garant d’une équité entre les êtres.
Pour les juristes, il désigne avant tout la « règle de droit » – du bas latin directum, c’est-à-dire une norme définissant le comportement en société.
Fort de cette double origine, il est perçu, dans l’imaginaire collectif, comme une constellation immaculée et indiscutable. Ses codes votés par le Parlement et promulgués par le Président deviennent, pour les masses, des repères quasi immuables. Avec ses décors, ses rites et sa liturgie, il conserve des connotations sacrées : il ne manque que les vapeurs de l’encensoir dans ses palais.

Pourtant, derrière ce vernis, la pratique du droit est une activité profondément prosaïque, soumise aux contingences de l’histoire et aux aléas du pouvoir. De ses origines monarchiques, il a gardé un
héritage : il demeure l’outil d’une caste dominante qui définit ce que l’ordre doit être et le fait respecter par les forces dont elle dispose. Si le droit se présente comme universel, égalitaire et impartial, il reste arbitraire dès lors qu’il s’exerce au sein d’un État-nation structuré par des rapports de classe.

Partie I – Le mythe de l’égalité devant la loi.

L’égalité devant la loi est un principe fondateur des démocraties modernes. Inscrit dans les
constitutions, il est brandi comme symbole de civilisation.
En théorie, chaque citoyen devrait bénéficier des mêmes droits et devoirs, et être jugé avec la même impartialité. En pratique, l’application de la loi varie sensiblement selon la position sociale des
justiciables.
Les affaires dites « mineures » – vols modestes, manifestations non-violentes inspirées par le désir d’une vie décente – entraînent souvent des sanctions rapides et sévères.
À l’inverse, les crimes financiers d’envergure ou les fautes politiques commises par des dirigeants bénéficient d’une indulgence manifeste : sursis, aménagement des peines, effacement discret des
sanctions.

Partie II – L’État-nation et l’arbitraire du droit

Le droit évolue. « Les amarres qui le liaient à l’absolu sont coupées ; il roule, comme nous-mêmes et nos civilisations, dans l’élément amer du devenir historique », écrivait Emmanuel Berl.
Dans les démocraties représentatives, il reste intimement lié à   l’exercice du pouvoir politique.
L’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1982 précise que les magistrats du parquet sont placés  sous l’autorité du Garde des Sceaux.

De fait, l’indépendance de la justice – pourtant promesse sacrée de l’État républicain – se heurte aux directives émanant de l’exécutif.
Le budget de la Justice, voté par le Parlement, est défini par le gouvernement. Il reflète des choix socio-politiques souvent en accord avec les intérêts d’un État capitaliste. Dans un système idéal et
transparent, ce processus garantirait l’équité ; dans la réalité, il creuse l’écart entre le droit proclamé et sa mise en œuvre.

Partie III – Les élites et la protection judiciaire

La Cour de Justice de la République (CJR) illustre le fonctionnement d’une justice d’exception au sommet de la hiérarchie sociale.
Destinée à juger les membres du gouvernement pour des actes délictueux ou criminels commis dans leurs fonctions, elle manie avec maestria le sursis et le non-lieu.

Résultat : les personnalités mises en cause peuvent rapidement se recycler dans le système politique, à l’instar du blanchiment d’argent sale dans le circuit économique.
Même lorsque sa suppression est envisagée, les projets de loi restent lettre morte, car aucune faction, une fois au pouvoir, ne revient sur les privilèges qu’elle dénonçait auparavant.
Au quotidien, le droit met en lumière la dimension de classe de l’État. Les lois qui devraient servir le bien-être général sont parfois remodelées pour servir les intérêts d’une minorité.

Les sanctions, elles, se plient aux statuts et fonctions :
– Classes populaires : peines rapides, fermes, non aménageables
– Classes puissantes : sanctions différées, aménagées, voire annulées

Partie IV – Du droit universel aux privilèges républicains

La Révolution bourgeoise de 1789 institua les élites politico-financières comme incarnation de la  nation.
Le droit, érigé en totem universel, ménagera dans ses méandres des zones où les privilèges prospèrent. Ce paradoxe s’illustre depuis plus de deux siècles : l’abolition des privilèges en 1789 fut accueillie comme un triomphe, mais les privilèges ont muté, prenant des formes modernes – crainte des poursuites, aménagement judiciaire, prisons adaptées.

Conclusion

À travers l’histoire et la pratique contemporaine, le droit conserve une vocation essentielle : garantir l’ordre. Mais cet ordre, tel qu’il est défini par les classes dominantes, sert autant à protéger qu’à préserver leurs privilèges.
La justice, dans ce cadre, ne peut être pleinement indépendante tant que ses structures restent subordonnées au politique et influencées par des intérêts économiques puissants.

Ouverture : Une réforme réelle exigerait :

– Indépendance totale du parquet vis-à-vis de l’exécutif
– Réforme des juridictions d’exception (CJR

– Accès égalitaire aux moyens de défense juridique

 » La justice n’est pas seulement une fonction, mais un pouvoir à part entière au sein de l’État ».
Elle opère dans le cadre d’un ordre juridique structuré selon la hiérarchie des normes, laquelle garantit la séparation des pouvoirs.
L’impartialité du juge, fondée sur le respect des règles procédurales, assure la neutralité du jugement et contribue à l’État de droit.
L’indépendance, qui surpasse l’impartialité, protège la souveraineté naturelle du magistrat dans l’exercice de ses fonctions.
Toutefois, certains évoquent aujourd’hui un “droit flou” : lorsque les normes manquent de précision, la procédure peut masquer les insuffisances et neutraliser le contrôle de la responsabilité.
La contrepartie de l’indépendance est donc la responsabilité : un juge souverain dans son jugement devrait répondre de ses décisions. »

Daniel Adam-Salamon – Formation à la Cour de Cassation, avril 2016

Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*