Joyeux anniversaire
7 ans des Gilets Jaunes : un spectre qui continue de hanter la bourgeoisie
Il y a 7 ans se tenait la première journée de mobilisation des Gilets Jaunes. Le mouvement a profondément marqué la lutte des classes en France.
17 novembre
Il y a 7 ans, après des décennies d’attaques néolibérales, et alors que l’arrivée au pouvoir de Macron signait une accélération brutale de ces réformes, la hausse de la taxe carbone était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Alors que les discours pessimistes dominaient sur les conséquences des offensives néolibérales sur le prolétariat, les Gilets Jaunes sont parvenus à rassembler des secteurs marginalisés de la classe ouvrière, de la petite-bourgeoisie appauvrie, des retraités ou des chômeurs, hors des cadres syndicaux et politiques habituels.
Rapidement, la colère est passé de la dénonciation des taxes à celle du régime, conférant à la mobilisation un caractère offensif et politique. Mais ce sont également les méthodes du mouvement qui ont bousculé les routines des mobilisations dans le pays, qu’il s’agisse des blocages, des occupations de rond-point ou des manifestations sauvages à Paris, avec l’objectif assumé d’aller chercher Macron à l’Elysée.
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En à peine un mois, cette détermination a permis au mouvement d’obtenir l’annulation de la hausse de la taxe, ainsi qu’une série de mesures comme le gel des tarifs du gaz et de l’électricité. Des concessions minimales du pouvoir, qui n’ont pas empêché le mouvement de continuer les mois suivants, mais qui ont constitué le premier recul de la macronie, l’enterrement de l’image jupitérienne du Président, et la première victoire d’un mouvement social depuis 2006.
Une réponse qui en disait long sur le niveau de panique de la bourgeoisie face à l’irruption des classes populaires sur la scène politique. Une terreur symbolisée par ce plan d’évacuation de l’Elysée préparé en cas d’invasion du palais présidentiel. Malgré la polarisation, les directions syndicales ont joué un rôle actif pour empêcher que la mobilisation s’étende et aille plus loin, en imposant un cordon sanitaire autour du mouvement à son paroxysme, et en allant jusqu’à condamner les « violences » des manifestants dans un véritable communiqué de la honte, que nous dénoncions le 6 décembre 2018.
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Une réaction qui traduisait leur malaise face à un mouvement populaire et politique. Cette division de notre classe, malgré les initiatives de convergence telles que le Pôle Saint-Lazare, impulsé par l’Intergares et le Comité Adama à Paris, ou les rencontres syndicats-Gilets jaunes organisées à Toulouse, a directement contribué à la répression violente du mouvement, isolé des bataillons concentrés du prolétariat et de leurs organisations.
La spontanéité, la combativité et la créativité débordante qui se sont exprimées à travers la France, ont malgré tout contribué à bousculer le mouvement ouvrier. Quelques mois après le mouvement des Gilets jaunes, plusieurs grèves sauvages allaient exprimer cette dynamique, tandis que la lutte contre la bataille des retraites de 2019-2020 doit beaucoup à la « gilet-jaunisation » de secteurs de travailleurs de la RATP et de la SNCF. Encore aujourd’hui, le mouvement des Gilets jaunes a politisé des couches entières de travailleurs qui, encore mobilisés aujourd’hui ou non, gardent en eux des braises prêtes à se rallumer.
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C’est pour cette raison que, des années après, le spectre des Gilets jaunes continue de hanter les classes dominantes, qui s’inquiètent à chaque montée de la colère ouvrière et populaire d’un retour à un phénomène de ce type. Ces derniers mois, la réaction au mouvement septembriste a été teintée de ces inquiétudes.
Pourtant, rendre hommage aux Gilets jaunes aujourd’hui, au courage des milliers de travailleuses et travailleurs, de femmes, de retraités, qui ont pris la rue pendant des mois face à une répression violente, à leurs aspirations à une vie digne et à une autre démocratie, ne peut conduire à idéaliser le mouvement ou à fantasmer son retour. Sept ans après, l’heure est plutôt à continuer de réfléchir à comment s’inspirer de ses forces et dépasser ses faiblesses, notamment en pensant la nécessité de construire une mobilisation qui allie la radicalité des gilets jaunes, le caractère indissociablement politique et économique de leurs revendications, avec la force de frappe du mouvement ouvrier qui s’est exprimée dans la bataille des retraites de 2023, mais aussi de la jeunesse des quartiers populaires révoltés contre les violences policières à l’été de 2023 ou des étudiants et manifestants en lutte contre le génocide en Palestine.
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