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Un tout petit coup d’œil en arrière (sur la semaine dernière).Mercredi 12 novembre dernier, a eu lieu le vote à l’Assemblée nationale sur l’article du PLFSS (Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale) « suspendant », ou plus exactement décalant, la contre-réforme des retraites de Macron. Les députés PS, une majorité des députés du groupe écologiste (sauf 4 abstentions dont Alexis Corbière et Clémentine Autain, François Ruffin votant pour), et d’autre part le RN, ont voté pour. Les députés LFI et PCF, et d’autre part la majorité des LR (25 contre, 8 pour, 9 abstentions) d’Horizons et tous les ciottistes, ont voté contre. Le gros des députés ci-devant macroniens se sont abstenus tout en se disant contre sur le fond. L’article a donc été adopté. Le Sénat a immédiatement entrepris de le liquider. Selon LFI, c’est une tromperie illustrant la « trahison des socialistes » alliés de Macron, voire du RN, qui auraient « voté pour la retraite à 64 ans ». Selon Olivier Faure, dirigeant du PS, c’est une « victoire importante ». Remarquons aussi que pour les partisans de l’union des droites, tous les rameaux dits « gaullistes » (Horizons, LR, UDR) qui ont pris position contre, ceci constitue un recul inadmissible. Ils y voient d’autant plus la nécessité d’encadrer le RN, ce dernier n’a pas pu faire autrement que voter pour, dans l’union des droites au pouvoir qu’ils appellent au fond de leurs vœux. Mais revenons aux déchirements qui servent à empêcher l’unité politique de notre camp social. Jetons aussi, pour cela, un coup d’œil aux positions syndicales. La CGT, la FSU et Solidaires écrivent dans leur appel à une journée d’action le 2 décembre : « Par notre mobilisation depuis le mois de septembre, nous avons obtenu l’abandon du vol de 2 jours fériés et le décalage de la réforme des retraites, première brèche en vue de son abrogation. » FO rappelle également vouloir l’abrogation. La CFDT insiste pour dire qu’il y a bien « suspension » et appelle à « faire de cette pause un temps utile en vue de construire un nouveau système ». L’UNSA salue un « pas important qui devra en appeler d’autres ». Cette « suspension » qui consiste en un « décalage » ne mérite ni des excès d’honneur, ni des excès d’indignité. Cracher dessus en parlant de trahison, c’est mépriser les petits gains revendicatifs qui sont toujours importants pour les travailleurs d’en bas, à la fois matériellement et symboliquement, donc politiquement. Mais il est évident qu’il ne s’agit pas de l’abrogation et que le pouvoir manœuvre. Tout pouvoir capitaliste quand il opère une concession, d’ailleurs, manœuvre ! Toutefois, à cela ne se limite pas la portée de ce sujet. Tout le monde sait qu’il est hyper-politique et touche à la fonction présidentielle et donc à la survie des institutions antidémocratiques de la V° République. Ce petit pas pour les salariés qu’est le décalage de quelques mois pour quelques millions d’entre eux, est une cassure irrémédiable pour le président Macron. S’il est donc grotesque de hurler à la trahison absolue, il est tout à fait vrai que ce recul a été emballé par Lecornu dans un paquet empoisonné : l’ensemble formé par le projet de budget hérité de Bayrou et par le PLFSS. Et rappelons l’origine de ce « machin » qu’est le PLFSS : c’est le plan Juppé de 1995 qui l’a institué, plaçant la gestion de l’argent du salaire socialisé de la classe ouvrière sous le contrôle du Parlement. Du point de vue de notre classe, les députés n’ont pas à gérer les comptes de la Sécurité sociale qui devrait être administrée par les élus des travailleurs, actifs, retraités, en recherche d’emploi ou en formation ! Alors, osons poser la question : un député ayant dans son bagage tout ce que porte… Aplutsoc, il aurait fait quoi ce 12 novembre ? C’est assez simple, mais il fallait y penser : il aurait proposé une loi parlementaire, indépendante, portant, quels que soient les contenus de la loi budgétaire et du PLFSS, sur la suspension de la réforme des retraites. Et il aurait combattu pour qu’un maximum de députés élus au titre du Nouveau Front Populaire en 2024, première force de cette Assemblée, en fasse autant. Et peut-être même, du coup, serait-on allé jusqu’à l’abrogation complète, si toutefois la pression sociale, celle de septembre 2025 à laquelle tire un coup de chapeau l’appel CGT/FSU/Solidaires au 2 décembre, contraignait les députés RN à ne pas jouer leur rôle de petits suppôts des lois antisociales… Si cela n’a pas été fait, ce n’est pas seulement, soyons modestes, parce que nous n’avons pas de députés, mais surtout parce que la désunion qui fait le jeu de l’ennemi est déjà là et qu’il n’y a eu ni l’idée ni la force commune parmi suffisamment de députés, qu’ils soient de l’Après, écologistes, socialises, insoumis ou communistes, pour imposer ce décalage, cette suspension, voire cette abrogation, comme vote législatif indépendant des manœuvres de l’exécutif. Mais c’était possible. Et tout reste possible si l’on impose l’unité, dans la grève, dans la rue, comme entre les partis du NFP. Deux évènements ce samedi 15 novembre.Ce samedi, une partie des comités issus du mouvement du 10 septembre (« Bloquons tout ») avaient lancé l’idée d’une manifestation centrale visant les lieux de pouvoir. Ils ont ainsi indiqué la direction nécessaire à prendre, ce pour quoi nous les avons appuyés. Cela dit, totalement occultée dans les médias (à la différence du 10 septembre) et subissant la pression de la division politique, cette « indication de direction » n’a pas marqué de manière décisive la situation. Elle n’en est pas moins significative, de la braise qui couve et ne demande qu’à se renflammer. Il y a donc eu à Paris une manifestation plutôt réussie, suscitant une forte inquiétude préfectorale et une concentration policière disproportionnée, de 1000 à 2000 Gilets jaunes pour l’anniversaire de ce grand mouvement social visant le pouvoir central, dans la meilleure tradition française disons-le (celle de 1792 !), suivi d’une AG d’une grosse centaine de participants, suivie par plus de 500 personnes en streaming, le tout très jeune et « abandonné » par l’ensemble des députés, notamment LFI, qui avaient annoncé leur présence, et ne sont finalement pas venus. À quoi il faut ajouter une cinquantaine d’actions diverses dans toute la France. L’autre évènement de ce samedi a été la tenue d’un forum sur l’école et l’éducation du regroupement formé à Bagneux début juillet pour l’unité du NFP, à Trappes. Or, ledit forum s’est transformé en autre chose à l’initiative des « ténors » et notamment des candidats potentiels à des présidentielles qui s’y sont retrouvés – Marine Tondelier, Lucie Castets, Olivier Faure, François Ruffin, Clémentine Autain : ils ont saisi cette occasion pour promettre une primaire de la gauche pour après les municipales. On peut s’interroger sur le choix du moment, cet appel unitaire étant au fond accéléré non par l’unité, mais par la division, entre la pression de LFI et de Mélenchon d’un côté, celle de l’aile droite du PS et de la candidature Glucskmann de l’autre. Car en effet l’unité n’est pas un besoin déterminé par le calendrier électoral institutionnel, surtout quand celui-ci est aussi incertain qu’actuellement, mais par les besoins des plus larges masses. C’est dire qu’elle ne peut en aucun cas faire l’impasse de la mobilisation sociale. Toute primaire réussie comme toute offensive parlementaire indépendante des manœuvres de l’exécutif ne se feront qu’en étant portées par la mobilisation large et autonome des plus larges masses. Quelles que soient les difficultés, confusions, et tout ce que l’on veut, c’est là le message de la manifestation « anniversaire » des GJ de ce 15 novembre. Or, les points de combat arrivent à toute vitesse.Sans attendre le vote de quelque budget que ce soit, préfets, recteurs et directeurs académiques préparent des milliers de suppressions de postes dans l’Éducation nationale, avec l’intention de ne les révéler qu’après le second tour des municipales ! Et Lecornu vient de tendre la main à la majorité plus ou moins LR et LR compatibles et apparentés, c’est-à-dire à la minorité illégitime, qui tient le Sénat, très mécontente du décalage de la réforme des retraites et des autres « petits reculs » qu’il a dû, du fait du mouvement social de septembre 2025, placer dans le budget (sur les restes à charge, les retraités, etc.). Il leur propose (à l’occasion des « Assises des départements » ce vendredi 14 novembre) la mise en place d’une « allocation sociale unique » fusionnant prime d’activité, RSA, aides au logement, les LR et apparentés voulant y rajouter les Allocations Adultes Handicapés, de Solidarité aux Personnes Âgées, et de Soutien Familial. Il s’agit là d’un projet de Macron de 2017, repris par l’ultra-réactionnaire Wauquiez qui précise « interdit de dépasser 70% du SMIC », contre « l’assistanat ». À l’inverse de la logique socialisante de la Sécu, c’est la logique thatchérienne du recensement étatique, confié aux Départements, des « assistés » avec baisse globale des aides et contrainte sociale au « travail ». Pas de doute, comme déjà avec le 10 septembre, tout doit et donc tout va rebondir, ces processus se combinant à la crise politique et aux municipales, qui n’y échapperont pas ! Le 18/11/2025. |
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