Affaire Epstein : le Congrès inflige un revers à Donald Trump

Après avoir tenté pendant des mois d’empêcher un vote sur l’affaire Epstein, le président états-unien et ses soutiens ont dû reculer. Seule une voix contre s’est élevée à la Chambre des représentants, et aucune au Sénat, qui ont voté pour la publication des documents en possession du ministère de la justice liés au scandale de pédocriminalité.

François Bougon

Donald Trump a essuyé un revers sévère au Congrès, mardi 18 novembre. Par un vote presque unanime – 427 voix pour, une seule contre –, la Chambre des représentants a réclamé la publication de l’ensemble des pièces que possède le ministère de la justice sur l’affaire Epstein, connues comme les « dossiers Epstein ».

À l’annonce du résultat, les démocrates ont applaudi et se sont tourné·es vers les tribunes, où se trouvaient des victimes du pédocriminel, mort en 2019 en prison. Peu auparavant, certaines avaient pris la parole lors d’une conférence de presse devant le Congrès. Une « survivante », comme elles se désignent, s’était adressée au président Trump. « J’ai voté pour vous, mais votre comportement sur ce sujet est une honte nationale », a-t-elle lancé.

Le président républicain et ses allié·es à la Chambre, en particulier son président Mike Johnson, ont en effet tenté pendant des mois de classer une des affaires les plus importants de pédocriminalité du pays – avec des centaines de victimes. Le suicide en prison d’Epstein a nourri les théories du complot les plus folles, abondamment relayées par la base du mouvement Maga (« Make America Great Again »). Pendant la campagne électorale, Trump s’était engagé à faire la lumière.

Les représentants américains Ro Khanna (D-CA), Thomas Massie (R-KY) et Marjorie Taylor Greene (R-GA) tiennent une conférence de presse avec des victimes du délinquant sexuel condamné Jeffrey Epstein devant le Capitole américain, le 18 novembre 2025 à Washington, D.C. © Photo Samuel Corum / Sipa USA

Mais depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier, le dossier se révèle un cauchemar politique. Tout d’abord en raison de sa gestion calamiteuse par la ministre de la justice, Pam Bondi. Ensuite, parce que Donald Trump s’est retrouvé pris au piège par des révélations successives mettant en relief ses liens de proximité avec Jeffrey Epstein, financier dont il a été proche pendant dix ans avant de se fâcher avec lui.

Les quatre rebelles

Une partie du mouvement Maga s’est alors retournée contre Donald Trump et a appelé à faire toute la transparence, une fois pour toutes. Le cas le plus spectaculaire est celui de Marjorie Taylor Greene. Cette élue Maga parmi les plus fanatiques – au point de soutenir le mensonge de l’élection volée en 2020 – a rompu avec fracas avec Donald Trump, s’affichant à côté des victimes d’Epstein.

Trois autres républicain·es, Thomas Massie, Lauren Boebert et Nancy Mace, ont rejoint la représentante de Géorgie et les démocrates pour signer la pétition en faveur de la publication des dossiers Epstein, malgré les menaces de Mike Johnson et les pressions de la Maison-Blanche.

Ces jours derniers, la Maison-Blanche a tenté une nouvelle fois de les convaincre de laisser tomber et de retirer leurs noms de la pétition. Mais la publication, la semaine dernière, le jour même où la vie parlementaire pouvait reprendre après sept semaines de paralysie budgétaire, de trois courriels du pédocriminel laissant penser que l’actuel président des États-unis a menti sur son rôle dans le scandale de pédocriminalité a relancé la polémique.

Un Donald Trump furieux a qualifié Marjorie Taylor Greene de « traître » et dénoncé une « supercherie démocrate » destinée à salir un mandat marqué par de nombreux succès. Cependant, dimanche soir, le président a opéré une volte-face à la surprise générale, indiquant qu’il signerait finalement la loi demandant la publication des dossiers Epstein.

Mardi, Marjorie Taylor Greene et Nancy Mace ont pris la parole pour défendre les victimes de l’affaire Epstein. La première a expliqué que cette affaire était « le combat le plus important » auquel elle ait participé depuis sa première élection en 2020.

« C’est un combat que nous n’aurions jamais dû avoir à mener, a-t-elle regretté. Il aurait été extrêmement simple pour chaque membre du Congrès, pour le président de la Chambre des représentants et, surtout, pour le président des États-Unis de rendre publiques toutes les informations, tous les dossiers concernant ces Américaines. Ces Américaines ne font pas partie de l’élite riche et puissante, et personne ne finance leurs billets d’avion, leurs voyages ou leurs dépenses à chaque fois qu’elles tentent de diffuser ces informations. Ce sont des Américaines ordinaires. »

L’élue a également regretté les « intimidations » et les « menaces » subies par elle et ses trois collègues républicain·es pour éviter que le texte obtienne une majorité de 218 voix. « Voilà de quoi le peuple américain est exaspéré », a-t-elle lancé.

Toute de blanc vêtue – pour « rendre hommage à l’innocence de ces jeunes femmes volée par un monstre nommé Jeffrey Epstein », a-t-elle indiqué –, Nancy Mace a rappelé avoir pris la parole dans cette même enceinte au début de l’année pour dénoncer un abus sexuel dont elle a été victime de la part de son ancien compagnon. « Comme beaucoup de victimes d’Epstein et de nombreuses autres personnes à travers le pays, je ne pense pas me remettre un jour des ravages que mon agresseur m’a infligés. Mais je peux guérir en étant un soutien et une voix pour toutes celles et ceux qui en ont besoin, et c’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui », a-t-elle déclaré.

Face à elles, les élu·es républicain·es ont indiqué vouloir désormais voter le texte, tout en dénonçant la « chasse aux sorcières » dont est victime le président Trump. Le chef des républicains à la Chambre, Mike Johnson, a fustigé un « vote de façade » de la part des démocrates. « Le ministère de la justice de Biden détenait ces dossiers depuis le début, dit-il, et pas une seule de ces personnes si bruyantes et véhémentes aujourd’hui n’a pipé mot à ce sujet pendant ces quatre années. » Il a aussi exprimé de « profondes inquiétudes » sur le texte. Selon lui, il ne protège pas assez les victimes et les autres « personnes innocentes » qui pourraient être citées dans des documents relatifs à Jeffrey Epstein.

Le Sénat unanime

Le projet de loi autorise le ministère de la justice à ne pas divulguer les noms et les informations concernant les victimes dans les documents. Il a été adopté à l’unanimité par le Sénat, dans la foulée du vote à la Chambre.

Le texte doit sésormais être signé par Donald Trump. Durant le week-end, il a demandé au ministère de la justice et à la police fédérale (FBI) d’enquêter sur des personnalités démocrates liées à Epstein, dont l’ancien président Bill Clinton, Larry Summers, ministre des finances de Bill Clinton, Reid Hoffman, un donateur démocrate, et la banque JPMorgan Chase. « Les dossiers montrent que ces hommes, et de nombreux autres, ont passé beaucoup de temps avec Epstein », a-t-il affirmé.

Lundi, Larry Summers a dit ressentir de la honte pour ses liens avec Jeffrey Epstein et a annoncé se retirer de la vie publique. « J’assume l’entière responsabilité de ma décision fautive de maintenir le contact avec Epstein, a-t-il écrit dans un communiqué. Tout en continuant d’assurer mes obligations d’enseignement, je me retirerai de mes engagements publics. »

La ministre de la justice, Pam Bondi, a promis que ses services allaient agir « avec diligence et honnêteté pour donner des réponses au peuple américain ». En juillet, le ministère de la justice et le FBI avaient pourtant annoncé qu’ils n’avaient « pas découvert de preuves sur lesquelles fonder une enquête contre des personnes jusqu’ici non poursuivies » dans l’affaire Epstein.

Tandis que Marjorie Taylor Greene, après le vote du Congrès, mettait en garde : « Le vrai test sera : est-ce que le ministère de la justice publiera les documents ? Ou est-ce qu’ils resteront ligotés par ces enquêtes ? »

Comme toujours, la stratégie de Trump est simple : ne rien reconnaître et attaquer tous azimuts ses adversaires.

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