Fausse rétractation de Takieddine : un procès requis contre Nicolas Sarkozy, Carla Bruni-Sarkozy et Mimi Marchand

Le Parquet national financier a demandé, mardi 16 décembre, le renvoi devant le tribunal correctionnel de onze personnes, dont l’ancien président de la République, son épouse et la célèbre communicante Mimi Marchand, dans l’affaire sur la fausse rétractation de Ziad Takieddine dans le scandale des financements libyens.

Fabrice ArfiKarl Laske et Antton Rouget

En pleine promotion de son dernier livreJournal d’un prisonnier (Fayard), un nouvel événement ramène Nicolas Sarkozy à sa riche actualité judiciaire. Le Parquet national financier (PNF) a annoncé, mardi 16 décembre, avoir requis le renvoi devant un tribunal correctionnel de onze personnes, dont l’ancien président de la République et son épouse Carla Bruni-Sarkozy, pour leur implication présumée dans la fausse rétractation de Ziad Takieddine dans le scandale des financements libyens.

Décédé en septembre, l’intermédiaire libanais s’était mis subitement à dédouaner Nicolas Sarkozy dans Paris Match et sur BFMTV, à l’automne 2020, après l’avoir lourdement accusé judiciairement. Or, derrière ce revirement inattendu se cachait une forgerie grotesque conduite par une équipée de fidèles, comme l’avait découvert Mediapart avant que la justice retrace précisément le déroulé de cette opération, que ses initiateurs avaient tout simplement baptisée « Sauver Sarko ».

Quatre ans et demi après l’ouverture d’une information judiciaire, le PNF requiert donc le renvoi de Nicolas Sarkozy, condamné en première instance à cinq ans de prison dans le dossier des financements libyens, pour « association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie en bande organisée » et « recel de subornation de témoin », et celui de Carla Bruni-Sarkozy pour la première infraction uniquement.

Nicolas Sarkozy et Carla Bruni-Sarkozy, le 21 octobre 2025 à Paris, avant son incarcération à la prison de la Santé. © Julien de Rosa / AFP

Concernant la communicante Michèle Marchand, dite « Mimi », intime des couples Sarkozy et Macron et soupçonnée d’avoir piloté de bout en bout la fausse rétractation, le parquet demande le renvoi pour trois délits : « subornation de témoin »« association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie en bande organisée » et « association de malfaiteurs en vue de corrompre des personnes exerçant des fonctions juridictionnelles au Liban ». Comme l’ensemble des protagonistes de cette affaire, elle est présumée innocente des infractions qui lui sont reprochées.

Au cours de leurs investigations, les juges d’instruction ont évalué le coût de l’opération à plus de 600 000 euros effectivement versés (en frais d’avocats, déplacements, etc.), alors que des documents ont révélé qu’une récompense de 4 millions d’euros a été promise à Takieddine au moment de son nouveau témoignage.

Un promoteur immobilier, une star de la tech, un agent secret…

Autour de Mimi Marchand, l’enquête a identifié plusieurs personnes mêlées à cette manipulation : une barbouze déjà condamné (Noël Dubus), qui a été la cheville ouvrière du revirement de Takieddine ; un promoteur immobilier sulfureux (Pierre Reynaud, décédé depuis), un publicitaire ayant travaillé pour une campagne électorale de Sarkozy (Arnaud de la Villesbrunne) et une star de la tech proche de Gérald Darmanin et Nicolas Sarkozy (David Layani), tous trois suspectés d’avoir financé l’opération ; enfin un agent des services secrets libyens (Hamadi Matug), qui s’est entremis avec les uns et les autres… Contre toutes ces personnes (hormis Pierre Reynaud), le PNF a aussi requis un procès.

Dans un premier temps, le public n’a rien su de la mobilisation de cet aréopage quand il a découvert à la télévision, à l’automne 2020, le revirement spectaculaire de Ziad Takieddine en faveur de Nicolas Sarkozy, dans une courte vidéo tronquée et non vérifiée.

L’ancien chef de l’État, alors en difficulté dans l’affaire des financements libyens (il venait d’être mis en examen pour association de malfaiteurs, le délit qui lui a précisément valu d’être condamné en première instance en septembre), avait immédiatement salué ce retournement de situation : « La vérité éclate enfin ! » Avant de mettre en cause lourdement la justice dans une longue interview à BFMTV pilotée par une de ses conseillères.

Entendu en juin 2023 par la police judiciaire, Nicolas Sarkozy avait reconnu en audition avoir rencontré furtivement, à son domicile, le 17 décembre 2020, un des organisateurs de l’opération, l’escroc Noël Dubus, auquel il a dédicacé un de ses livres (Le Temps des tempêtes, L’Observatoire, 2020) avec cette mention sans équivoque: « Merci pour tout. Votre ami ». L’ancien président, qui conteste toute participation au complot, a expliqué aux policiers que cette dédicace lui avait été intégralement suggérée, au mot près, par Mimi Marchand, qui lui aurait donné un post-it à recopier, sans qu’il sache à qui s’adressaient ces mots si chaleureux.

Le téléphone de Carla Bruni-Sarkozy

Carla Bruni-Sarkozy s’est, elle, retrouvée mêlée à l’affaire quand les enquêteurs sont tombés sur une ligne téléphonique qu’elle avait fait ouvrir discrètement en décembre 2019, quelques heures seulement – hasard du calendrier ? – après la révélation par Mediapart de l’existence d’un virement bancaire secret liant la dictature Kadhafi à un proche de Nicolas Sarkozy. « Je dois acheter un nouveau téléphone avec une nouvelle ligne complètement déconnectée du reste, est-ce possible ? », avait-elle ainsi écrit le 1er décembre 2019 à un prestataire qui s’occupe de sa téléphonie.

Pendant plusieurs mois, Carla Bruni-Sarkozy a démenti avoir eu un lien avec cette ligne, utilisée pendant l’opération « Sauver Sarko », avant de changer de version devant les juges d’instruction, le 9 juillet 2024« J’ai utilisé ce téléphone par ellipse, parfois », a-t-elle alors admis, avant de charger son (ancienne) amie Mimi Marchand, qui les aurait, elle et son mari, « utilisés » et « manipulés ».

Initialement unie derrière l’espoir de tirer l’ex-président de la République des griffes de la justice, la bande mise en cause dans la fausse rétractation de Ziad Takieddine a fini par s’entredéchirer pendant l’enquête. Elle se rapproche désormais du tribunal : après les réquisitions du PNF, les juges d’instruction doivent désormais décider de la tenue d’un éventuel procès public.

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