Léa Polverini –
Des scientifiques se sont penchés sur les données paléoclimatiques de l’époque. Elles pourraient détenir les clés de l’extinction soudaine de la civilisation harappéenne.
Temps de lecture: 2 minutes – Repéré sur The Washington Post
Il n’en reste aujourd’hui que des ruines, qui jalonnent la vallée de l’Indus et s’étendent le long de la côte indo-pakistanaise, courant jusqu’au Gujarat indien. La civilisation harappéenne, qui s’est développée dès le IVe millénaire avant J.-C., couvrait à sa phase d’apogée un territoire plus vaste que les civilisations mésopotamienne et égyptienne, marqué par une urbanisation remarquable. Pourtant, elle a disparu sans que l’on s’explique encore vraiment pourquoi.
Rues quadrillées, maisons à plusieurs étages, boutiques et rues marchandes… Les nombreux centres urbains de la région étaient organisés autour d’un riche commerce d’or, de pierres précieuses ou encore d’objets en bronze (statuettes et tablettes) et de métaux (outils, armes…), échelonnés le long des cours d’eau. De fait, la région de l’Indus s’est développée au cœur d’une vaste plaine alluviale, sillonnée de nombreux affluents, aujourd’hui asséchés.
Dans une étude publiée récemment dans la revue Communications Earth & Environment, une équipe internationale de chercheurs a utilisé des données paléoclimatiques pour tâcher de reconstituer le climat de cette civilisation, entre 3000 et 1000 ans avant J.-C., et déterminer quel rôle les conditions environnementales de l’époque ont pu jouer dans l’extinction de cette société marchande.
Réchauffement climatique critique
Ils ont pu identifier quatre sécheresses intenses, durant chacune plus de quatre-vingt-cinq ans, qui ont marqué une réduction des précipitations de 10 à 20%, un réchauffement climatique de 0,5°C: les lacs se sont réduits, le débit des rivières a diminué, laissant des terres asséchées, qui ont vraisemblablement forcé les habitants à se déplacer.
«La découverte la plus surprenante est que le déclin de la civilisation harappéenne n’a pas été causé par une seule catastrophe, mais par des sécheresses fluviales répétées, longues et de plus en plus intenses, qui ont duré des siècles», explique ainsi Hiren Solanki, l’un des auteurs de l’étude, chercheur à l’Institut indien de technologie de Gandhinagar.
Si les sécheresses ne suffisent pas à expliquer entièrement le déclin de la civilisation de l’Indus, elles ont toutefois pu contribuer à une raréfaction des ressources alimentaires: couplé à une structure de gouvernance fragilisée, cela aurait pu contribuer à sa chute, comme l’avance prudemment Balaji Rajagopalan, autre co-auteur de l’étude, chercheur en hydrologie à l’Université du Colorado à Boulder.
La sécheresse la plus grave, autour de 1733 avant J.-C., a duré environ 164 ans, et a touché la quasi-totalité de la région, asséchant considérablement les cours d’eau. «Cela signifie qu’il était impossible de déplacer les bateaux et les barges. Si vous dépendez du commerce, vous ne pouvez soudainement transporter vos marchandises qu’à certaines périodes de l’année. Il vous faut peut-être alors trouver des parties plus profondes du fleuve», relève Balaji Rajagopalan. Alors que les populations se sont éloignées des cours d’eau, l’agriculture est également devenue plus difficile.
Ces déplacements multiples ont pu, selon les chercheurs, pousser à un regroupement des habitants qui a fini par marquer un rétrécissement et un déclin de la civilisation. Pourtant, cette dernière a longtemps survécu en dépit de ces crises climatiques répétées. Liviu Giosan, géoscientifique à l’Institut océanographique de Woods Hole, et qui n’a pas participé à l’étude, veut y voir une «leçon» pour nos propres sociétés: «Un stress climatique prolongé fragilise les sociétés et peut mener à leur effondrement si elles ne sont pas préparées», prévient-il.

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