L’entrée de la COP 25, la 25ème conférence de l’ONU sur le climat, à Madrid le 2 décembre 2019 ( AFP / GABRIEL BOUYS )
Iberdrola et Endesa à la COP25: la présence à Madrid de ces grands groupes énergétiques espagnols qui tirent la majorité de leurs revenus des énergies fossiles inquiète plusieurs ONG qui mettent en garde contre leur éventuelle influence sur les négociations.
Le sommet de l’ONU sur le climat (COP25) est réuni jusqu’au 13 décembre dans la capitale espagnole avec pour but d’avancer vers les objectifs de l’Accord de Paris de 2015: limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C, voire 1,5°C, ce qui nécessiterait de réduire drastiquement le recours aux énergies fossiles.
Les groupes Iberdrola et Endesa font partie des sponsors de cet événement, accueilli en dernière minute en Espagne après l’annonce par le Chili qu’il renonçait à l’organiser en raison d’un mouvement social sans précédent.
L’énergéticien espagnol Endesa, principal émetteur de gaz à effet de serre en Espagne, est l’un des sponsors de la COP25 ( AFP / JOSE LUIS ROCA )
Mais un groupe d’ONG craint que la présence de ces grands groupes, à côté d’autres comme Suez, Santander ou Acciona, puissent jouer sur les discussions en cours.
« Notre travail et notre détermination sont facilement dépassés par les moyens énormes des entreprises polluantes », dénonce Sarah Dobson, de la coalition britannique Youth Climate Coalition.
Endesa est le principal émetteur de gaz à effet de serre en Espagne, ayant produit un peu plus de 60 millions de tonnes équivalent CO2 en 2018, selon l’ONG Corporate Accountability watchdog. Iberdrola en a produit 24,6 millions.
Chaque entreprise aurait déboursé 2 millions d’euros pour sponsoriser la COP25, selon des observateurs (chiffre toutefois non confirmé par l’ONU ni par les groupes en question), leur donnant accès à 74 événements via l’Association mondiale du commerce des émissions (IETA), qui compte parmi ses membres BP, Chevron, Shell, Engie, ou Total.
« Les dirigeants gouvernementaux ne vont jamais prendre de réelles mesures pour le climat tant qu’ils ne cesseront pas de prendre l’argent des entreprises liées aux énergies fossiles », craint Jean Su, de l’association américaine Center for Biological Diversity.
– Une délégation plus importante que l’UE –
Lundi, jour d’ouverture de la COP25, Endesa s’est offert une campagne de publicité dans plusieurs journaux espagnols. Rejetant l’idée de « greenwashing », une porte-parole a indiqué à l’AFP qu’il s’agissait d’une « action marketing ». « Notre objectif est de toujours faire mieux et nous accélérons notre transition énergétique », a-t-elle ajouté.
Le siège du groupe espagnol d’énergie Iberdrola à Bilbao en 2012 ( AFP / RAFA RIVAS )
Parmi les milliers de personnes présentes à la COP25, se trouvent des représentants des compagnies pétrolières et gazières ou d’associations professionnelles. Ils ont la possibilité d’y assister, tout comme aux sessions de négociations intermédiaires, en tant qu’observateurs.
L’IETA a envoyé 141 personnes à Madrid, plus que la délégation de l’Union européenne ou du Chili qui préside cette COP. L’Association environnementale de l’industrie pétrolière (IPIECA) a missionné une délégation plus petite, avec des représentants de Chevron, Eni et Petrobras.
Contrairement à d’autres processus onusiens, comme la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac (FCTC), la Convention climat de l’ONU (CCNUCC) n’a prévu aucune régulation visant à se protéger des conflits d’intérêts. La baisse des émissions de gaz à effet de serre négociée dans ces réunions va pourtant à l’encontre des intérêts d’industries spécialisées dans l’exploitation des énergies fossiles.
Le sujet était à l’ordre du jour à Bonn en juin, lors d’une session visant à préparer la COP25, mais il n’a abouti à aucun changement.
Un panneau COP25 à la veille de l’ouverture de la 25ème conférence de l’ONU sur le climat le 1er décembre 2019 à Madrid ( AFP / CRISTINA QUICLER )
Pour Hoda Baraka, de 350.org, leur présence risque d’influencer l’étendue et la vitesse de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. « C’est du simple bon sens de tenir à distance ceux qui sont responsables de la crise climatique du processus politique censé la résoudre », a-t-elle dit à l’AFP.
Des entreprises représentées par l’IETA et l’IPIECA étaient auparavant regroupées au sein du Global Climate Coalition (GCC), un groupe de pression américain disparu en 2002, qui s’efforçait de minimiser l’impact du réchauffement climatique.
Des documents internes de ce groupe de pression, dévoilés par le Centre de recherche sur le climat, montrent comment ses membres se sont servis des négociations onusiennes pour pousser leurs idées.
L’association Edison Electrical Institute (EEI), qui représente des dizaines d’entreprises d’électricité aux Etats-Unis et dans le monde, assure de son côté que ses membres « dirigent la transformation vers une énergie propre et font de réels, substantiels progrès ».
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