Gilets jaunes : quelles réponses ?

Le mouvement des gilets jaunes, avec toute son hétérogénéité et ses limites, incarne une réaction populaire forte au pouvoir de l’oligarchie financière telle que Macron l’incarne.
L’affaiblissement politique et sociale des classes populaires a permis aux classes dirigeantes et à la technocratie de s’emparer directement du pouvoir politique pour réaliser leur rêve : faire évoluer la France vers les normes du capitalisme financier.  Macron a été élu pour mettre fin aux singularités françaises : il faut réduire les impôts sur les plus riches, et donc supprimer l’ISF, ne plus soumettre les revenus du capital à l’impôt progressif ; baisser le taux de l’impôt sur les sociétés ; réduire les droits des salariés, pour augmenter les pouvoirs des patrons ; sécuriser les licenciements ; privatiser ce qui peut encore l’être ; mettre en cause les services publics et le modèle social français, en particulier le système des retraites ;  développer les emplois précaires ou à bas salaires, s’attaquer aux salariés dont le statut ou les conditions de travail restent  convenables.

Notre Constitution bonapartiste donnait les mains libres pour cinq ans à Macron et à l’oligarchie financière, mais il est apparu trop directement comme le président des riches ; il en a trop fait dans le mépris des classes populaires. Le gouvernement est resté sourd aux mouvements de protestations contre la Loi Travail et contre la mise en cause du statut de la SNCF.  C’est finalement la réduction du pouvoir d’achat des retraites et la hausse du prix de l’énergie qui ont fait déborder le vase.

Macron a dû reculer sur la hausse du prix des carburants ; il a dû accorder des hausses de pouvoir d’achat à quelques salariés et retraités ; mais il ne cède pas sur les points centraux de sa stratégie.  L’ISF ne sera pas rétabli.  Il n’est pas question d’augmenter les impôts sur les plus riches, ni de toucher aux profits des entreprises : c’est l’État, donc l’impôt, qui financera la (faible) hausse du pouvoir d’achat des salariés les plus pauvres et la hausse de la rémunération des heures supplémentaires. Celle-ci est particulièrement mal venue en période de chômage de masse. Certains retraités échapperont à la hausse de la CSG, mais tous subiront la désindexation des retraites.  Les menaces contre le système de retraite, contre les allocations chômage, contre la fonction publique sont maintenues.

Macron veut maintenant dévoyer « le grand débat » en s’attaquant aux dépenses publiques, en essayant de masquer que 80% profitent directement aux ménages, soit par des transferts sociaux (retraites, chômage, prestations familiales), soit par des services publics (éducation, santé, crèches). Il veut aussi en profiter pour réduire encore plus le rôle du parlement, des syndicats et des collectivités locales.

Le gouvernement a dû annuler la hausse des taxes sur l’énergie, mais il ne mettra pas en œuvre une grande politique de transition écologique, qui frapperait d’abord les consommations ostentatoires et les gaspillages des plus riches, qui mettrait en cause un mode de production et de consommation, dictée par la recherche de rentabilité des grandes entreprises, qui financerait un vaste programme d’investissement public, en matière de rénovation urbaine, de rénovation des logements, de transports collectifs.

Sur le plan économique, la stratégie de Macron a été un échec. Il n’y a pas eu de coup de fouet à la croissance, à l’investissement et à l’emploi en raison de la baisse de l’ISF et de la loi Travail Hollande avait fait une relance dans sa dernière année dont les effets se sont épuisés. La croissance est passé de 2,7% en 2017 à 1% en 2018. L’emploi a augmenté de 320 000 en 2017, de 110 000 en 2018.

Macron est apparu comme le président des riches, représentant d’une oligarchie méprisante. Il n’a pas réussi à construire une alliance de classe solide entre les plus riches (bénéficiaires de sa politique, l’oligarchie financière, le patronat traditionnel, les jeunes entrepreneurs ambitieux), les couches moyennes (qu’il faut convaincre et un peu récompenser) et les classes populaires (qu’il faut neutraliser). L’opposition n’est pas venue des classes populaires (ouvriers traditionnels, secteur public, banlieues), mais des classes moyennes inférieures. Les gilets jaunes représentent un mouvement confus qui ne pose pas la question l’entreprise, du partage de la valeur ajoutée dans les entreprises, ni celle du pouvoir de la domination de la finance, mais s’en prend aux normes écologiques et à la fiscalité. La montée du Front National rend difficile la constitution d’un front populaire contre l’oligarchie.

Dans la période qui s’ouvre, nous devons porter des idées forces : la défense et l’extension de notre modèle social et des services publics ;  l’exigence de la démocratie économique et sociale : le droit des travailleurs d’intervenir dans les décisions de production des entreprises, le droit des clients d’intervenir dans les décisions de crédit des banques, le droit des usagers d’intervenir dans l’évolution des services publics ; la réduction des inégalités de revenus et de statuts, en particulier dans les entreprises ; une transition écologique vers une société sobre et égalitaire.

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