Juan Branco a-t-il été censuré par plusieurs grands médias français ?

LR: La censure se cache toujours… Trop drôles les explications des médiacrates…

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Par Vincent Coquaz et Robin Andraca 13 avril 2019 à 07:06

Juan Branco, à Clichy-sous-Bois, le 22 mai 2017. Photo Thomas Samson. AFP

L’avocat s’estime victime d’une campagne «d’ostracisation» d’ampleur. Il a pourtant été entendu sur France Inter, LCI, RMC, Franceinfo et Sud Radio en seulement vingt-quatre heures. Et les rédactions accusées de censure donnent une toute autre version.

Question posée par Alexis le 11/04/2019

Bonjour,

Votre question fait référence à une série de tweets postés ce 11 avril par Juan Branco, avocat, ancien candidat de La France insoumise aux législatives en 2017, et auteur du livre Crépuscule, best-seller anti-Macron.

«Successivement des journalistes de l’Obs, Paris Match, BFM, Quotidien et C politique ont voulu faire un sujet touchant à Crépuscule : tous ont annulé sur demande de leur direction», écrit l’auteur sur Twitter. Avant d’ajouter, cette fois-ci à propos d’invitations sur l’arrestation de Julian Assange, Branco ayant été le conseiller juridique de Julian Assange en France : «Il y a aussi eu Bourdin, et RTL, avec annulations successives de Fogiel (cet après-midi) et la matinale de demain (Calvi) – taxis commandés et tout, excusez du peu – mais comme c’était sur Assange, on va rire et dire que ce sont les hasards de la vie.»

Juan Branco, blacklisté par les grands médias français sur son livre, comme sur Assange ? L’avocat a pourtant eu de nombreuses occasions de s’exprimer sur l’arrestation du fondateur de WikiLeaks que ce soit sur France InterLCIRMCFranceinfo ou Sud Radio en moins de vingt-quatre heures.

C’est même cette présence importante qui a conduit à sa déprogrammation de RTL, selon la version donnée par Marc-Olivier Fogiel. «En gros, quand Assange a été arrêté, tout le monde a cherché des invités. On l’a invité à réagir, il a accepté, puis on s’est aperçu qu’il avait déjà fait d’autres médias. Lui comme les autres, un ministre ou le pape, sur RTL, première radio de France, on prend les gens à 18 heures pour leur première prise de parole, pas en queue de comète», assure l’animateur à CheckNews.

«J’ai aucun problème avec lui, d’ailleurs je l’ai déjà reçu»

Il a également été prévu que l’avocat participe à la matinale d’Yves Calvi du 12 avril, sur la même antenne, comme nous le confirme la programmatrice de l’émission : «Je lui avais commandé un taxi, comme je le fais à chaque fois. Mais entre-temps il y a eu le sujet de Flamanville donc on a préféré avoir quelqu’un sur ça. J’ai expliqué la situation à Juan Branco, et je suis très à l’aise avec ça puisque ça se passe comme ça quasiment tous les jours ! Parfois on annule quelqu’un à 22 heures sans mettre les formes, ce qui n’est pas très correct, mais là j’ai pris le temps de lui expliquer et je lui ai proposé de rester en contact, en précisant qu’on relaierait ses infos sur Assange dans nos journaux.» Elle se dit surprise de l’accusation à peine voilée de censure, d’autant plus qu’elle a eu l’idée de l’inviter… «en l’entendant au journal de 13 heures de France Inter».

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Sur le même sujet, Juan Branco indique également avoir été invité par l’équipe de BFM Story, avant que l’invitation ne soit annulée. Olivier Truchot qui anime l’émission avance là aussi qu’une annulation n’a pas valeur de censure : «On a 16 invités par jour, on passe notre temps à caler des invités et les annuler», explique le journaliste à CheckNews, précisant n’avoir même pas souvenir de l’invitation en question. Après je n’ai aucun problème avec Juan Branco. D’ailleurs je l’ai déjà reçu !»

Enfin, pour l’émission Bourdin Direct, «l’ostracisation» dont Branco se dit victime aura été bien courte : moins de 10 heures après son tweet, il s’exprimait en direct dans l’émission de RMC.

Contacté par CheckNews, Juan Branco entend-il ces justifications ? «La question qui se pose : est-ce qu’ils pourraient vous dire autre chose ?» nous répond-il, avant de développer : «Entre celles qui sont de vraies bonnes raisons, sincères, et ceux qui ne peuvent juste pas vous dire qu’ils ont reçu un contre-ordre, c’est compliqué de faire le tri. Mais là, ça intervient après une absence complète de couverture médiatique de mon livre. Il n’y a eu que deux articles sur le livre, dansle Figaro ou sur CheckNews, et uniquement sur l’angle du succès du bouquin. Mais il n’y a pas eu un seul fucking article sur le fond du livre.»

«Une pure invention»

Au-delà du cas Assange, Branco reproche en effet à plusieurs médias écrits et audiovisuels (l’ObsParis MatchQuotidien et C politique) de ne pas autoriser leurs journalistes à traiter de Crépuscule, pourtant en tête des ventes des livres politiques. Contactées, les rédactions en question donnent une autre version.

Un seul journaliste est nommément cité par l’avocat : Edwy Plenel. Selon Branco, le fondateur de Mediapart aurait indiqué que le journal en ligne ne «parlerait pas» pas du livre.

«Une pure invention», selon Edwy Plenel, contacté par CheckNews. «Je n’ai jamais dit qu’on ne rendra pas compte du livre ! La seule chose que j’ai dite, dans des rencontres publiques, concerne les propos que tient M. Branco sur Mediapart,et d’une prétendue « dépendance » vis-à-vis de Xavier Niel. J’ai dit, et je confirme, qu’il raconte n’importe quoi. Ce qu’il dit peut être qualifié de complotiste. Xavier Niel n’est qu’un des 88 contributeurs de la Société des Amis de Mediapart. Il n’a aucun droit particulier. Sa part sera rachetée dans le cadre de la pérennisation de l’indépendance de Mediapart.» Comme CheckNews l’a déjà expliqué, Xavier Niel est effectivement un actionnaire très minoritaire du média d’investigation : il a contribué à hauteur de deux fois 100 000 euros au lancement du média dans la Société des amis, qui détient un peu moins de 17% du capital de l’entreprise. Juan Branco évoque à plusieurs reprises dans son livre cette participation et a évoqué sur Twitter une «proximité objective qu’a nourrie Mediapart avec la Macronie avant 2018».

Mediapart compte-t-il chroniquer le livre de Branco ? «Ce n’est pas moi qui décide si la rédaction rend compte ou non du livre. En attendant, nos abonnés parlent sans problème du livre dans le Club de Mediapart», poursuit Plenel. Le lien que donne Juan Branco pour télécharger son livre, en libre accès sur Internet, est d’ailleurs hébergé sur les serveurs de… Mediapart.

«On a traité Zemmour, on traitera Branco»

Egalement accusée d’empêcher les journalistes de traiter Crépusculel’Obs a démenti formellement sur Twitter, par la voix de ses rédacteurs en chef, Pascal Riché et Sylvain Courage, parlant de «pure fake news». Contacté par CheckNews, Courage affirme : «On va finir par en parler de son livre. Il n’y a pas de raisons qu’on ne le fasse pas, alors qu’il trouve un public.» En off, un journaliste va dans le même sens : «On a traité Zemmour, qui était numéro 1 des ventes, on traitera Branco.»

Du côté de Paris Match, la rédaction en chef assume la décision éditoriale de ne pas parler du livre : «J’ai vu comme beaucoup de journalistes que le livre attirait pas mal de lecteurs. J’ai demandé à une journaliste de regarder s’il y avait matière à en parler, de regarder un peu, d’évaluer si ça valait le coup», raconte Bruno Jeudy, rédacteur en chef politique de Paris Match.

«Très vite on s’est rendu compte que Paris Match était gravement mis en cause. Sans que cette personne n’ait pris la peine d’appeler les responsables du journal avant d’écrire. Donc j’ai estimé qu’en l’état actuel, on en restait là. C’est assez classique comme procédure. Lui dit qu’il n’y aura rien dans Paris Match mais il n’en sait rien, il est incroyable lui ! Après c’est vrai que son comportement ne donne pas forcément envie d’aller plus loin…» poursuit Jeudy. Le livre de Branco accuse en effet l’hebdomadaire d’être en réalité dirigé par Mimi Marchand, communicante du couple présidentiel. Et d’avoir largement contribué à façonner une image de «gendre idéal» à Emmanuel Macron à coups de unes. Et ce, alors qu’il n’était «[qu’un] illustre inconnu, riche banquier ayant utilisé les réseaux de l’Etat pour faire sa fortune».

«Aucune obligation de le recevoir, aucun interdit non plus.»

Comme RTL et BFM, l’émission C Politique invoque aussi les contraintes liées à la programmation pour justifier l’annulation de l’invitation envoyée à Juan Branco. «Il se trouve que cette semaine nous avons fait le choix de recevoir Paul François,un homme dont nous suivons le combat dans C Politique depuis bientôt trois ans. Un lanceur d’alerte… Ça devrait plaire à Juan Branco», ironise le journaliste Karim Rissouli, qui présente l’émission. Rien à voir donc selon lui avec une quelconque demande venant d’en haut : «Pour ce qui est de lui et de son livre, on verra. Aucune obligation de le recevoir. Aucun interdit non plus.»

Enfin, reste le cas Quotidien. Théodore Bourdeau, producteur éditorial de l’émission diffusée sur TMC, se dit «extrêmement surpris» par le tweet de Juan Branco. Il explique : «En début de semaine dernière, la rédaction en chef nous a demandé de traiter le sujet. Il y a un vrai phénomène à traiter, à raconter, d’autant qu’il n’a pas fait de médias mainstream. On a demandé à notre journaliste Azzeddine Ahmed-Chaouch de se mettre dessus.» Et pour cause : le journaliste de Quotidien avait déjà fait le portrait de Juan Branco dans l’émissionle Supplément (Canal+) en 2016.

L’idée : un sujet de plusieurs minutes dans la rubrique du journaliste «Chaouch Express» sur l’engouement autour du livre. «La proposition qui nous semblait la plus cohérente, c’était d’envoyer Azzeddine, essayer de comprendre comment les lecteurs sont arrivés jusqu’à lui sans passer par les canaux habituels. Il n’y a pas eu de censure, au contraire c’était une demande de la direction.»

Problème : quelques jours avant, la programmation de Quotidien l’avait déjà appelé pour un éventuel plateau. Ce que Branco avait accepté sur le principe. «On se tire un peu la bourre entre la programmation et les reportages. Moi j’avais ce contact direct, j’ai pris l’initiative, j’étais peut-être plus motivé que la programmation», raconte Azzeddine Ahmed-Chaouch.

Verra-t-on bientôt Branco sur TMC ? A ce jour, le journaliste de Quotidien n’a toujours pas répondu au message de Branco se disant «OK pour un plateau». Pourquoi ? «J’étais sur d’autres trucs. J’allais le rappeler, parce qu’il était revenu dans l’actualité avec Assange. Mais là, son tweet m’a un peu refroidi. Dans ce contexte-là, c’est un peu compliqué de l’interviewer…»

Des pressions dénoncées par Hanouna

Alors, véritable dénonciation de censure de la part de l’avocat ou «coup de pression» sur les rédactions pour qu’elles couvrent son livre ? Selon nos informations, au lendemain du tweet de Branco, plusieurs médias visés réfléchissent à chroniquer le livre. Au moins en partie pour tordre de tordre le cou à l’idée de censure.

A ce jour, une personne a fait état de pressions directement liées à Juan Branco : Cyril Hanouna. Le 21 mars, alors qu’il recevait notamment Maxime Nicolle, figure influente des gilets jaunes, et Juan Branco, l’animateur de C8 a décrit des «pressions énormes de partout et même de très haut pour ne pas inviter ces gens-là». L’émission a toutefois eu lieu.

Vincent Coquaz Robin Andraca

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