On ne vous dit pas tout…

Si vous saviez ce qui se trame sous le bitume des ronds-points, j’espère que vous en seriez fiers. C’est un peu ridicule le sentiment de fierté d’appartenance à un pays, mais là, franchement, ça vaut le coup. Le pays s’est réveillé et il a toute mon admiration.

Je me balade un peu partout. Sur le Net, les ronds-points, les AG, les blocages, les manifs, et je vois fleurir plein d’idées nouvelles pour enrayer les systèmes. Les initiatives pleuvent et c’est étonnant de voir le peu d’écho qui en est fait. Si l’on n’est pas sur place, sur les réseaux sociaux ou sur le terrain, que perçoit-on ?

Les violences policières tiennent un rang non négligeable dans la panoplie des horreurs, mais les plus grands médias (ceux à la botte du pouvoir et patati et patata) nous montrent de préférence les dégâts causés par la rage de ceux qui n’ont rien à perdre. Partout où je passe, ces derniers sont soutenus, même si les autres ont encore trop à perdre pour en faire autant. Ils ont des enfants, un boulot, une entreprise ou sont fonctionnaires, et ne peuvent pas se le permettre. J’ai souvent remarqué la trouille des fonctionnaires à trop se montrer, ne serait-ce qu’en manif, c’est inquiétant.

Revenons-en aux actions. Si bien sûr, je ne peux pas vraiment vous dévoiler ce qui se prépare, je peux au moins vous raconter comment, de jour en jour, le Gilet jaune et ses acolytes dérangent par des gestes qui peuvent n’avoir l’air de rien, mais qui fédèrent. Dans un groupe, il y a toujours quelqu’un pour prendre une initiative, individuelle ou collective, et peu importe que l’action rate ou réussisse, ce qui compte est qu’elle existe, qu’elle ait demandé une organisation et que 10, 20, 50 ou 100 personnes s’y soient intéressées.

Une 2 CV jaune remorquant une caravane jaune sur les routes de France. Des entrées de zones commerciales bloquées quelques heures, avec souvent la bienveillance de la maréchaussée. Des péages libérés pour les retours de manif, et ça rapporte gros. Des ronds-points repris ici ou là, le temps d’un barbecue et d’une distribution de tracts aux automobilistes (qui klaxonnent encore !). Un arc de Triomphe, une Tour Eiffel, une cathédrale, reconstitués. Des milliers de gilets jaunes accrochés aux fenêtres ou posés sur les tableaux de bord, et si vous les voyez moins, c’est qu’ils sont plus nombreux à se faire discrets. Répression oblige.

Le gouvernement voudrait éliminer bon nombre de fonctionnaires, il a raison, ils sont furieux. Les enseignants, les infirmières, les agents des administrations, et même les polices, comme l’exprime souvent le syndicat Vigi Ministère de l’Intérieur. Leurs colères passent par des manifestations, des grèves, des documents qui fuitent ou des témoignages accablants sur leurs conditions de travail, mais la lutte est commune : ça suffit comme ça !

En ces temps de campagne électorale, les esprits sont déchaînés et les intrusions dans les meetings se multiplient. Les sorties des ministres ou des candidats sont très souvent chahutées et les affiches marquées de slogans ou sabotées par un œil arraché. Même les éditorialistes du pouvoir, tel Christophe Barbier, ne peuvent plus sortir sans croiser des Gilets jaunes, venus ce jour-là perturber la signature du dernier ouvrage de l’homme à l’écharpe rouge sur Sacha Guitry… Ah ! Si Versailles m’était conté…

Et pendant ce temps-là, des banderoles accrochées aux arbres fleurissent dans la nuit. Le plastique est noir et la peinture jaune fluo ressort à merveille sous les éclairages publics. La façade du consulat de France à Genève est aspergée de jaune. Les panneaux d’affichage sont détournés et un publicitaire y va même de sa propre production. Les vitrines des magasins de luxe sont transformées en bunker de bois où chacun peut laisser libre cours à son imagination. Les radars sont hors service et personne ne les répare.

Et puis il y a les dépôts de carburant bloqués, contre l’augmentation inexorable du prix de l’essence, les intrusions dans les locaux de Pôle Emploi, pour perturber le travail des contrôleurs du néant, les CAF, les impôts, où à tout moment, un groupe de dangereux activistes peut surgir. Les jeunes aussi s’y mettent avec le climat et ils apprennent sur le tas d’immondices que nous leur laissons. Ils apprennent à dire non, tout simplement.

Je ne vous ai pas tout dit non plus , car pour savoir, il faut y aller, et ne me dites pas que ce ne sont que de petits riens qui ne feront rien basculer. Vous verrez.

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