Non, les gilets jaunes n’ont pas fait grimper l’extrême droite

Nouvel article sur Blog YY

Non, les gilets jaunes n’ont pas fait grimper l’extrême droite

par Yannis Youlountas

[Désintox]

NON, LES GILETS JAUNES N’ONT PAS FAIT GRIMPER L’EXTRÊME-DROITE

Dans les médias du pouvoir comme sur Facebook, des manipulateurs et des fous furieux se montent simultanément le chou sur les gilets jaunes, les accusant pareillement de tous les maux au sujet de l’extrême-droite, alors que les élections européennes n’ont rien apporté de nouveau. Une tempête dans un verre d’eau, ou plutôt de citronnade.

Comme nous allons le voir en trois minutes, non seulement le mouvement contestataire hétéroclite des Gilets Jaunes n’a pas provoqué « un bond » du parti de Le Pen (appelé « effet gilets jaunes » dans la presse), mais c’est peut-être même le contraire, c’est-à-dire un coup de frein en réalité, au vu de la sociologie du mouvement à ses débuts fin 2018 et du contexte politique.

1) Concernant le résultat global : rien n’a changé.

Comparé aux élections européennes précédentes en 2014, il n’y a aucun changement significatif : abstention presque aussi importante (dont j’étais*), pas de bond de l’ex FN, pas de baisse de l’ex Front de Gauche, les deux anciens partis au pouvoir dont l’image est usée depuis 40 ans sont progressivement remplacés par d’autres (EELV siphonne le PS et Macron la droite). Dans le détail, le FN devenu RN a même fait un point et demi de moins qu’en 2014 (pour moitié parti chez Philippot). La FI et le PCF séparés ont fait deux points de plus que le FDG en 2014. Bref, rien de vraiment nouveau.

2) Concernant le vote supposé des gilets jaunes : rien n’a changé non plus.

Les enquêtes valent ce qu’elles valent, mais elles ne disent rien que ce qu’on savait déjà. Le mouvement des gilets jaunes est un mouvement populaire contestataire où l’extrême-droite est très présente dès le début**, malgré les efforts des antifascistes par la suite, et ce, tout simplement parce que, depuis très longtemps, la contestation des classes populaires (déjà pauvres ou moyennes diversement déclassées) s’exprime plutôt sur ce flanc là qu’à gauche, quand elle ne s’abstient pas. Il n’y a donc absolument rien de nouveau de ce côté là non plus. L’abstention chez les gilets jaunes aurait été de 44% environ, ce dimanche, d’après les enquêtes, au lieu de 49% en moyenne, probablement parce que beaucoup ont voulu sanctionner Macron en allant voter d’une façon ou d’une autre contre lui. Dans le détail, les gilets jaunes auraient voté 1,5 à deux fois plus pour le RN et pour la FI que la moyenne des électeurs. Comme on l’a rappelé plus haut, cela n’a rien d’étonnant et car c’était probablement déjà leur opinion au début du mouvement, vu les enquêtes de décembre sur le sujet.

3) Concernant l’influence de gauche et révolutionnaire parmi les gilets jaunes : on a peut-être évité le pire.

En apparence, les débats et la politisation au sein du mouvement des gilets jaunes, durant six mois, n’ont pas plus profité aux uns qu’aux autres. Le camp des révolutionnaires n’a pas vraiment été renforcé ou très peu. La gauche dite radicale n’a manifestement pas gagné des voix et la clique Le Pen non plus.

Oui, mais le contexte politique en France et ailleurs dans le monde est tel, depuis 5 ans, avec ses Trump, Salvini et autres Bolsonaro, que Le Pen aurait probablement du profiter largement de la situation, au lieu de perdre 1,5%. Actuellement, l’extrême-droite progresse presque partout en Europe et, mois après mois, le monde entier devient fasciste***. Pourtant le bond en avant de Marine Le Pen que beaucoup craignait n’a pas eu lieu. Quand on se rappelle certains slogans et dérapages du mouvement des gilets jaunes à ces débuts, on peut supposer que ce dernier aurait pu favoriser ce bond en avant de Marine Le Pen et apporter effectivement un « effet gilets jaunes » dans cet hypothétique raz-de-marée.

Si ce raz-de-marée redouté n’a pas eu lieu, c’est sans doute à tous les camarades antifascistes et anticapitalistes qui sont intervenu.es dans le mouvement des gilets jaunes que nous le devons. En dégageant fréquemment des chefs fascistes et des bandes nazillonnes****, en refusant des banderoles et des pancartes dégueulasses, en contrant avec leurs moyens modestes l’influence tenace de l’extrême-droite, nos camarades ont sans doute freiné un processus qui aurait déjà propulsé Marine Le Pen à la porte de l’Élysée.

Malgré ses tentatives, l’extrême-droite n’a pas réussi à récupérer entièrement ce mouvement contestataire pour en faire sa troupe. À défaut de mieux pour l’instant, c’est déjà ça. Bravo à nos camarades antifascistes et anticapitalistes.

Les puristes aux mains propres qui ne savent que critiquer, confortablement assis devant des écrans, loin du terrain âpre et complexe des luttes, ne peuvent pas en dire autant.

Yannis Youlountas

* Les raisons pour lesquelles je n’ai pas voté :
http://blogyy.net/2019/05/25/non-je-ne-voterai-pas-demain/
** Ce que j’observais et suggérais au début du mouvement : « Cours, gilet jaune, le vieux monde est derrière toi ! » (03/12/2018)
http://blogyy.net/2018/12/03/cours-gilet-jaune-le-vieux-monde-est-derriere-toi/
*** « Le monde entier devient fasciste. »
http://blogyy.net/2018/10/29/le-monde-entier-devient-fasciste-2/
**** Exemple de ce travail énorme des antifascistes, parmi beaucoup d’autres, à Lyon notamment :
https://gale.noblogs.org/post/2019/02/13/communique-du-groupe-antifasciste-lyon-et-environs-sur-lacte-xiii-gilets-jaunes/
ou encore à Toulouse :
http://lahorde.samizdat.net/2019/02/27/gilets-jaunes-la-politique-revient-dans-la-rue/

Yannis Youlountas | 29 mai 2019 à 14 h 44 min | URL : https://wp.me/p6quRu-1Wx

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire