Gilets jaunes : plus faible mobilisation en France depuis le début du mouvement

LR: Le blabla habituel répété à l’identique depuis des mois sur l’essoufflement du mouvement, mais pas un seul article s’interrogeant sur son exceptionnelle longévité même dans des manifestations moins visibles. Ce mouvement qui dure encore constitue pourtant un événement tout à fait singulier et extraordinaire, du reste les sondages sur sa popularité ne paraissent plus…

Publié le par SudOuest.fr avec AFP.
Les gilets jaunes étaient quelques centaines à Bordeaux
MEHDI FEDOUACH AFP

Le ministère de l’Intérieur a décompté 9500 manifestants en France ce samedi. Ils étaient notamment 450 à Bordeaux

Des cortèges clairsemés et des manifestants souvent désabusés : plus de six mois après le début du mouvement, seuls quelque milliers de gilets jaunes ont répondu présents samedi pour une nouvelle journée de mobilisation.

D’après les chiffres du ministère de l’Intérieur, qui sont toujours contestés par les gilets jaunes,9500 manifestants ont été dénombrés dont 1500 à Paris, soit la plus faible mobilisation depuis le début du mouvement.

Certains manifestants n’hésitent plus à afficher leur blues. Comme Josiane mobilisée dès la première heure depuis le mois de novembre et présente dans les rues de Toulouse, l’une des places fortes du mouvement, où seules quelques centaines de personnes étaient réunies samedi.

« C’est la première fois qu’il y a si peu de monde à Toulouse, ça me fait mal au coeur. Le gouvernement, le pouvoir, ils sont trop forts, au final on n’a rien gagné et en plus on s’est fait insulter et taper dessus », déplore cette retraitée.

450 personnes à Bordeaux

Après des mois de mobilisation variable, attirant de plusieurs dizaines de milliers à plus de 280 000 gilets jaunes, les dernières semaines ont en effet montré un essoufflement de la mobilisation: le 18 mai, ils étaient environ 15 500 à travers la France, et 12 500 le 25.

« Il y aura peut-être un petit creux pendant l’été, mais en septembre ça va repartir de plus belle »

Pourtant beaucoup dans les cortèges tentent de garder espoir. « On ne lâche rien ! Les médias disent que le mouvement est mort mais c’est faux », affirme Sandrine 53 ans, de Massy-Palaiseau, auxiliaire familiale, présente chaque samedi depuis le 17 novembre. « On est hyper résistants. Il y aura peut-être un petit creux pendant l’été, mais en septembre ça va repartir de plus belle », ajoute cette manifestante du cortège parisien.

« Pour continuer à venir, il faut vouloir aller au-delà, penser un peu politiquement, structurer l’élan qu’a été les gilets jaunes. Mais pas dans un parti, en tout cas », estime Jean-Marc, 64 ans, enseignant à la retraite, de Créon, venu manifester à Bordeaux.

Hippolyte Radisson@H_Radisson

Le cortège a pris de l’ampleur. Ils sont désormais plus de 200 place Gambetta à Bordeaux, lieu encore une fois interdit à la manifestation ce samedi.

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Hippolyte Radisson@H_Radisson

Pour la première fois depuis plusieurs semaines, les accèdent à la place Pey Berland, longtemps théâtre d’affrontements le samedi. pic.twitter.com/RJGAWDX8Ue

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Dans la capitale girondine, en pointe depuis le début du mouvement, seules quelques 450 manifestants ont battu le pavé, selon la préfecture.

Pour lui les « quelques mesurettes du gouvernement ont pu donner un peu d’oxygène à certains, mais la souffrance est toujours là. Des gens au point de rupture, j’en vois toujours ».

« Répression policière »

Même constat à Montpellier pour Eric, 61 ans, qui est balayeur pour la ville: « J’ai grandi en HLM. Depuis tout petit, je constate trop d’inégalités. Je suis gilet jaune depuis que je suis né, et encore pour longtemps. Même si ça dure encore deux ans, je serai là ». Des manifestants qui dénoncent tous par ailleurs la « répression policière ».

Cette semaine le procureur de Paris a assuré que des policiers seraient jugés pour violences lors des manifestations, suscitant la colère des organisation syndicales de la police.

« Cela reste de la communication, l’arbre qui cache la forêt et je pense que l’on est loin du compte donc j’appelle tous les blessés à aller porter plainte », a commenté Jérôme Rodrigues, figure du mouvement, qui a lui-même perdu un oeil le 26 janvier.

Selon le procureur de Paris, 171 enquêtes ont été confiées à l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et trois à l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Les investigations sont désormais terminées pour 57 d’entre elles et le parquet doit décider d’éventuelles suites judiciaires.

Depuis le début du mouvement le 17 novembre, 2448 personnes ont été blessées côté manifestants et 1797 parmi les forces de l’ordre, selon des chiffres du ministère de l’Intérieur arrêtés au 13 mai.


Gilets jaunes et mobilisation en berne : est-ce la fin du mouvement ?

Publié le par SudOuest.fr avec AFP.
Gilets jaunes et mobilisation en berne : est-ce la fin du mouvement ?
Samedi, les gilets jaunes n’étaient que 12 500 dans les rues de France à manifester, plus de 22 fois moins qu’au plus haut du mouvement.

MEHDI FEDOUACH AFP

Alors que le nombre de manifestants diminue samedi après samedi, les gilets jaunes, divisés par le retour d’anciennes querelles, misent sur le local pour faire redémarrer le mouvement.

Moins nombreux dans les rues comme sur les ronds-points, quasiment invisibles dans les urnes, les gilets jaunes semblent s’effacer de l’espace public, victimes selon eux d’une « répression très forte » mais aussi du retour des « divisions sociales ordinaires », selon des experts.

Samedi, ils n’étaient que 12 500 dans les rues de France à manifester, plus de 22 fois moins qu’au plus haut du mouvement. « Les gens ont peur de la répression de la police », avance Jérôme Rodrigues, une des figures du mouvement, pour expliquer ces chiffres. « Et puis c’est le 7e mois de la mobilisation… ».

Au-delà des peurs, le retour d’anciennes querelles

Pour Raphaël Challier, sociologue, la « répression très forte qui a contribué à séparer une sorte d’’avant garde manifestante’ du reste des gilets jaunes qui n’osaient plus aller en manif » a pesé sur l’essoufflement, comme « la répression au niveau local, la démolition systématique des cabanes, les expulsions… ». Au-delà des peurs, le retour de querelles anciennes a aussi contribué à vider les ronds-points.

« Au bout d’un moment les logiques de divisions sociales ordinaires ont repris leurs droits »

Le mouvement a « fonctionné au début comme un puissant unificateur symbolique », avance Raphaël Challier. « Mais au bout d’un moment les logiques de divisions sociales ordinaires ont repris leurs droits. Et plus le rond-point était populaire dans sa composition, plus une partie de l’opinion locale s’est détournée du mouvement, sur des ressorts assez méprisants ».

« Les classes moyennes ont pu trouver dans le grand débat organisé par Emmanuel Macron une offre de participation plus conforme à leur rapport au politique que se mobiliser sur un rond-point des nuits entières », précise le chercheur. Il reste pourtant des ronds-points jaunes à travers la France. Dans le Nord, une « petite dizaine » sont occupés, selon Alexandre Chantry, figure des gilets jaunes lillois.

Le mouvement se prépare aux municipales

Michèle Riot-Sarcey, historienne, et Maxime Gaborit, sociologue, se sont penchés sur le mouvement depuis ses débuts. Tous deux estiment qu’un « noyau dur », « déterminé » ne s’estime pas vaincu, mais s’est recentré sur le local.

Les « gilets jaunes ne viennent plus le samedi, et restent dans des ‘fédérations’ comme à Saint-Nazaire, à Clermont-Ferrand ou à Commercy », avance l’historienne, quand Maxime Gaborit observe encore « une forte détermination sur les ronds-points » dans l’Oise, son terrain de recherche, « même s’il y a de moins en moins de personnes à certains endroits ».

Pour la plupart des gilets jaunes interrogés, l’avenir se dessine aussi dans les municipales. C’est « le combat politique à mener » estime Vlad (un nom d’emprunt), gilet jaune dans l’Essonne.

« On va essayer d’organiser des rassemblements sur les plages, les lieux touristiques et les péages au moment des départs en vacances pour rester visibles »

« Le mouvement se prépare aux municipales pour faire appliquer le Référendum initiative citoyenne au niveau local » abonde Maxime Nicolle, dit « Fly Rider », une des figures du mouvement, tandis que Jérôme Rodrigues évoque certains « gilets jaunes » prêts « à se mobiliser pour les municipales, à s’inscrire sur une liste et pas dans un mouvement à part ».

« Ce serait assez cohérent avec la sociologie et les pratiques du mouvement, qui pense la politique par le local, les liens personnels », analyse Raphaël Challier. Sans attendre le printemps 2020, les figures du mouvement espèrent remobiliser cet été.

« On va essayer d’organiser des rassemblements sur les plages, les lieux touristiques et les péages au moment des départs en vacances pour rester visibles », raconte Jérôme Rodrigues. Quand « Fly Rider » assure : « Il y a un essoufflement des manifestations. Mais pas du mouvement ».

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