« Gilets jaunes » : l’utilisation des LBD et des grenades de désencerclement a bondi de plus de 200% en 2018

Cette hausse, annoncée jeudi par l’IGPN, la police des polices, est concentrée sur les mois de novembre et décembre, marqués par les manifestations des « gilets jaunes ».

Une policière brandit un LBD lors de heurts place de la République à Paris, le 20 avril 2019. (ZAKARIA ABDELKAFI / AFP)

C’est une conséquence directe des manifestations des « gilets jaunes » ces derniers mois. L’utilisation des lanceurs de balles de défense (LBD) et des grenades de désencerclement par les policiers a augmenté de plus de 200% en 2018, a annoncé jeudi 13 juin l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), lors de la présentation de son rapport d’activité annuel. Cette hausse est particulièrement concentrée sur les mois de mobilisation, en novembre et décembre 2018.

Dans le détail, les policiers ont utilisé 19 071 munitions de LBD, soit une hausse de 203% par rapport à l’année précédente et 5 420 munitions de grenades de désencerclement, soit 296% de plus qu’en 2017, indique le rapport. « Il y a 220 enquêtes confiées à l’IGPN en cours », déclarait le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner sur franceinfo en avril, réagissant aux multiples signalements de violences policières présumées.


«Gilets jaunes»: L’action des policiers pendant les manifestations contrôlée par les «bœuf-carottes»

ENQUETE La police des polices a été chargée en 2018 de 265 dossiers judiciaires concernant des faits commis durant les manifestations des «gilets jaunes»

Thibaut Chevillard

La cheffe de l''IGPN, Brigitte Jullien, présente le rapport 2018 de la police des polices
La cheffe de l »IGPN, Brigitte Jullien, présente le rapport 2018 de la police des polices — STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
  • L’IGPN (Inspection générale de la police des polices) a présenté ce jeudi son rapport annuel.
  • Les « bœuf-carottes » mènent 265 enquêtes judiciaires liées aux manifestations des « gilets jaunes » en 2018.
  • Le rapport pointe également l’augmentation de l’usage du LBD (lanceurs de balles de défenses) et des grenades de désencerclements par les policiers lors de ces manifestations en fin d’année dernière.

Une année 2018 « largement impactée » par les manifestations des « gilets jaunes ». Les heurts entre policiers et manifestants dont les images ont fait le tour des réseaux sociaux occupent largement les enquêteurs de l’ IGPN (Inspection générale de la police nationale). Entre le début de la mobilisation, le 17 novembre et le 31 décembre 2018, les « bœuf-carottes » comme ils sont surnommés ont été saisis par les parquets de 265 enquêtes. Une situation inédite pour ce service chargé du contrôle des différentes directions de la maison police.

Ces enquêtes sont « compliquées » à mener, remarque la cheffe de l’IGPN, Brigitte Jullien, lors d’une conférence de presse. Les enquêteurs doivent déterminer si l’usage de la force a été légitime et si la riposte apportée a été « proportionnée à l’attaque subie ». Mais « les personnes ne viennent pas déposer plainte immédiatement ». Or les vidéos des caméras de surveillances installées dans les rues ne sont conservées que 30 jours. Et les enquêteurs doivent souvent s’en passer. Ils sont alors obligés de dénicher des images des faits sur les réseaux sociaux, en comprendre le contexte, puis essayer d’identifier l’agent mis en cause.

Une hausse importante de l’utilisation du LBD

« Même pendant les manifestations contre la loi El Khomri, il n’y a pas eu autant de saisines », souligne Brigitte Jullien. Cette inspectrice générale précise que 40 % de ces enquêtes, réalisées en toute « indépendance », ont été transmises à la justice après avoir été bouclées. « Mais les parquets ne nous informent pas des décisions qu’ils prennent ensuite », souffle celle qui a pris ses fonctions en début d’année. Parmi ces dossiers, 113 précise-t-elle concernent des blessés avec une ITT (Incapacité temporaire de travail) égale ou supérieure à 8 jours.

Il faut dire que les policiers ont fait un usage très important des LBD (lanceurs de balles de défenses) ou des grenades à main de désencerclement lors de ces manifestations des « gilets jaunes ». L’utilisation des LBD a augmenté de 203 % par rapport à 2017. Les policiers ont utilisé 6.357 munitions contre 5.420 l’année précédente. « La période du 17 novembre au 31 décembre représente pour les seules manifestations de “gilets jaunes” plus du tiers des déclarations d’usage du lanceur de 40 et plus de la moitié des munitions tirées », observe la cheffe de l’IGPN.

« Des situations d’émeute »

Quant aux grenades de désencerclement, les policiers en ont utilisé 5.420 l’année dernière contre 1.367 en 2017. Soit une hausse de 296 % sur un an. Là encore, « 72 % du total des munitions » ont été tirés entre le 17 novembre et le 31 décembre 2018. Comment expliquer que ces chiffres s’envolent ? Les policiers, analyse-t-elle, ont été confrontés à « des situations d’émeute », auxquelles ont participé des individus très virulents. « C’est un miracle qu’il n’y a pas eu de mort dans un camp ou dans l’autre », souffle à 20 Minutes une source proche du dossier.

Si elle « réfute le terme de violences policières », la patronne de l’IGPN est néanmoins bien consciente de la nécessité de mener une réflexion sur l’usage du LBD. « On n’y échappera pas, mais ce n’est pas le moment de le faire », explique Brigitte Jullien. « On est encore dans un moment de manifestations et de contestations qui ne permet pas à la police nationale de s’arrêter et de prendre du recul, note-t-elle. Il faut absolument qu’on puisse le faire. Je pense qu’on participera à cette réflexion car nous avons éléments objectifs à apporter. »

 

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