Aux urgences, la grève est bien en place

Boursorama – AFP14/08/2019 

Des manifestants défilent à Paris, le 6 juin 2019 ( AFP / JACQUES DEMARTHON )

Cinq mois après le début du mouvement, la grève des urgences n’a jamais été aussi étendue, malgré la prime accordée au début de l’été par le gouvernement, qui promet « de nouvelles mesures dès la rentrée » pour faire retomber la tension.

Redon, Verdun, Bastia, Castres…  Au fil des jours, la liste des services d’urgence en grève ne cesse de s’allonger. Le collectif Inter-Urgences, à l’origine de ce mouvement social inédit, en dénombrait 220 mercredi.

Le ministère de la Santé en recensait pour sa part 195, avec une mobilisation « en déclin à certains endroits » et la signature de « protocoles de sortie de grève » dans 28 sites.

C’est toutefois près de la moitié des hôpitaux publics dotés d’une structure d’urgence – un tiers en comptant les établissements privés, restés à l’écart du conflit.

C’est aussi deux fois plus qu’à la mi-juin, lorsque la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a débloqué 70 millions d’euros pour apaiser la colère des soignants.

Une somme d’abord destinée à financer une prime mensuelle de 100 euros net pour toutes les infirmières et aides-soignantes des urgences publiques, à compter du 1er juillet.

La promesse a beau s’être concrétisée sur les fiches de paie, les grévistes n’ont pas désarmé et continuent de réclamer davantage de postes et de lits d’hospitalisation pour les malades.

« La solution, c’est plus de moyens immédiatement », résume Christophe Prudhomme, médecin au Samu 93 et délégué CGT.

L’enveloppe annoncée par Mme Buzyn devait aussi servir à recruter des renforts estivaux afin « qu’il n’y ait pas de trous dans les lignes de garde ».

A part à Paris, où une demi-douzaine de services ont cessé la grève, cela n’a pas suffi: à Mantes-la-Jolie (Yvelines), Pithiviers (Seine-et-Marne), Lens (Pas-de-Calais), Thouars et Parthenay (Deux-Sèvres), les interventions des ambulances du Smur ont du être suspendues à plusieurs reprises.

A Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence) et Sainte-Foy-la-Grande (Gironde), les urgences ont même été fermées la nuit jusqu’à nouvel ordre.

Souvent en sous-effectif, les soignants travaillent en outre avec le risque permanent d’une agression, comme ces derniers jours à Nice, Epinal et Semur-en-Auxois (Cote-d’Or). Signe que rien n’a vraiment changé en cinq mois.

– L’effet d’une essoreuse –

Car tout était parti d’une série de violences début mars dans un hôpital parisien. La goutte de trop pour des personnels poussés à bout, à l’image de leurs services arrivés à saturation.

En vingt ans, la fréquentation des urgences a plus que doublé, avec 21,4 millions de passages enregistrés en 2017.

Chiffres clés des urgences en France ( AFP /  )

Chiffres clés des urgences en France ( AFP / )

Des patients parfois entassés sur des brancards faute de place ailleurs: durant la même période, quelque 100.000 lits ont été supprimés dans les hôpitaux, qui en comptent désormais moins de 400.000.

Ces conditions de travail ont l’effet d’une essoreuse sur les soignants. « De nombreux collègues démissionnent » ou passent à temps partiel « pour échapper au rythme infernal de travail », affirme l’association des médecins urgentistes de France (Amuf), qui réclame à son tour davantage de primes pour « stopper la fuite » vers l’intérim, mieux payé.

Le désengagement frappe aussi les praticiens libéraux, qui, depuis la fin des gardes obligatoires en 2002, se portent de moins en moins volontaires pour assurer la « permanence des soins » le soir et le weekend.

« Tout le monde est d’accord sur le constat », reconnaît le députe (LREM) Thomas Mesnier, à qui Mme Buzyn a commandé un rapport pour l’automne avec le chef du Samu de Paris, le Pr Pierre Carli.

S’il réserve ses suggestions à la ministre, qui le recevra fin août, l’ex-urgentiste assure qu’il n’a « pas de tabou » sur le sujet et confie travailler, entre autres, sur « le modèle de financement des urgences ».

Selon le ministère, Mme Buzyn « annoncera dès la rentrée de nouvelles mesures issues des premières recommandations » du rapport.

Pas de quoi impressionner la CGT, qui espère toujours élargir le mouvement à l’ensemble du secteur hospitalier et appelle à une journée d’actions le 11 septembre, la quatrième depuis juin.

Le collectif Inter-Urgences tiendra la veille une assemblée générale nationale à Paris. Et son président, Hugo Huon, prévient: « On sera encore là pour critiquer le rapport Carli-Mesnier quand il sortira ».

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