Coronavirus. Une mutation plus contagieuse mais moins virulente ? Pourquoi il faut rester prudent

Selon plusieurs études scientifiques, une mutation du virus SARS-CoV-2, baptisée D614G, a été observée. Selon certains chercheurs, le virus pourrait se transmettre plus facilement mais serait moins virulent. Une hypothèse à considérer avec précaution.

Cellules humaines infectées par le coronavirus. Photo d’illustration. | AFP / NATIONAL INSTITUTE OF ALLERGY AND INFECTIOUS DISEASES

D614G… C’est le petit nom de l’une des mutations du SARS-CoV-2 qui continue de se répandre sur la planète entraînant des centaines de milliers de morts. Plusieurs équipes de chercheurs ont observé cette mutation. Certains laissent entendre qu’elle pourrait être plus contagieuse que le virus originel, mais moins meurtrière. De quoi s’agit-il exactement ?

Pourquoi le coronavirus mute-t-il ?

Comme tout virus, le SARS-CoV-2 est susceptible de muter. Le matériel génétique qui le compose, en particulier l’acide ribonucléique, peut se modifier lorsque le virus se réplique – dans les cellules humaines, par exemple – ou qu’il se combine avec d’autres virus. Ce sont ces transformations qui génèrent une nouvelle « copie » du virus. « La survie [des virus] dépend de ces mutations, qui vont leur permettre de s’adapter à leur environnement, aux différents hôtes qu’ils infectent », explique Vincent Enouf, responsable adjoint du Centre national de référence des virus respiratoires (Institut Pasteur) à l’Agence France Presse. Cela explique notamment que le virus ait pu changer d’hôte, passant probablement de la chauve-souris à l’homme.

Ces mutations peuvent permettre au virus de se répliquer plus rapidement ou de devenir plus virulent pour l’organisme. Pour proliférer à large échelle, un virus n’a pas « intérêt » à tuer trop rapidement ses hôtes. Ainsi, il a été observé que les mutations de virus devenu endémiques avaient eu tendance à le rendre moins virulent à mesure que le temps passait, expliquent Les Échos.

Le D614G, qu’est-ce que c’est ?

Le D614G est l’une des formes mutées du Covid. La mutation est située dans une protéine appelée « spike » qui permet au virus de se fixer sur certains récepteurs des cellules humaines. Le D614G a été observé dès le mois de février et a circulé en Europe et en Amérique. Trois études scientifiques ont été consacrées à cette forme du virus, l’une publiée dans la revue scientifique The Cell , le 2 juillet et deux autres sur le site d’archives ouvertes bioRxiv, les 12 juin et 6 juillet.

Les chercheurs des universités de Sheffield (Grande-Bretagne), de Duke et du laboratoire national de Los Alamos (États-Unis), auteurs de l’étude de The Cell, ont avancé que la mutation D614G, rendait le virus plus « transmissible ». Ils ont observé que, sur un panel de 999 patients britanniques hospitalisés à cause du Covid, ceux contaminé par le virus muté présentaient une charge virale supérieure aux autres malades. Le D614G se reproduirait donc plus rapidement au sein des organismes. En outre il ciblerait plus spécifiquement les cellules de certains organes comme les poumons.

Se transmet-il plus vite et est-il plus ou moins dangereux ?

Pour Pierre Tattevin, professeur-infectiologue au CHU de Rennes, interrogé par La Croix « les auteurs [de cette étude] démontrent de manière convaincante que cette mutation du virus lui confère la capacité de se multiplier davantage, car la charge virale est plus importante, et donc d’être plus transmissible ». Rapidement infectée, une personne contaminée pourrait donc potentiellement transmettre à son tour plus rapidement le virus.

Selon un infectiologue singapourien , les données disponibles suggèrent que la prolifération de la mutation D614G dans certaines régions du monde a coïncidé avec une baisse des taux de mortalité, suggérant que cette mutation est à l’origine d’une variante moins meurtrière du nouveau coronavirus.

Par ailleurs, il n’existe pas de preuves que le D614G soit à l’origine de formes plus sévères de COVID-19, a indiqué l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Pourquoi faut-il rester prudent ?

L’hypothèse d’une moindre virulence du D614G doit toutefois être considérée avec précaution « Cette explication par la mutation génétique n’est encore qu’une hypothèse. Une autre explication possible est que le virus se propage désormais dans des populations plus jeunes et donc plus résistantes », analyse Patrick Berche, membre de l’Académie de médecine et ancien directeur général de l’Institut Pasteur à Lille dans Les Échos.

Le professeur Étienne Simon-Lorière, responsable du labo Évolution génomique des virus ARN à l’Institut Pasteur, souligne quant à lui que « les études qui [suggèrent une infectiosité beaucoup plus élevée du virus] ne sont pas basées sur le virus lui-même, mais sur des expériences de laboratoire. […] Le dispositif est censé se rapprocher du virus naturel ; mais pas tout à fait. On ne peut pas en déduire la transmissibilité du virus en conditions naturelles. »

« Je ne suis pas optimiste sur le fait qu’un variant moins virulent s’impose, mais je ne pense pas que le virus puisse vraiment devenir plus virulent. Il l’est déjà beaucoup », ajoute-t-il.

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