Bernard Friot : « Le Covid nous a montré la nocivité de l’Etat »

#LaMidinale

10 sept. 2020

Le sociologue et économiste Bernard Friot s’est entretenu avec Judith Bernard pour le site d’entretiens Hors-Série. Ils en ont fait un ouvrage : « Un désir de communisme » paru aux Editions Textuel. Il est l’invité de #LaMidinale.
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Sur le désir de communisme « Je ne pense pas qu’on puisse poursuive le mouvement communiste s’il n’y a pas un désir de communisme. » « Comme économiste et sociologue du travail, j’ai un désir qui est l’expression positive d’une souffrance devant le fait que nous ne décidons rien au travail, de ce qui va être produit, où et comment. »
Sur l’anticapitalisme et le communisme « Il peut y avoir un anticapitalisme majoritaire sans qu’il y ait désir de communisme. » « L’anticapitalisme peut être très démobilisateur. C’est peu mobilisateur. » « Il s’agit de convertir l’expérience commune de la souffrance au travail – nous ne travaillons pas comme nous désirons travailler – en désir de communisme. En désir d’être souverain sur le travail. » « J’insiste sur le déplacement de l’action collective vers l’auto-organisation sur les lieux de travail. »
Sur le mot communisme « Je constate que chez les jeunes, de façon claire, le mot communisme aujourd’hui correspond à une attente. » « Il y a un phénomène d’autocensure chez les communistes avec un contournement sémantique du mot communisme. » « Je rencontre plutôt une adhésion au communisme depuis plusieurs années. » « Un projet de gauche est nécessairement communiste. »
Sur la réalité du communisme « ce qui reste à construire c’est le fait de mettre sur le mot communiste, des institutions auxquelles nous sommes attachées pour montrer que le communisme est déjà là. » « Le parti communiste et les organisations qui se réclament des institutions sur lesquelles je met le mot communisme – le statut de la fonction publique, le régime général de la sécurité sociale – ne le lisent pas comme tel. » « Le communisme est une réalité empirique qui est en train de se construire dans tous les pays capitalistes. »
Sur les obstacles à l’adhésion communiste « Le milieu anticapitaliste et critique des chercheurs en sciences sociales considère qu’il n’y a qu’une seule classe pour soi, c’est la bourgeoisie. Et qu’en face, il peut y avoir des résistances, mais qu’il n’y a pas de classe pour soi, révolutionnaire (…). Cette lecture a déteint sur les directions syndicales dont ils sont en général les conseillers. » « Il y a cette idée que les travailleurs sont des victimes, que le système capitaliste génère des victimes et il s’agit d’être solidaire des victimes mais dans le même ils écrivent l’histoire dont la bourgeoisie a besoin : il n’y a pas de classes révolutionnaires. »
Sur l’action collective « Au cœur de la poursuite du mouvement communiste, il y a une action dans les entreprises et dans les services publics pour devenir maître du travail et refuser de faire un travail avec lequel on est en désaccord. Pour sortir de l’énorme distance qui existe entre ce que j’estime être du bon travail et ce que je fais. Il faut en sortir avec une détermination collective à affronter les directions, les actionnaires. » « À l’origine du comportement unifié de la bourgeoisie capitaliste – alors qu’ils se détestent tous – il y a le fait qu’ils ont une responsabilité commune qui est de maintenir leur monopole sur le travail et la production. Ils sont prêts à tout pour rester unis. En face, il n’y a pas cette détermination commune pour ôter à la bourgeoisie son monopole sur le travail. » « Le ciment de l’union, c’est pas la convergence des projets, c’est pas négocier des programmes qui vont ensemble. Le ciment de l’union c’est la prise de responsabilité sur le travail, ensemble. »
Sur la dette d’investissement « Dans les propositions que je fais, il y a le fait que nous remplacions le crédit par la subvention, comme nous l’avons fait dans les années 60 avec la mise en place des hôpitaux/CHU. Ça passe par le fait que les entreprises affectent ce qu’elles versent aujourd’hui de leur valeur ajoutée au remboursement de la dette d’investissement, à une cotisation qui irait à une caisse d’investissement, laquelle subventionnerait les investissements – ce qui libérerait les entreprises de l’emprise du capital (…).
Cette proposition-là, vient nourrir un désir de communisme. » « Il n’y a aucune raison que pour pouvoir travailler on commence par s’endetter et qu’on soit redevable vis-à-vis d’un prêteur, qui ne prête ce qu’il nous a piqué ou ce qu’il va nous piquer. » « L’avance d’argent peut se faire autrement que par le crédit. Il peut se faire par la subvention dès lors que la valeur ajoutée est cotisée à des caisses, gérées par des travailleurs. »

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