Le mytho de l’Intérieur

Par Sylvain Chazot — 
Le ministre français de l’Intérieur, Gerald Darmanin, sur le plateau de France 2, le 26 novembre à Paris. Photo Thomas Coex. AFP

Auditionné lundi par la commission des Lois de l’Assemblée, Gérald Darmanin a, par deux fois au moins, malmené la vérité.

Ça balance pas mal à Paris, paraît-il. Ça mythonne aussi. Du moins du côté de la place Beauvau dont le locataire a passé beaucoup de temps hier, devant la commission des Lois de l’Assemblée, à malmener la vérité. Par deux fois au moins, Gérald Darmanin a menti.

Premier mensonge lorsque le ministre de l’Intérieur parle de l’agression de Michel Zecler par des policiers. Darmanin assure que les policiers et la préfecture n’avaient pas d’images de l’agression avant leur diffusion par Loopsider, jeudi 26 novembre. «Le ministre de l’Intérieur, le préfet de police, le directeur général de la police nationale, n’ont pas eu accès à des images. Ces images, elles ont été mises en ligne par le site informatif», indique-t-il. Une version contredite par le journaliste de Loopsider mais également par le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz. Dimanche, lors d’un point presse, ce dernier avait indiqué que les vidéos de l’agression avaient été saisies et exploitées par les policiers dès le lundi 23 novembre, soit deux jours après les faits et trois jours avant la mise en ligne par Loopsider.

Deuxième mensonge lorsque Gérald Darmanin évoque le cas d’un autre policier pas franchement raccord avec les valeurs de la République. «L’un de mes premiers gestes en tant que ministre de l’Intérieur a été de ne pas garder dans la police un agent qui avait porté un écusson qui rappelait le IIIe Reich», assure-t-il. Sauf que non. Comme l’a souligné une journaliste de Mediapart, Darmanin avait simplement suspendu la promotion de ce CRS qui, avant l’intervention du ministre, devait être promu brigadier-chef. Le ministre s’en était d’ailleurs vanté sur Twitter. «Conformément à ce que j’ai demandé au Directeur général de la police nationale, cet agent ne sera pas promu», avait-il indiqué le 30 juillet. Une légère différence, donc.

Le CRS avait en revanche été suspendu 15 jours en 2015 pour avoir porté l’insigne de la 12e Panzer SS – un blason qui fait un peu plus que «rappeler le IIIe Reich». Il s’était défendu en avançant sa passion pour le matériel militaire, «meilleur du côté allemand», d’après lui.

Numéro ROI (sic)

En sus de ces deux contre-vérités, Darmanin a aussi commis une erreur qui en dit long. Les forces de l’ordre, à de très rares exceptions près, doivent porter sur leur uniforme un numéro d’identification, appelé RIO (Référentiel des Identités et de l’Organisation). Les policiers et gendarmes *oublient* souvent d’arborer ce RIO, 7 chiffres propres à chaque agent, ce qui est dommage et, en théorie, sanctionnable. Mais les sanctions sont rares. Et en même temps, comment l’inverse serait-il possible alors que le ministre de l’Intérieur ne connaît pas, lui-même, le nom exact de ce numéro d’identification ? Par deux fois hier, Darmanin a parlé du «numéro ROI» et non du «RIO». C’est peut-être un détail pour vous mais pour les victimes de violences policières, ça veut dire beaucoup.

Sylvain Chazot

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire