Durand Justine partage sa réflexion

1 j 
le 22 05 2021
J’ai envie de partager ma réflexion sur un trajet. Avant, quand je bossais, je me disais que je ferais des tas de choses à ma retraite. J’avais imaginé, mais j’avais aussi posé mes intentions : accueillir et accompagner les autres (on n’arrête pas son « art » à la retraite, et le mien est d’être psy), favoriser les actions collectives, écrire, créer, prendre le temps de rêver. Poser ses intentions est essentiel. Je rêvais d’un lieu d’accueil, de perma, d’un tas de choses abandonnées en 1984, lorsque je me suis posée la question de l’insertion sociale de mes enfants. Je vivais à l’époque en Corse, dans un village abandonné, à trois quart d’heure de marche, la mule était mon amie. Ce mode de vie, je connais, il me va, mais il n’est plus l’heure à mon âge d’entreprendre un tel chantier. J’ai toujours vécu en milieu rural et quand je regarde ma vie à présent, elle est douce : marchés, commerce de proximité, dialogues, réseau d’amis, engagement dans une conscience de vie collective, politique au sens noble du terme et artistique. Ma situation financière était limite, depuis la retraite, je touche les APL et l’héritage de ma mère me permet de me verser une rente. J’habite dans un lieu idyllique, près d’un torrent que je perçois comme magique, et les cultures de pommiers, grandes dispensatrices de pesticides, se muent de plus en plus en lavande et en blés, quand je sors de chez moi, c’est l’herbe, les insectes, les oiseaux, les fleurs, tout un espace que je peux savourer. Quand je suis chez moi, c’est un espace accueillant, vivant, apaisant. Alors, oui, j’avais des projets concrets, matériels, mais un an de pratique de la retraite m’a juste fait comprendre que mes intentions se réalisent. Et si je prends le temps d’écrire ce message, c’est que depuis un an, j’ai eu le bonheur d’accueillir et d’accompagner des gens qui n’ont pas beaucoup d’argent et de ne plus compter sur eux pour vivre (mi temps contractuelle de la fonction publique, mi temps libérale). Fini ces servitudes de salariée et mon libéral qui me ruinait, quand les structures et les gens ont eu moins de pouvoir d’achat, à coup de cotisation de retraite, émise par la CIPAV. Finies ses angoisses où si les gens remettaient à la semaine suivante leur paiement, je crevais de faim. A bac plus 5 et contractuelle de la fonction publique, qui peut imaginer ça ?
Si j’ai envie de partager ce qui me tient en éveil, c’est qu’enfin je peux accueillir les gens sans avoir besoin d’eux pour manger. Et ça me fait un bien fou, de continuer à exercer, en toute légalité, généreusement, et constater que mes intentions posées sont bien là. Pour parachever l’histoire, je suis inscrite sur un groupe, entomologie France, grâce auquel j’apprends beaucoup, et cohabite : les grands mots de biodiversité, c’est observer une guêpe polistes qui construit son nid à ta fenêtre, dialoguer avec tes araignées et te désoler que la mite de la farine, (oublié le nom latin), n’aie pas encore reçu la visite du mâle qui erre bêtement. Oui, j’apprends beaucoup sur le fait de ne plus avoir de projets, mais les voir être réalisés sans efforts.
Je ne sais pas où nous allons, les temps apparaissent sombres, fous, délirants, amoraux, de tout ceci j’en suis consciente. Mais dans mon cœur, mes camarades, l’humain et sur tout ça ils ne pourront faire main basse. « Ils » ? Les destructeurs du vivant et du lien, ceux qui ne croient qu’au fric et au pouvoir et ont pour but le profit au détriment du vivant
Et puis parfois, tout ceci me sature en émotion et je n’ai trouvé que l’écriture que pour à la fois transmettre ce qui nous émeut et nous excède, avec ce style . Parce qu’en fait le style, on n’y peut rien.
j’ai le style intime…

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