Comment inviter la lutte de classe dans les présidentielles 2022 -Jacques Chastaing

7 JUIN 2021

Beaucoup dénoncent le piège des présidentielles où on nous proposera le plus probablement de choisir entre Le Pen et Macron (ou Bertrand ou Wauquiez), avec la possibilité que Marine Le Pen soit élue, bref à choisir entre la peste et le choléra. En fait, ce n’est que l’apparence des choses. Bien d’autres éléments vont entrer en jeu dans cette période électorale.

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DE LA SITUATION MONDIALE A LA SITUATION FRANCAISE

Pour bien comprendre ce qui est en cours et ce qui se passe en dessous de la surface, y compris en France, il nous faut jeter un œil sur la tectonique des plaques qui ébranle en profondeur la planète sociale et politique depuis quelques années.

Jusqu’à ces derniers temps, l’équilibre entre les mouvements sociaux et les élections politiques, là où il y en a, se faisait autour d’une séparation des deux domaines par une barrière infranchissable en même temps que les élections étaient le débouché politique des mouvements sociaux.

Cela signifiait une domination totale du jeu politique – et par là du jeu syndical et social – par les possédants, les notables, les milliardaires banquiers et industriels, leurs médias, leurs institutions et leurs personnels politiques de droite et de gauche, avec une alternance savamment pesée entre ces derniers pour permettre aux colères sociales de s’exprimer sans déranger ni changer le système en profondeur.

Or, depuis quelques années, et c’est particulièrement visible depuis 2018-2019 jusqu’à aujourd’hui, il se fait progressivement une modification des rapports de force entre classes, une perte d’illusions dans l’alternance et dans le jeu politique traditionnels et à partir de là une inversion des rapports entre le mouvement social et son débouché politique, au point que si l’inversion n’est pas encore totalement aboutie – un mouvement social qui serait son propre débouché politique – les élections sont peu à peu intégrées à la lutte sociale et n’en sont plus qu’un élément et non plus le débouché.

Au fur et à mesure des transformations planétaires en conséquence de la mondialisation, on a assisté  sur un peu plus de deux ou trois décennies à une  industrialisation ici et une désindustrialisation là, une urbanisation galopante, un exode rural jamais vu, des migrations de masse historiques, une révolution matriarcale bouleversant la situation des femmes et des familles et au final une exploitation capitaliste sauvage comme en n’avait pas connue depuis le XIXe siècle et les origines du capitalisme.

Pour se protéger des effets dévastateurs de la mondialisation et des crises, on a d’abord assisté à un mouvement de repli derrière les frontières nationales et les idéologies nationalistes, racistes, xénophobes, sexistes et homophobes.

Cela s’est accompagné d’une montée progressive de l’abstention comme expression d’un dégoût du jeu politicien traditionnel dont on percevait mieux le mensonge de fond mais aussi d’une certaine impuissance et découragement du fait que beaucoup de monde a pu constater que les politiques de la gauche et de la droite ne se différenciaient guère et que le « débouché » politique traditionnel n’en était plus un sans pour autant pouvoir faire émerger une autre issue politique par en bas.

Cela amena au pouvoir un certain nombre de démagogues plus ou moins hors sérail ou hors normes, baptisés « populistes », s’appuyant sur les préjugés les plus réactionnaires, tout à la fois contre l’establishment et en même temps fondamentalement dedans, dont les dernières illustrations vont de Modi à Trump, de Salvini à Orban, de Johnson à Bolsonaro ou Erdogan. En même temps qu’ils arrivaient au pouvoir, ils entraînaient dans leurs sillages tout le système institutionnel  transformant peu à peu les démocraties sous leur autorité et même celles des autres pays en systèmes d’état d’urgence autoritaire permanent.

Mais avec cette évolution en haut, il s’en faisait une autre en bas, contradictoire.

Elle fut d’abord visible à partir de 2011 dans les soulèvements arabes puis les mouvements Occupy ou Nuits debout – mais ce n’étaient encore que des bulles qui explosaient sans que ni les acteurs, ni les commentateurs n’en voient encore bien la logique, l’unité, ou la postérité possible – alors que déjà en même temps émergeait parallèlement un mouvement social et sociétal mondial unificateur qui imposait son agenda social planétaire contestant l’autorité et la légitimité des États-nations et de la politique dans ces bornes : mouvement pour le climat, mouvement contre le racisme, mouvement contre l’oppression des femmes, mouvement pour les libertés des homosexuels… Des mouvements qui, tous, en marge de l’ordre social constitué mais tout à la fois dans et hors du système, dessinaient la possibilité d’un autre monde, sans frontières ni préjugés, plus humain, plus fraternel (voir mon article du 3 juin 2021 :  « Dynamiques actuelles d’une lutte de classe mondialisée – Ou comment la cosmopolitique des communs s’impose face à la géopolitique des États-nations »

https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/030621/dynamiques-actuelles-dune-lutte-de-classe-mondialisee-jacques-chastaing).

Les crises de 2008, puis 2019 puis enfin la crise du Covid de 2020 et leurs cortèges de drames étaient autant d’accélérateurs de prises de conscience en bas.

A partir de 2018, tout basculait à nouveau avec l’entrée des classes exploitées dans la lutte au niveau mondial avec les soulèvements au Soudan ou des Gilets Jaunes en France, puis en 2019 les soulèvements sociaux dans 54 pays du monde, le plus grand mouvement social de l’histoire.

Le mouvement social des classes populaires fut un instant suspendu ou atténué par la crise du Covid mais continuant quand même en 2020,  une nouvelle marche était alors franchie en 2020/2021.

Dans les mouvements de 2020/2021, l’intégration de la question politique dans le mouvement social se fit de deux manières. Elle se fit d’une part avec le  développement de l’auto-organisation dans les luttes comme en Inde et ses Mahapanchayats, au Bélarus et ses comités de grève, en Colombie avec ses comités de grève et de quartiers coordonnés au niveau national et en Birmanie avec sa naissance d’un contre pouvoir populaire. Cette intégration de la dimension politique au mouvement social se fit d’autre part, quand les circonstances le permettaient, par le biais électoral dans les scrutins aux USA, en Bolivie, au Chili, au Pérou, et dans les États du Bengale occidental, de l’Uttar Pradesh, du Tamil Nadu et du Pendjab en Inde. Le Chili et l’Inde cumulant au niveau le plus avancé auto-organisation et utilisation des élections traditionnelles pour s’approcher un peu plus de la perspective de l’émancipation politique par le mouvement social .

Jusque là, il n’y avait pas de lien entre les mouvements sociaux et la démocratie politique, en particulier électorale, parce qu’il n’y avait pas ou guère d’auto-organisation des luttes, en tous cas pas en lien, pour celle qui existait, avec la perspective d’un changement politique.

Il y avait des explosions sociales petites ou grandes, où les classes populaires soit dénonçaient un système dans des éruptions de colère plus ou moins violentes (jusqu’à faire tomber les régimes comme en Tunisie, Égypte, Soudan, Algérie… mais sans aller au delà et laissant d’autres ramasser le pouvoir qu’elles avaient fait tomber), soit tentaient d’améliorer leur sort dans le cadre du système ou encore, un mélange des deux, mais sans jamais transformer des embryons d’auto-organisation en marches vers l’émancipation politique, une autre démocratie, un autre pouvoir.

Bien sûr, on voyait déjà comme avec les Gilets Jaunes et leur RIC ou les tentatives au Soudan, des velléités de changer le système démocratique et le système électoral, mais cela restait soit dans la discussion, pas dans la mise en pratique comme en France, soit consistait à participer et se faire à moitié intégrer par le « système », un pied dans le mouvement, un pied dans le gouvernement dans un système tournant, comme au Soudan.

Or, la vague considérable des mouvements sociaux des classes populaires de 2018-2019 percutant et intégrant plus ou moins les mouvements sociétaux planétaires, écologiques, anti-racistes, contre les oppressions de femmes et des minorités sexuelles additionnés aujourd’hui de la lutte planétaire pour la santé et l’autre monde que cela dessine, a comme conséquence qu’en 2020-2021, le mouvement populaire dans son ensemble a franchi une marche.

Cette dimension d’intégration au mouvement social des exploités de la perspective d’un autre monde dessiné par les mouvements sociétaux planétaires s’est particulièrement vue en Inde.

Le soulèvement paysan pauvre et ouvrier actuel a suivi de quelques mois le mouvement de Shaheen Bagh de fin 2019 début 2020, mené par les femmes contre toutes les oppressions, de religions, de castes ou de minorités et en a intégré toutes les valeurs émancipatrices le conduisant à développer  une auto-organisation très avancée avec les Mahapanchayats comme organes d’un pouvoir populaire embryonnaire de démocratie directe. Et en Inde, de ce fait, c’est en même temps le combat du mouvement paysan pour faire perdre le pouvoir dans des élections de différents niveaux dans plusieurs États qui a conduit à la défaite électorale du gouvernement dans ces États.

Cependant, en Inde comme ailleurs, le mouvement paysan n’avait pas ses propres candidats dans les élections. Il voulait juste faire perdre les candidats du pouvoir. Aussi, ce sont des candidats de partis d’opposition divers qui ont été élus mais sous la pression et le contrôle du mouvement de la rue, contrairement aux périodes d’élections passées où ce contrôle par la mobilisation n’existait pas.

Il n’y a eu en Inde qu’un seul candidat paysan qui s’est présenté et qui a été élu haut la main dans l’État d’Assam, bien qu’en prison et sans moyen de faire campagne, mais qui avait la particularité d’être un leader du soulèvement paysan et en même un des leaders également du mouvement Shaheen Bagh, incarnant dans sa personne les particularités des deux mouvements, sociaux et sociétaux, une figuration personnelle de ce que pourraient être les militants et les partis de la période qui vient.

Les USA ont connu en 2020 le plus grand mouvement social de leur histoire à partir et autour de la colère suscitée par la mort de George Floyd, un jeune noir assassiné par un policier.

La conséquence en a été la chute électorale de Trump quelques mois plus tard.

Le candidat démocrate Biden opposé au républicain Trump est tout autant un homme du système que son rival et il n’a pas fait campagne en s’appuyant sur le mouvement suscité par l’assassinat de George Floyd. Cependant, les électeurs, baignant entièrement dans l’ambiance suscitée par ce mouvement massif totalement inédit, ont voté, eux, pour ou contre ce mouvement, pour ou contre les manifestations de rue, pour ou contre l’émancipation des noirs, des femmes, des minorités diverses et au final en filigrane pour ou contre l’émancipation des griffes du capital. Ils n’ont pas voté pour Biden, mais contre le racisme, le sexisme et les pratiques et idées réactionnaires de Trump. Le sens de ce vote s’est particulièrement vu dans les résultats de la multitude d’élections locales qui accompagnaient les élections présidentielles, où, contrairement au niveau présidentiel, les classes populaires pouvaient avoir leurs candidats et exposer leur programme.

C’est parce que les élections présidentielles ont été intégrées par les électeurs au mouvement social, que la participation au scrutin a été si importante, dans un camp comme dans l’autre. Et c’est pour ça encore, que Biden prend un certain nombre de mesures progressistes à la surprise de beaucoup, parce qu’il est sous cette pression de la rue.

Il y a eu le même phénomène en 2020-2021 en Bolivie, au Chili, au Pérou et probablement demain au Brésil. Tous les scrutins de ces pays où sont tombés des pouvoirs autoritaires ou dictatoriaux se sont déroulés dans le cadre de mobilisations populaires importantes, en quelque sorte sous la surveillance et le contrôle des classes populaires. Comme aux USA ou en Inde, les mouvements populaires n’avaient pas leurs propres candidats parce qu’ils n’avaient pas encore le degré de maturité pour en avoir, et on peut penser que s’ils l’avaient eu, il n’y aurait pas eu d’élections mais des révolutions (ou/et des contre-révolutions). Aussi, ont été élus en Bolivie et au Pérou des candidats reflétant dans une certaine mesure la poussée populaire, mais appartenant encore au système. Au Chili seul, des candidats du mouvement de rue ont été élus, mais pour la plupart reflètent la disparité et parfois les faiblesses encore de ce mouvement, ayant une très forte hétérogénéité et parfois même une dimension extravagante.

Bien que le choix électoral proposé pour le moment en France aux élections présidentielles de 2022 semble éloigné du paysage politique mondial dessiné ci-dessus, la France n’échappe pourtant pas à ces évolutions planétaires.

LA SITUATION FRANCAISE : QUE FAIRE ?

Si l’on revient en arrière sur les événements sociaux passés de ces dernières années en France avec le point du vue global que j’ai esquissé, on verra que cette histoire Française récente par en bas et celle des Dom-Tom, ses ex-colonies, est riche de tentatives d’exprimer les tendances émancipatrices en marche dans le monde et que c’est un atout important par l’expérience accumulée dans le même sens pour construire ce qui est nécessaire pour demain.

Le LKP guadeloupéen, Liyannaj Kont Pwofitasyon ou « Collectif contre l’exploitation outrancière » de 2008, a regroupé de manière horizontale inédite une cinquantaine d’organisations de tous types, associatives, syndicales, politiques, sociétales, culturelles… pour construire puis mener une grève générale du 20 janvier au 4 mars 2009, juste avant les élections européennes, qui a fortement secoué l’establishment français, paraissant le modèle à suivre pour bien des militants afin d’être en mesure de représenter tous les courants de colère éparpillés en une seule force.

Au même moment, en février 2009, naissait en métropole le NPA, Nouveau Parti Anticapitaliste, à l’initiative de la LCR et de militants révolutionnaires dispersés, que le LKP inspirait et dont l’objectif était de sortir des habitudes propagandistes de ce milieu militant pour mener une politique s’adressant directement aux classes populaires par delà les clivages politiciens des vieux partis afin de donner une expression politique directe à la colère sociale sortie de la crise de 2008.

Parallèlement, dans le 101e département français, Mayotte, les révoltes d’importance ne cessaient pas, là aussi organisées autour d’un projet plus ou moins implicite d’émancipation générale : un mois de grève en 2003 contre la réforme des retraites, mais aussi pour l’avenir de l’école ; en 2007, une grève de quatre mois des instituteurs pour ne pas restés bloqués dans une fonction publique au rabais ; en 2008, une grève illimitée dans la santé pour l’intégration dans la fonction publique ; en 2009, des manifestations contre la hausse du coût de la vie à Petite-Terre (la plus petite île de Mayotte) ; en 2011, quatre semaines de grève générale contre la vie chère ; en octobre-novembre 2015 une nouvelle lutte pour « l’égalité réelle et la justice », pour l’application immédiate et intégrale à Mayotte du Code du travail et des conventions collectives de la métropole, l’alignement immédiat des pensions et prestations sociales au niveau de la métropole, bref une « égalité réelle » ; un moment interrompu, le mouvement a redémarré fin mars 2016, en même temps qu’en France ou à la Réunion contre la loi El Khomri, toujours pour « l’égalité réelle » avec la métropole mais aussi contre la loi travail ; du 20 février au 9 avril 2018, surgissait une nouvelle grève générale toujours pour « l’égalité réelle et la justice »… A chaque fois, avec de violents affrontements avec la police intervenant parfois avec des blindés et toujours avec au centre du mouvement, liant tous ces combats divers,  une organisation horizontale de femmes, les « femmes leaders », un mouvement issu d’une vieille tradition matriarcale et polyandre dans l’île.

Dans cette même logique de tentative de casser les frontières entre politique et social, entre revendications économiques et émancipation globale, une grève générale était déclenchée en Guyane le 25 mars 2017 juste avant les élections présidentielles d’avril, emmenée par un collectif  horizontal « Pou la Gwiyann dékolé » (Pour que la Guyane décolle) accompagné de collectifs divers issus de la société civile, comme celui par exemple des « 500 frères ».

En France métropolitaine, les mouvements sociaux n’ont pas cessés depuis 2016 et la lutte contre la loi El Khomri. En même temps, la désacralisation et la délégitimation des élections dites représentatives se faisaient par une abstention montante et de plus en plus de mouvements sociaux dans les périodes électorales elles-mêmes. Puis cette délégitimation passa un cran avec les Gilets Jaunes  qui voulaient « prendre l’Élysée » par la rue et non plus par les élections. Cela entraîna sous cette influence radicale, une reprise plus déterminée du mouvement social syndical traditionnel autour de la réforme des retraites en décembre 2020, témoignant pour ces deux mouvements des évolutions de conscience  qui s’étaient faites en quelques années et qu’avait illustré de manière spectaculaire le Front Social en 2017.

C’est en effet dans ce contexte général de délégitimation du jeu politicien électoral et dans la foulée de contestations internes au sein de la CGT en 2014 et 2015 contre la politique jugée trop molle de la confédération, puis des mouvements sociaux de 2016 et en particulier de la lutte des ouvriers de Goodyear mais aussi du regroupement de lutte contre les licenciements, les « Licenci’elles », qu’apparu en 2017 comme condensé des expériences passées, le Front Social.

Dans une démarche parallèle à celle du NPA qui essayait de rompre le fossé entre le politique réservé aux élections et le social réservé aux grèves et manifestations de rue, mais cette fois dans une démarche initiée par la base syndicale et pas par une organisation politique, le Front Social faisait  un pas de plus dans le fait de faire jouer un rôle politique direct au mouvement social.

Dans une élection présidentielle en 2017 où étaient déjà opposés  Macron et Le Pen et où la majeure partie de la population ne voulait ni de l’un ni de l’autre, le Front Social allait plus loin que la simple abstention populaire du « ni Le Pen, ni Macron« , mais ajoutait, en positif  et actif, l’idée de « la rue » à ce slogan, en appelant le mouvement social à s’inviter dans le scrutin en lui proposant de réaliser avant même le premier tour des élections, un « premier tour » social dans la rue, la veille même du scrutin. C’était l’idée d’un « tour » des ouvriers et des contestataires en lutte, pour qu’à défaut de candidat propre, le scrutin soit « surveillé » par la mobilisation sociale et que le programme des élections soit marqué de celui de la rue, afin de préparer le « troisième tour » social, nécessaire quel que soit l’élu, le lendemain même de l’élection.

A la manifestation du « premier tour social » il y eut environ 10 000 personnes à Paris et à la manifestation pour le « troisième tour social » et l’exigence de la démission de Macron  au lendemain même de son élection, environ 25 000 personnes. En même temps, le Front Social structurait 150 comités dans le pays et organisait 200 structures syndicales de base, des associations en tous genres, collectifs allant de lycéens à des féministes, des écologistes, des groupes de musique ou de théâtre, des médias internet, des militants « lutte de classe » de tous bords et tout cela en association avec les mouvements anti-coloniaux aux Antilles, en Guyane ou à Mayotte.

Ce n’était pas considérable mais en même temps loin d’être rien pour en effet un mouvement dont le premier appel  public datait de février 2017 et la première manifestation d’avril 2017, à peine deux mois après. De plus, le poids politique du Front Social dans l’opinion dépassait largement ses effectifs. Ses initiatives ultérieures, manifester le 14 juillet symbole politique s’il en est ou organiser une marche sociale sur l’Élysée, ce qui ne s’était jamais vu jusque là, initiait ce qui commençait à être dans l’air et annonçait ce que feraient les Gilets Jaunes un peu plus tard.

Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans une situation électorale semblable à celle de 2017.

Mais  la situation est bien plus favorable qu’en 2017. En effet, depuis, il y a eu le mouvement des Gilets Jaunes, les révoltes qui secouent le monde depuis 2018, la mondialisation plus visible des mouvements anti-racistes, féministes, contre toutes les oppressions, les violences policières,  ou pour le climat, les chutes de Trump, J. Anez, la droite chilienne… et la fragilisation de Bolsonaro ou Modi. Et puis, il y a un rejet infiniment plus grand tout à la fois d’Emmanuel Macron qui a montré à la tête du pays ce dont il était capable mais aussi de Marine le Pen dont le succès de ses idées est déclinant au fur et à mesure qu’elle s’institutionnalise comme en témoignent la baisse des résultats de son parti dans les élections municipales puis régionales et départementales.

Nous nous retrouvons dans une situation semblable à celle de 2017 mais où les bases d’une explosion sociale ou tout au moins d’une délégitimation de la fonction électorale présidentielle sont bien plus importantes avec la possibilité de jeter les fondements dés maintenant et jusqu’au printemps 2022, d’une résistance organisée bien plus forte qu’il y a 4 ans. Le mouvement social peut encore plus marquer le scrutin présidentiel de son empreinte qu’en 2017 et paralyser ou gêner l’utilisation traditionnelle de la bourgeoisie de ce moment pour relancer ses attaques contre les classes populaires.

Le mouvement social s’invitera peut-être de lui-même dans le scrutin, ou pas, nous ne le savons pas. Par contre, ce que nous pouvons faire, c’est agir consciemment dans le sens de l’histoire, en appelant à nouveau le mouvement social à s’inviter consciemment dans le processus électoral.

Il nous faut appeler à nouveau à un « premier tour social », un tour qui soit à nous, avant leur premier tour électoral, à eux. Et cette fois, nous pouvons essayer de le faire avec l’expérience et l’aide des structures de base et des comités du Front Social, des Gilets Jaunes, des « femmes leaders », des acteur des mouvements « Gwiyann dékolé » et « Kont Pwofitasyon »  afin que le programme qui dominera cette période soit celui de l’auto-organisation de la rue, afin que ce soit la rue qui mette le processus électoral sous contrôle et surveillance populaire. C’est un objectif dont un candidat révolutionnaire, du NPA par exemple, s’il y en a un, pourrait se faire le porte parole dans les médias, appelant les classes populaires mais aussi toutes les forces sociales et politiques de gauche, quels que soient leurs choix électoraux divergents, à se regrouper « tous ensemble » autour du « 1er tour social », pour peser conjointement sur ce moment.

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