« Projet Pegasus » : ces questions laissées sans réponse par l’Elysée

Douze jours après les révélations du « Projet Pegasus » sur le ciblage de l’exécutif français ainsi que celui de journalistes, d’avocats et de citoyens, par le client marocain du logiciel espion de NSO, Pegasus, l’exécutif oppose le silence aux demandes de clarification.

Par , Nicolas Chapuis et Martin Untersinger

Publié le 30 07 2021

« Si les faits sont avérés, ils sont évidemment très graves. » Cette formule de communication est la seule réponse apportée par l’Elysée, douze jours après les révélations faites dans le cadre du « Projet Pegasus », coordonné par Forbidden Stories et seize autres rédactions dont Le Monde, en association avec Amnesty International.

Ce consortium a notamment révélé qu’en 2019, les numéros de téléphone portable du président, de son chef de gouvernement et de quatorze ministres alors en exercice ont été saisis par un opérateur au sein des services de sécurité marocains pour une éventuelle mise sous surveillance par le logiciel espion Pegasus. Seule une analyse technique fine de ces smartphones peut permettre de dire s’ils ont été effectivement infectés, ou s’ils ont juste fait l’objet d’un ciblage.

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Amnesty International a publié sa méthodologie permettant ainsi à l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, chargée de la protection numérique des appareils de l’Etat, de procéder à ses propres vérifications.

Douze jours après les révélations, malgré les demandes régulières du Monde, l’Elysée n’a toujours pas communiqué sur les résultats de ces analyses, ne serait-ce que pour écarter la thèse d’un piratage au plus haut sommet de l’Etat. La présidence a jusqu’à présent refusé de répondre à nos demandes, qui sont pourtant d’intérêt public.

Souci de transparence

Voici une liste des questions que l’affaire Pegasus pose et auxquelles, dans un souci de transparence, l’Elysée devrait répondre :

  • Le téléphone portable d’Emmanuel Macron a-t-il été infecté par le logiciel Pegasus ?
  • Si oui, des informations sensibles ont-elles pu être interceptées ?
  • Emmanuel Macron utilise-t-il ce téléphone pour des échanges sensibles, confidentiels ou même classés secret-défense ?
  • Si son téléphone n’a pas été infecté, avez-vous détecté les traces techniques d’un ciblage préalable par le logiciel Pegasus ?
  • Parmi les téléphones d’Edouard Philippe et des quatorze membres du gouvernement, certains ont-ils été infectés ?
  • Présentent-ils des traces de ciblage, à l’instar de celui de M. de Rugy, alors ministre de la transition écologique ?
  • Confirmez-vous que le Maroc est bien à l’origine de ces opérations de ciblage ?
  • Comment qualifiez-vous, dans ce cas, l’attitude du Maroc, pays « ami » ?
  • Des journalistes, des avocats et plus largement des citoyens français ont vu leurs téléphones ciblés par le logiciel Pegasus, ciblage portant la signature du Maroc : quelle réponse la France entend-elle apporter à cette violation des droits élémentaires de ses ressortissants ?
  • La France disposait-elle, avant l’enquête du « Projet Pegasus », de moyens de détecter les attaques de ce logiciel espion ?
  • Les autorités françaises avaient-elles pris la mesure de la menace que fait peser cette technologie sur les téléphones des hautes autorités ?
  • Des services de l’Etat français utilisent-ils ou ont-ils utilisé par le passé le logiciel de NSO ?
  • La France possède-t-elle une technologie similaire à celle du logiciel Pegasus ?
  • Dans le cadre de la coopération internationale, la France utilise-t-elle des renseignements étrangers obtenus grâce au logiciel Pegasus ?
  • Le logiciel Pegasus est officiellement destiné à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Il n’est commercialisé qu’à des Etats. Par le biais d’un régime d’autorisation d’exportation, le ministère israélien de la défense décide à qui NSO peut vendre son logiciel et lui fixe des règles. Le logiciel Pegasus a été vendu par NSO au Maroc. La France a-t-elle demandé des comptes au ministre de la défense israélien sur l’utilisation faite du logiciel par le Maroc ?
  • Les numéros des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la Chine et de la Russie sont épargnés par NSO. Pourquoi la France, et plus largement l’Union européenne, ne bénéficient-elles pas des mêmes égards ?
  • Angela Merkel a plaidé pour un renforcement des restrictions sur les exportations de logiciels espions. Le gouvernement français est-il sur la même position ?
  • La Hongrie, membre de l’UE, a utilisé le logiciel Pegasus pour cibler des journalistes et des patrons de presse, est-ce compatible avec les valeurs européennes ?
  • D’autres pays européens utilisent-ils, à votre connaissance, le logiciel Pegasus ? Et, si oui, dans quel contexte ?
  • L’Europe et la France ont-elles pris la mesure de la cyberguerre qui est menée par certains Etats ?

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