Le rapport sur l’action publique CAP 2022 signe une volonté de « privatiser » les missions de l’État et les pratiques de l’administration. Au détriment de la notion de service public.
Àprésent que, contre l’avis du gouvernement, l’intégralité du rapport du Comité action publique 2022 (CAP 2022) est connue, il est possible d’en décrire la philosophie générale. Ces 22 propositions peuvent être résumées par une seule formule : la privatisation du service public. Certes, il ne faut pas comprendre par ces mots que le gouvernement entend vendre au secteur privé les hôpitaux ou les administrations. Le processus est, en réalité, beaucoup plus profond et pernicieux. Il s’agit avant tout de caler la gestion des services publics sur la gestion privée, de privatiser non pas la propriété, mais les pratiques.
L’essentiel de ce texte de 152 pages s’appuie en effet sur une idée simple, voire simpliste. La France dépensant plus que ses pairs pour ses services publics, elle n’a pas de problème de moyens pour ces derniers. Dès lors, les problèmes de l’action publique ne sont que des problèmes d’organisation, de « management ». Or ce qui fonctionne se trouve dans le secteur privé. Il faut donc caler la gestion publique sur la gestion privée afin de faire plus avec moins de moyens.
Managérialisme plutôt qu’égalité d’accès
Les « convictions » du comité sont, de ce point de vue, sans équivoque : « C’est des réformes que naîtront les économies et non l’inverse », affirme-t-on page 22 du rapport. Puis, à la page suivante, on apprend que « si l’on veut que notre secteur public puisse se réformer, il faut le rendre plus souple, plus adaptable, plus lisible ». Le cœur de l’action est donc bien l’organisation, source d’économies, et cette organisation doit reposer sur la souplesse. On a là le vocabulaire habituel du managérialisme propre au privé et tant prisé par le gouvernement.
Cette vision n’est nulle part plus claire que dans la volonté de modifier l’objectif d’égalité du service public. Selon les auteurs du texte, ce dernier « ne doit pas conduire à un traitement indifférencié et uniforme des usagers ». Et de poursuivre : « Il faut construire le service public autour de l’usager et de ses besoins. » Cette modification amène à considérer progressivement l’usager de plus en plus comme un « client » qui doit en avoir pour son argent, pour ses désirs et pour ce qu’il est socialement. Cette logique avait déjà été décrite par le député LREM Gilles Legendre en février lorsqu’il évoquait l’idée d’appliquer aux administrations la doctrine du « client au centre » qui a été un des fondements du managérialisme contemporain. Dans cette logique, les services publics doivent donc devenir l’objet de ces fameuses « notes » qui envahissent désormais l’économie de services marchands. Le rapport préconise ainsi « d’utiliser l’avis des usagers comme un critère de performance et de pilotage ».
Il faut prendre garde cependant à l’aspect séduisant de cette démarche. « Placer le client au centre », ce n’est pas être attentif aux moindres désirs du client, c’est lui donner ce pour quoi il paie. La logique du privé peut se cacher derrière des atours chatoyants, mais elle n’a qu’une fonction, par ailleurs fort acceptable pour le secteur privé, celui d’améliorer la rentabilité du service rendu. Les notes et remarques que l’on attribue aux services marchands ne sont prises en compte que dans la mesure où elles permettent cet objectif. C’est cette même logique que propose d’appliquer le rapport CAP 2022 avec sa nouvelle définition de l’égalité d’accès aux services.
Le rapport CAP 2022
La logique de privatisation du service public
Ainsi, les zones rurales, moins contributrices et plus coûteuses, doivent logiquement être soumises à une rationalisation sévère : c’est la création de « points de contact » uniques avec des services mutualisés, fondés sur des contraintes comme la prise de rendez-vous et favorisant l’accès numérique (proposition 4). Ces régions devront être traitées conformément à leur place dans la clientèle administrative. Et le comité CAP 2022 suggère d’aller encore plus loin dans cette voie. La proposition 22 entend ainsi « faire payer directement l’usager de certains services publics », comme les contrôles sanitaires, certains services routiers ou les services consulaires. Cette logique est pour l’instant très limitée, mais elle introduit une nouvelle vision du service public, celle de « l’utilisateur payeur » qui ne demandera qu’à s’élargir au gré de la volonté des prochains gouvernements. Le service public n’est plus alors payé par un impôt ou une cotisation, autrement dit par une mise en commun de moyens, mais directement par l’usager. La contrepartie est évidemment que l’usager peut demander un service personnalisé, prioritaire et privilégié proportionnel à ses moyens. C’est la notion de service public qui, en réalité, est ici attaquée de front, en apparence à la marge, en réalité au cœur.
L’étape suivante de cette logique est celle de la fameuse « efficacité », là encore très inspirée du secteur privé. « Le rapport coût/résultat doit se situer parmi les meilleurs européens dans chaque domaine », affirme le rapport qui préconise de « mettre un terme à toutes les interventions publiques dont l’efficacité n’est pas démontrée » (proposition 20). C’est une volonté qui rejoint la volonté de la majorité parlementaire de faire évaluer les politiques publiques. Le problème est bien de savoir comment estimer le « résultat » et l’« efficacité » d’une politique publique.
On se souvient que le président de la République estimait récemment que la France dépense un « pognon de dingue » pour les aides sociales avec une faible efficacité, alors même que cet argent a clairement permis de contenir le creusement des inégalités. Autre exemple : le fameux CICE qui a créé fort peu d’emplois (200 000 au maximum) pour un coût élevé (20 milliards d’euros par an) et qui est si peu remis en cause qu’il sera pérennisé sous forme de baisses de cotisations en 2019… L’efficacité est en réalité une notion fort relative concernant des services publics. Faute de ne pas prendre en compte sa particularité, on risque là aussi de s’en tenir à des évaluations comptables pas toujours adaptées.
Le prétexte de l’efficacité
Logiquement, le rapport propose également une plus forte coopération entre le secteur privé et le secteur public. En fait, il propose une insertion du secteur public dans l’économie privée, par plusieurs biais. À la page 25 du rapport, on peut ainsi lire que « nous pensons que les citoyens, le monde associatif, les entreprises et les start-up constituent une force d’innovation et une capacité d’action » et qu’« à ce titre, il faut les associer plus étroitement à la conception même des politiques publiques ». Pour ce qui concerne le citoyen, on a vu que cette association prendra la place d’une mutation vers le statut de client. Mais l’essentiel est que, désormais, le secteur privé doit participer à l’innovation publique. On retrouve cette volonté, perçue par le comité comme un gage d’efficacité, dans de nombreuses propositions. Par exemple, dans la proposition 21, il est demandé de « développer les externalisations ». La privatisation de la pratique du service public passe donc également, pour le comité, et sans surprise, par une cession d’un nouveau pan de la sphère publique au secteur privé et par une injection croissante du privé dans l’action publique.
Plus globalement, la vision de l’État proposée par ce comité est plutôt assez traditionnellement néolibérale. Page 25, il est ainsi précisé que si l’État doit « renforcer son rôle régulateur », il « doit aussi veiller à ce que le cadre normatif existant ne bloque pas les initiatives ». Bref, c’est un État au service du privé, cantonné dans un rôle de garant du bon fonctionnement du marché, qui est proposé. Il est, du reste, significatif que le rapport propose de réorienter les aides sociales et le logement social vers « ceux qui en ont le plus besoin » (propositions 11 et 12). Autrement dit, l’action sociale de l’État se doit simplement de garantir l’accès minimum de chacun au marché. C’est une vision qui est, de ce point de vue, assez proche de celle du président de la République.
Cette volonté de privatiser le fonctionnement du service public s’accompagne évidemment d’un changement de gestion du personnel. Là encore, le vocabulaire est très explicitement inspiré par celui des ressources humaines du secteur privé. Et les propositions visent à faire évoluer le statut des agents et le fonctionnement de la fonction publique vers les standards du secteur privé. La proposition 2 propose ainsi un « nouveau contrat social » dans l’administration qui sera basé sur « davantage d’agilité et de souplesse » pour les employeurs publics. Concrètement, il s’agit bien d’en finir avec le statut de la fonction publique avec comme contrepartie l’espoir pour les agents « de carrières accélérées ». De façon significative, le rapport ne parle pas de cadres administratifs, mais de « managers responsables » qui devront désormais disposer de « souplesse dans les recrutements et la gestion des ressources humaines » et appliquer « des contrats pluriannuels sur les objectifs et les moyens ». La gestion du service public deviendra donc une entreprise comme une autre.
Une vision naïvement positive du secteur privé
Le comité CAP 2022 entend donc profondément privatiser le service public dans ses pratiques. Il a la conviction que c’est là la clé nécessaire à son objectif de « faire plus avec moins de moyens ». Mais ce rapport trahit une vision profondément idéologisée et, pour tout dire, fort naïve du monde. Si l’efficacité du service privé en termes de service rendu est très contestable, son bilan en termes de gestion des ressources humaines l’est tout autant. On ne compte plus les désastres et l’argent public perdu dans les délégations de service public ou les partenariats public-privé. En France, citons Autolib’ ou le « Pentagone français » de la place Balard. Au Royaume-Uni, la faillite de Carillion, entreprise de BTP sous-traitante de l’État, a conduit les parlementaires à s’interroger sur l’externalisation de l’action publique que met en avant le comité CAP 2022. Comme souvent avec ce type de rapport, on perçoit une vision simpliste fondée sur des a priori idéologiques largement mis en question par la recherche depuis la crise. L’idée que les entreprises privées sont ainsi plus « innovantes » que l’État est désormais remise en cause par plusieurs chercheurs, dont l’économiste italo-britannique Mariana Mazzucato, qui explique depuis 2013 la capacité d’innovation de la recherche publique et l’incapacité du privé d’innover sans cette dernière.
Ce rapport semble méconnaître plusieurs faits essentiels : l’importance du statut, non comme protection pour le fonctionnaire, mais comme protection pour l’usager ; le risque de corruption induit par l’immixtion du secteur privé et l’autonomisation des « managers » ; la spécificité du modèle social français ; l’inefficacité actuelle du secteur privé en termes de productivité du travail et de prise en compte de l’intérêt général. Un fait est, de ce point de vue, significatif : la croyance implicite que ces réformes se feront sans impact négatif sur l’économie. La question du multiplicateur budgétaire ne se pose pas pour ce rapport. Toute « économie » est bonne et n’induit aucun effet économique, ce qui supposerait que l’action publique « vole » en réalité l’activité au privé. On sait, et les crises de 2008 et 2010 nous l’ont rappelé, qu’il n’en est pas ainsi. Mais le comité reste enfermé dans son utopie d’une « austérité heureuse » qui favoriserait l’expansion économique. Une utopie défendue jadis par quelques-uns des responsables du désastre européen de 2010-2015 : Jean-Claude Trichet ou encore Mario Monti. Chose étonnante : on trouve dans ce comité Enrico Letta, le successeur de Mario Monti, bien placé pour connaître les effets de ce type de politique, mais qui, pourtant, ne semble pas avoir suffisamment appris de son expérience au palais Chigi, le siège italien de la présidence du Conseil.
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Si l’on voulait résumer cette vision naïve, il faudrait évoquer la proposition 5 sur l’hôpital, qui espère économiser 5 milliards d’euros sur un système hospitalier déjà à bout de souffle par de simples « bonnes pratiques ». C’est évidemment un mythe irréalisable lorsque l’on songe que depuis dix ans les dépenses du secteur sont largement inférieures à leur tendance naturelle et que ce sous-investissement massif et continuel a mené le secteur au bord du désastre. Espérer encore réduire le déficit de l’État relève d’un rêve préoccupant pour les personnels et les malades.Certes, il n’est pas question de nier la nécessité d’une révision de certaines pratiques de l’administration et de la nécessité d’une amélioration du rapport aux usagers. Mais le comité CAP 2022 ne prend cette question finalement que comme un prétexte pour privatiser le service public. Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce qui ne sera plus payé par l’impôt ou par la dette, autrement dit par la collectivité, le sera par les citoyens, directement et sans effet de redistribution. La qualité de l’accès et le coût en seront-ils améliorés ? On peut en douter. La gestion centrée sur la rentabilité ne saurait, en tout cas, garantir autre chose que des économies budgétaires. C’est, du reste, la vraie logique sous-jacente de ce rapport et le gouvernement ne s’en était, au vrai, pas caché. Ce texte ne doit donc être pris que pour ce qu’il est : un document fortement inspiré par une idéologie à vocation purement comptable. Il n’est pas un document d’experts, mais un document politique et, ce faisant, un document largement biaisé.
Commentaires:
- 30/07/2018 23:49
- PAR DANIEL ZIARKOWSKI EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE PLUSLA LE 30/07/2018 09:08
Pensez-vous que je fasse partie des idiots utiles ? Depuis 2010 et la fameuse RGPP qui devait permettre une économie de 7 milliards d’euros et qu’on estime aujourd’hui à guère plus de 300 millions la F.P. a subi 5 réformes et toutes argumentant de plus de rentabilité et d’un meilleur service rendu. Je ne connais aucune entreprise qui a connu tant de réformes sur ce même temps !!!
Croyez-vous que ce soit le fonctionnaire de base, l’exécutant qui soit le responsable de ce gâchis ? Non, ce sont nos chères têtes pensantes qui ont fait tout et n’importe quoi !!! Je vais vous donner un exemple :
Je fus convoqué au secrétariat général des ministères dits sociaux pour une formation de 48h sur le nouveau logiciel de paiement des frais de déplacements. C’est une des responsables de ce S.G. qui a décidé de le mettre en oeuvre car elle l’a fait au sein du S.G. au profit de tous les fonctionnaires et, selon elle, cela fonctionne !!!
On m’a donc fourni un mot de passe, une carte d’accès et je me suis présenté.
1er problème, je ne parvenais pas à me connecter !!! Et oui, ce service avait tout simplement émis d’intégrer l’ensemble des fonctionnaires dans ce programme géré par le ministère de la santé donc exit Jeunesse et Sports, le ministère du travail …
On m’a donc installé à la place de la formatrice. J’ai ouvert le fichier au profit de toutes et tous et je me suis tout de suite écrié qu’il fallait arrêter la formation au grand scandale de la formatrice. En effet, pour pouvoir bénéficier des frais de déplacements c’est au fonctionnaire de remplir le fichier !!!
Or, dans les différentes directions régionales, nous faisons appel à près de 80% de non fonctionnaires venant du secteur privé en tant qu’experts.
J’ai donc fait savoir que cela impliquait que nous devions « distribuer » ce logiciel à chacun des experts et on m’a répondu que c’était strictement impossible.
La responsable de cette idée lumineuse, jeune cadre arrogante est venue et m’a torpillé avant de ne vouloir écouter mes arguments. Elle a donc du reconnaître qui ce qui marchait dans cet espèce de cercle fermé du secrétariat général ne pouvait pas fonctionner au niveau national !!!
Je lui ai demandé si elle avait pris la peine de téléphoner à une direction générale pour savoir comment elle fonctionne au niveau des frais de déplacements. Je n’eus aucune réponse sinon une fuite directe de l’intéressée.
La formatrice, très gênée, a quand même voulu que nous travaillons sur ce logiciel qui m’a permis de voir alors que si un fonctionnaire du S.G. demandait une avance sur ces frais de déplacements, cette avance n’était pas prise en compte par le logiciel et n’apparaissait nulle part, permettant ainsi au fonctionnaire non vertueux d’encaisser une avance en douce.
La formation fut alors close et on n’a plus entendu parler de ce logiciel durant 4 ans !
Et cet exemple simple démontre comment toutes les réformes sont abordées, par des incompétents qui estiment que tout doit fonctionner dès lors où ils le décident mais sans prendre la peine de se demander comment cela se passe à la base. Ce sont des réformes strictement descendants faites par des gens qui ne savent rien de ce qui est le travail quotidien des exécutants et qui complexifie de façon grotesque le moindre travail. Aujourd’hui, pour payer les frais de déplacements d’une personne, entre la demande de documents stupides, la réception, la saisie (près de 20 minutes pour une personne alors qu’avant 5 mns étaient nécessaires), le destinataire doit attendre au minimum 2 mois au minimum. Et tout est à l’avenant !!!!
Mais nos énarques, en complexifiant, en allongeant le temps de travail de chaque acte, protègent leur poste, protègent leurs nombreux avantages et régimes indemnitaires qu’ils se créent en cooptation de façon spectaculaire et quand cela chauffe on accuse l’exécutant !!!
Mort aux cons !!!
- 30/07/2018 10:56
- PAR VINCEBE EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE SYCOPHANTE LE 30/07/2018 10:19
Romaric Godin part simplement du principe que considérer les pratiques du privé comme plus efficientes relève d’une idéologie libérale de cour d’école (de commerce).
J’ai toujours été dans le privé et plutôt dans des grandes entreprises dans les Achats. Je suis bien placé pour vous dire que les gabegies ou autres managements inefficaces sont bien présents dans le privé. Grosso modo, plus la taille d’une entreprise est importante, plus les dépenses ou les postes inutiles prolifèrent.
Comme indiqué, qu’il y ait des changements à apporter dans les services publics, personne ne dira le contraire mais vouloir prendre le privé comme modèle, c’est sûrement se tromper. L’Etat n’est pas une entreprise.
Les DSP que vous citez sont le parfait exemple que le privé ne fait pas mieux (voire moins bien puisqu’il y a une rémunération à dégager) que le public.
- 30/07/2018 12:43
- PAR SYCOPHANTE EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE VINCEBE LE 30/07/2018 10:56
Sauf que cela en figure nulle part dans le rapport….De même que ne figure pas dans le rapport de privatisation. Du coup, il a défini la « privatisation » de façon totalement arbitraire et infondée.
Ce n’est pas un scoop que de dire que plus une organisation est grande, plus les coûts d’organisation croissent et plus la bureaucratisation prolifère. Simplement dans le privé, il y a un ressort de rappel : une entreprise ne peut durablement être en perte. Il y a également des mécanismes d’incitation pour être plus efficace puisque les managers sont jugés là dessus et même rémunérés là dessus pour ce qui concerne les cadres dirigeants.
Ce qui fait que la gestion publique est plus complexe que la gestion privée est qu’il y a une pluralité d’objectifs, parfois incohérents entre eux, et non un seul comme dans le privé ou il s’agit qu’une boite gagne de l’argent et c’est tout. La mesure de la performance est donc elle même plus complexe car il ne s’agit généralement pas de vendre un service et de voir si sa production est rentable. La gestion de l’organisation est elle même plus complexe car on ne peut réduire facilement les coûts et qu’on ne choisit pas qui on emploie.
Mais rien de tout cela ne signifie que les services publics ne doivent pas être efficaces. Or l’article indique que « l’efficacité est en réalité une notion fort relative concernant des services publics« . Ce n’est pas « relatif« , c’est plus difficile à mesurer que dans le privé.
Si les DSP étaient moins performantes que la gestion déléguée, cela ferait belle lurette que les collectivités locales qui font le choix de la DSP, un choix toujours réversible, y auraient mis fin. Le fait que le délégataire doive dégager une marge signifie simplement qu’il doit dégager des gains de productivité suffisants à la fois pour satisfaire le délégant et pour se rémunérer lui même.
A Paris par exemple, la collecte des déchets ménagers est exercée en régie dans 10 arrondissements et déléguée à plusieurs délégataires dans une dizaine d’autres et la Mairie menace régulièrement d’augmenter le pourcentage délégué.
L’étude ci-jointe réalisée pour l’ADEME fait une revue de la littérature économique existante et rend également compte des résultats de leur modèle. La conclusion est claire : à fréquence égale, la gestion déléguée de la collecte des déchets est sensiblement moins onéreuse lorsqu’elle est déléguée :
http://chaire-eppp.org/files_chaire/rapport_final_ademe_-_mars_2013_0.pdf
- 30/07/2018 13:08
- PAR SYLVAINP EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE SYCOPHANTE LE 30/07/2018 10:19
Il y a bien « privatisation »: La stratégie gouvernementale consiste à asphyxier les services publics. Quand les services ne seront plus rendus par la puissance publique, vous serez obligé de vous tourner vers le privé pour les obtenir.
La tactique d’inculquer une culture de la « concurrence » accompagne cette démarche. Il s’agit de préparer le système et les esprits à ce que certains services actuellement rendus par le public puissent être vendus par le privé.
Voyant les limites de la privatisation brute par transfert de propriété (toujours à l’oeuvre là où les résistances sont contenues; voyez l’exemple des barrages), le gouvernement applique une approche par étapes, qui globalement suit le même schéma en oeuvre pour le chemin de fer et qui a fait ses preuves pour l’électricité, le gaz et les telecoms
– Couper les financements
– Clamer la nécessité de réformer une organisation « inefficace » (en vérité manquant surtout de moyens).
– Céder des parts de monopole au privé (la fameuse « ouverture à la concurrence »)
– Transférer une partie de la propriété de l’ancienne compagnie publique (transformée au passage en société de droit privé) aux milliardaires.
Et voilà, la machine à profit est en place!
Il faut être aveugle pour ne pas voir que le mantra de l’ « efficacité » est le volet idéologique de cette transformation.
Les prochaines cibles sont les retraites, la santé et l’éducation. Il faut être de bien mauvaise foi pour prendre la gestion des ordures comme modèle à leur appliquer.
Un esprit éveillé perçoit le danger qui nous menace. Ce danger est immense. Les invocations à des « principes de mutabilité, continuité et d’égalité d’accès » sonneront bien creuses quand la réalité de l’absolutisme du profit prévaudra.
Si s’inspirer de la gestion des entreprises pour faire en sorte que les services publics soient plus efficaces et plus efficients -ce qu’ils font depuis des décennies – s’appelle désormais « privatiser » les services publics, alors ceux-ci sont « privatisés » depuis belle lurette et au moins depuis les années 60 et la rationalisation des choix budgétaires…
En réalité, la privatisation ne saurait désigner autre chose que la cession au privé de services publics, comme ce fût le cas de l’ex-service public des télécommunications autrefois administration centrale et aujourd’hui pris en charge par le secteur privé (qui s’en plaint d’ailleurs ?), ou lorsque le service public est délégué au privé plutôt que d’être exercé en régie, ce qui existe également depuis plus d’un siècle en matière de distribution de l’eau ou de ramassage des ordures par exemple.
Apparemment il s’agissait surtout de caser le mot « privatisation » dans l’article (comme dans les autres), certes avec des guillemets, afin de justifier l’énorme titre qui barre la Une, sans guillemets cette fois.
Ce faisant, Mediapart tombe dans le travers qu’il prétend dénoncer et présente une vision idéologique où les notions d’efficacité, d’efficience et de performance des services sont diabolisées au motif qu’elles viendraient du privé. L’auteur semble ignorer que l’adaptation du service public, sa mutabilité dit la jurisprudence depuis plus d’un siècle, est l’un des trois principes fondamentaux qui définit un service public…
Il parait même que le partage des gains de productivité serait le comble de la « logique de privatisation ». Vraiment ?
Si l’on entend faire une critique pertinente de la politique du Gouvernement vis à vis des services publics, c’est au regard des principes du service public qu’il convient de la faire : entend il ou non respecter ces principes que sont la mutabilité, la continuité et l’égalité d’accès au service public -ou pas ?
La critique selon laquelle il introduirait des pratiques issues du secteur privé ou que les notions d’efficacité et d’efficience n’y ont pas leur place n’est pas pertinente, bien au contraire…