LR: Difficile pour des crânes de gendarmes, bien formatés pour assurer l’ordre des riches, avec conscience de comprendre les contradictions auxquelles ils sont confrontés. “Vous pouvez arrêter les insurgés, vous n’arrêterez pas l’insurrection” cite un gendarme en face d’une mission impossible, quand la doctrine de la répression est la seule réponse au mouvement des gilets jaunes. L’escalade de la violence, l’encagement, le recours massif aux gaz lacrymogènes, aux grenades, et aux tirs de flash-balls a pour résultat ce à quoi nous avons assisté samedi dernier… Si des gendarmes s’en étonnent les cyniques qui nous gouvernent savent ce qu’ils font, la gradation de la violence pour finir par imposer par tous les moyens un « ordre injuste ». Il fallait aussi faire rentrer dans le rang les gendarmes qui pactisaient avec les manifestants.
Décisions préparatoires surprenantes, choix tactiques erronés : aux ordres de la Préfecture de police de Paris, les spécialistes du maintien de l’ordre refusent d’être les boucs émissaires du fiasco face aux Gilets jaunes.
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Au lendemain du bilan calamiteux (une centaine de commerces dégradés, incendiés ou pillés) sur les Champs-Elysées, lors de la manifestation des Gilets jaunes à Paris, ce samedi 16 mars, les professionnels du maintien de l’ordre sont remontés. « On va encore incriminer la doctrine du maintien de l’ordre, on va à nouveau nous demander en urgence des mesures pour alimenter un nouveau plan. Or on sait tous quelles sont les raisons fondamentales de l’échec de samedi », lâche un haut responsable.
Un constat assumé dès lundi matin par Laurent Nuñez, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur. Reconnaissant un “échec” et évoquant des “dysfonctionnements” dans la “chaîne de commandement” et le “positionnement des forces”, il a pointé du doigt la Préfecture de police (PP) de Paris. Quelques heures plus tard, son patron, le préfet Michel Delpuech est limogé. Un départ suivi de celui de deux autres responsables de la PP. Trois fusibles ont donc sauté. Cela suffira-t-il à modifier la donne ?
La manifestation des Gilets jaunes du 16 mars a tourné au fiasco pour le maintien de l’ordre. En raison, certes, de la présence des 1.500 black blocs et autres ultras de gauche anti systèmes, mais pas seulement. « Dispositif inadapté », « pilotage inapproprié », accusent les gendarmes spécialistes du maintien de l’ordre.
Les problèmes surgissent dès la phase préparatoire. En début de semaine, au vu des renseignements collectés et du ton des Gilets jaunes, les états-majors spécialisés élaborent un dispositif musclé. Ils proposent de placer dans la capitale 34 escadrons de gendarmes mobiles (EGM), 12 compagnies républicaines de sécurité (CRS) et de constituer une force en réserve.
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Dans le courant de la semaine, l’Unité de coordination des forces mobiles (UCFM) donne l’ordre aux gendarmes de mettre au repos leurs 9 escadrons mis en réserve. Résultat, samedi, ils doivent rapatrier en urgence vers la capitale 4 escadrons en mission dans le nord de la France pour faire face au regain de violence.
Dans la « zone rouge », il est décidé de sanctuariser le triangle Concorde-Elysée comme chaque samedi. De plus, deux lignes de défense statique sont formées : l’une en protection de l’Arc de Triomphe, en haut des Champs-Elysées, l’autre barrant la plus belle avenue du monde à hauteur du rond-point, au milieu de l’avenue.
Le jour J, un groupe de Gilets jaunes, auxquels se mêlent des participants à la Marche pour le climat égarés, se retrouvent coincés entre les deux. Sans issue de sortie possible, la tension monte vite. Ils essuient les tirs de grenades lacrymogènes lancées de part et d’autre. “A l’inverse de la doctrine de maintien de l’ordre en Gendarmerie qui prévoit toujours une porte de sortie pour les manifestants, on les a encagés », déplore un officier présent dans le dispositif. « Au bout d’un moment, ils s’en sont pris aux boutiques sur les côtés, où les forces de sécurité étaient quasi inexistantes, ce qui n’est pas étonnant au regard du volume global mobilisé et de l’importance donnée aux points statiques”.
Un officier supérieur ajoute : “Cela fait des semaines que la Direction de l’ordre public et de la sécurité de la préfecture de Police nous impose son dispositif de l’encagement. On doit reculer pour éviter les drames car la violence des ultras est énorme. Un jour, ça se terminera mal, on aura un mort d’un côté ou de l’autre”.
Les gendarmes s’interrogent, enfin, sur la présence massive des casseurs et activistes avec leurs équipements dans la manifestation. Cette fois, le renseignement aurait bien détecté l’ampleur de la menace, et alerté les autorités sans détour. Pourtant, contrairement aux manifestations de la fin de l’année, aucun dispositif ne semble avoir été prévu, ni consigne donnée, pour intercepter et fouiller les individus suspects en amont de la zone rouge. Cela pourrait être l’une des conséquences du tempo anormalement lent, ce samedi matin, avec lequel se serait effectuée la mise en place des unités de police parisienne réquisitionnées en complément des spécialistes du maintien de l’ordre déployés sur les points de défense majeurs, « comme si leurs autorités n’avaient pas vraiment perçu le menace à son juste niveau », suggère un observateur bien placé…
Mériadec Raffray
Graves incidents samedi à Paris : les gendarmes réagissent et proposent !
C’est le Premier ministre qui le dit. Le dispositif de maintien de l’ordre déployé lors de l’acte XVIII des Gilets jaunes a “mis en évidence des insuffisances”, a t-il reconnu ce dimanche à l’issue d’une réunion consacrée aux dégradations commises la veille sur les Champs-Élysées.
Les mesures annoncées par le Premier ministre
Les manifestations de “gilets jaunes” seront interdites dans plusieurs quartiers de France, dont les Champs-Elysées saccagés samedi, si des “éléments ultras” sont présents.“Nous interdirons les manifestations se revendiquant des Gilets jaunes dans les quartiers qui ont été les plus touchés dès lors que nous aurons connaissance de la présence d’éléments ultras et de leur volonté de casser. Je pense bien évidemment aux Champs-Élysées à Paris, à la place Pey-Berland à Bordeaux, à la place du Capitole à Toulouse où nous procéderons à la dispersion immédiate de tous les attroupements”, a-t-il détaillé.
Le locataire de Matignon a aussi annoncé l’augmentation “très nette” du montant de la contravention pour participation à une manifestation interdite. Actuellement de 38 euros, l’amende passera à 135 euros.
Autre décision , il demande à ce que les “éventuels appels à la violence émanant de personnalités du mouvement soient systématiquement signalées à la justice par le ministère de l’Intérieur”.
Par ailleurs, les commissions des Lois et des Affaires économiques du Sénat ont décidé d’auditionner les ministres de l’Intérieur et de l’Économie ce mardi par pour s’expliquer sur ces violences “d’une réelle gravité”.
Les parlementaires interrogeront les deux ministres notamment “sur les moyens mis en place pour faire face à ces troubles et sur les conséquences de ces nouvelles dégradations sur la situation du commerce et l’attractivité économique de notre pays”.
Vendredi, à Saint-Astier à l’occasion des 50 ans du centre de maintien de l’ordre des gendarmes, Christophe Castaner avait annoncé un nouveau schéma de maintien de l’ordre.
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Selon les informations de L’Essor, la “doctrine du maintien de l’ordre (suprématie de l’autorité civile, riposte graduée, maintien à distance, uniquement du ressort des unités spécialisées) ne va pas changer. Ce qui peut changer, ce sont les modes d’action en fonction des lieux. Un collège d’experts réunira responsables de la Police et de la Gendarmerie, hauts fonctionnaires, comme des préfets et chercheurs-sociologues qui connaissent le sujet“.
A la suite des ces incidents qui ont vu des casseurs détruire des magasins mais aussi s’attaquer à des gendarmes mobiles en tentant même d’incendier un véhicule Irisbus, L’Essor a sollicité des réactions de gendarmes ou anciens gendarmes.
Général (2S) Bertrand Cavallier, expert du maintien et du rétablissement de l’ordre
Bertrand Cavallier, ex-commandant du Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint Astier et spécialiste reconnu du maintien de l’ordre, propose deux pistes :
1 : “Il faut absolument une montée en puissance de l’Etat pour lutter contre les groupes ultra-violents à base d’anticipation, de renseignements et de judiciarisation. Il faudrait pouvoir qualifier ces violences “de violences en bande organisée.
2/ “Il faut réformer la Préfecture de police de Paris (PP) qui est hyper centralisée et trop figée. Donner plus de latitude aux échelons intermédiaires de la PP qui sont court-circuités. Les CRS et les EGM le demandent depuis 30 ans”
Henri Leroy, sénateur (LR-Alpes-Maritimes) ancien officier de Gendarmerie
Le sénateur Henri Leroy, sera l’un des membres de la commission des lois qui vont auditionner ce mardi 19 mars Christophe Castaner. Il va lui demander “si la configuration des forces mobiles samedi répondait à la situation”. Mais pour lui, la réponse est non. “Le feu sur les Champs-Elysées, on n’avait jamais vu ça, il faut passer en mode guérilla urbaine tel qu’on l’enseigne à Saint-Astier depuis sa création après Mai 68 et prendre des mesures radicales car il y a un danger irrationnel. Si on laisse dégénérer cette guérilla urbaine, on va droit vers une guerre civile, et nous avons un exécutif incapable de maintenir l’ordre, c’est un appel d”air pour tous les casseurs d’Europe”, assène le parlementaire, co-rédacteur de la loi anti casseurs. A ce sujet, “il regrette que le président de la République ait saisi le conseil constitutionnel pour cette loi qui, si elle avait été en vigueur samedi, aurait limité la casse“. C’est un très mauvais message aux forces de l’ordre” estime t-il.
Jean-Louis Masson, député (LR-Var), ancien officier de Gendarmerie
Pour l’ancien officier de Gendarmerie qui siège au Palais-Bourbon, “la solution est politique“. Il se plaît à citer une phrase écrite sur un mur qui l’avait marqué lors d’une mission comme mobile en Nouvelle-Calédonie : “Vous pouvez arrêter les insurgés, vous n’arrêterez pas l’insurrection”. “Choqué” par les violences sur les Champs-Elysées, il n’ a pas de souvenir d’une telle situation depuis des décennies”. “J’ai été commandant d’escadron, commandant de groupement opérationnel . Une fois, j’ai eu 14 escadrons et 6 CRS sous mes ordres, les forces de l’ordre sont capables de faire face, car elles savent faire”, lance le parlementaire qui “s’interroge sur les instructions, visiblement pas claires”. “A l’instar du Sénat, je souhaite que l’Assemblée nationale auditionne le ministre de l’Intérieur et qu’il n’y aura pas d’obstruction comme dans l’affaire Benalla car les parlementaires sont chargés du contrôle de l’exécutif, il en va de la démocratie”.
Daniel Cerdan, président de l’UNPRG Paris
“Pour le maintien de l’ordre, la balle est dans le camp du gouvernement, Paris est indéfendable avec le peu de forces de l’ordre en sachant qu’il y a toujours 3/4 de gendarmes pour 1/4 de policiers”, analyse au nom de l’UNPRG, cet ancien du GIGN qui a aussi servi dans la Garde Républicaine. “Oui, les gendarmes morflent, mais ils tiennent le coup car ils se reconditionnent la semaine pour être prêts le samedi“, explique Daniel Cerdan. Il loue ” le professionnalisme des gendarmes” et ne digère pas l’attitude “des syndicats de police qui sont toujours en train de se plaindre et qui nous critiquent en réclamant les mêmes avantages que nous, mais sans les inconvénients“.
Gendarme Ludovic Lacipière, vice-président Gendarmerie mobile de l’APNM Gendarmes & Citoyens.
Présent samedi avec son escadron de Hyères (22/6), le gendarme Ludovic Lacipière, vice-président de l’APNM Gendarmes & Citoyens, a vécu de très près les événements et peut parler, en connaissance de cause, de l’état d’esprit des “Moblos” après cet acte XVIII.
“Nous nous demandons surtout quand ça va s’arrêter, non pas parce que nous sommes fatigués, mais parce que nous sommes entrés dans une routine en sachant que chaque samedi, on va encore avoir en face de nous des gens qui veulent nous affronter”, témoigne ce gendarme. Il se fait l’interprète de ses camarades pour “obtenir plus de droits dans l’exercice de leur mission, plus de sanctions pour les agresseurs de gendarmes et les casseurs et surtout être moins mis en cause par certains hommes politiques, la justice et les médias”. “Dès qu’on utilise un LBD, nous sommes mis en cause, il y a beaucoup de désinformation sur les réseaux sociaux afin de nous prendre en défaut, des vidéos qui sont des manipulations, c’est lassant à la fin”, lâche ce mobile qui regrette “le manque de soutien de la population”. Quant aux consignes pour réduite l’usage du LBD, dénoncées par les syndicats de police, il est formel : “Aucune consigne chez les gendarmes de la part de notre hiérarchie”.
Propos recueillis par D.C et PMG
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