Dans un discours à Genève, la Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, Michelle Bachelet, a mis en cause les conditions du maintien de l’ordre lors des manifestations des «gilets jaunes». Des critiques déjà formulées en février au sein de l’ONU, mais aussi de l’UE et de la CEDH.
Le maintien de l’ordre en France est soumis à de sévères remontrances. Prenant la suite d’experts onusiens, de députés de l’Union européenne et de son homologue au sein du Conseil de l’Europe, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet, a réclamé ce mercredi à la France une «enquête approfondie» sur les violences policières qui se seraient produites pendant les manifestations des «gilets jaunes» depuis la mi-novembre.
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Michelle Bachelet a rappelé que «les inégalités touchent tous les pays» et que «même dans des États prospères, des gens se sentent exclus des bénéfices du développement et privés de droits économiques et sociaux». Elle n’a cité que la France comme pays prospère mais a dénoncé les répressions violentes des manifestations qui se sont produites récemment au Soudan, au Zimbabwe et en Haïti.
ONU, UE, CEDH: plusieurs précédents
Depuis le début du mouvement des «gilets jaunes» à la mi-novembre, l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) a été saisie de plus de 140 cas d’accusations de violences policières. Des dizaines de manifestants affirment notamment avoir été blessés par des tirs de lanceur de balle de défense (LBD), une arme qui suscite de vives controverses en France. Des vidéos ou des photos prises lors de manifestations révèlent des blessures particulièrement sévères. Il est néanmoins souvent difficile de savoir quelle est l’origine exacte de celles-ci, notamment s’il s’agit de LBD ou de grenades de désencerclement. 12.122 tirs de LBD, 1428 tirs de grenades lacrymogènes instantanées et 4942 tirs de grenades de désencerclement ont été comptabilisés par le ministère de l’Intérieur à la date du 4 février.
La Haut-commissaire onusien aux droits de l’homme n’est pas la première représentante d’une instance européenne ou internationale à dénoncer l’usage excessif de la force dans les manifestations des «gilets jaunes». Le 14 février, un groupe d’experts du Conseil des droits de l’homme de l’ONU avait déjà publié un sévère communiqué sur le sujet, estimant que «le droit de manifester en France a été restreint de manière disproportionnée» et évoquant le chiffre de 1700 blessés. Le lendemain, ce sont des députés du Parlement européen qui ont voté une résolutionpour «dénoncer le recours à des interventions violentes et disproportionnées de la part des autorités publiques lors de protestations et de manifestations pacifiques», sans citer expressément dans le texte les «gilets jaunes», qui ont néanmoins été évoqués lors des débats. Enfin, le 25 février, le Conseil de l’Europe, organisation qui regroupe 47 pays, a appelé la France à suspendre l’usage des LBD. «Les blessures occasionnées par des tirs de LBD révèlent un usage disproportionné de la force, ainsi que l’inadaptation de ce type d’arme au contexte d’opérations de maintien de l’ordre», a écrit la commissaire aux droits de l’homme de la CEDH, Dunja Mijatovic, dans un mémorandum de dix pages.
Cette condamnation des Nations unies intervient aussi alors que les sénateurs ont décidé ce mercredi de voter le 12 mars prochain le projet de loi dit «anticasseurs», sans l’amender. Déjà votée en février à l’Assemblée nationale, elle est critiquée jusqu’au sein même de la majorité pour les interdictions administratives de manifester qu’elle introduit dans le droit français. Craignant une atteinte au droit de manifester, une cinquantaine de députés LREM se sont abstenus, une première depuis le début du quinquennat. Une loi qui a aussi inquiété les experts onusiens ainsi que la CEDH. Les premiers ont estimé que le texte législatif n’était pas conforme au Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel la France est partie. «De manière générale», la commissaire aux droits de l’homme de la CEDH, Dunja Mijatovic, avait, dans son rapport, «invité le législateur à se garder d’introduire dans le droit commun des mesures inspirées de l’état d’urgence».
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