Vifs et sincères remerciements de la croissance économique aux gilets jaunes

Dans le cadre de la propagande médiatique du pouvoir en place contre le mouvement des gilets jaunes, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie néolibérale – officiellement de l’Économie et des Finances -, estime à 0,2 point de pourcentage de croissance économique trimestrielle le coût de la crise des gilets jaunes pour 2018.

C’est donc 0,1 point de plus par rapport à une première estimation faite en décembre dernier par les experts de Bercy. Par les perturbations qu’ils ont provoquées, les « vilains » gilets jaunes auraient donc rogné le flux de richesses créées en 2018 d’environ 4,6 milliards d’euros, si l’on se base sur la valeur de notre produit intérieur brut annuel de l’ordre de 2 300 milliards d’euros, ce qui n‘est pas très éloigné des estimations de décembre dernier de la Banque de France qui chiffrait le coût à 4,4 milliards d‘euros…., soit à 1,2 milliard près, le manque à gagner pour les finances publiques du remplacement de l’impôt sur la fortune (ISF) par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

On ne s’en étonnera guère, venant du gouvernement actuel, cette déclaration est profondément malhonnête. D’une part, à supposer que les perturbations provoquées par les manifestations des gilets jaunes aient pu avoir une responsabilité significative dans la décélération de la croissance de la consommation des ménages enregistrée au quatrième trimestre de 2018, comme le gouvernement veut bien nous le faire croire, il serait néanmoins très hasardeux d’en faire le seul élément responsable, dans un contexte d’une croissance de la consommation ralentie sur l’ensemble de l’année en 2018 par rapport à 2017. Car, comme le montre la deuxième estimation des comptes nationaux du quatrième trimestre de l’année 2018, publiée hier par l’Institut national de la statistique et de l’administration économique, certes, la consommation stagne sur les trois derniers mois de l’année dernière, après avoir progressé de 0,4 % au troisième trimestre, mais elle avait déjà baissé au deuxième trimestre (- 0,1 % par rapport au trimestre précédent) et augmenté modérément au premier trimestre (+ 0,2 % par rapport au quatrième trimestre de 2017). Enfin, si coût il y a, ce coût est celui de l’irresponsabilité d’un pouvoir qui, dès le début de cette crise sociale, non seulement refuse d’entendre le sens de la nature profonde de la contestation sociale à l‘œuvre, mais organise aussi une répression policière et judiciaire sans précédent sous la Cinquième République, y compris en remettant en cause le droit de manifester.

Mais l’essentiel de l’enfumage de Bruno Le Maire dans cette histoire du coût de la crise des gilets jaunes, en termes de points de croissance économique perdue, est ailleurs. Car, comme tout libéral qui se respecte, notre ministre des Finances se garde bien de mettre en avant les effets expansionnistes à venir de l’accroissement du déficit public envisagé pour 2019 (un déficit de 3,2 % contre 2,8 % initialement prévu), induits par le plan des 10 milliards d’euros mis sur la table en décembre dernier par le pouvoir, en réponse aux revendications des gilets jaunes. Même si la réponse gouvernementale a été dérisoire et surtout du domaine de l’entourloupe face à la colère sociale dans le pays exprimée par les gilets jaunes, il n’en reste pas moins que, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques, ces mesures – financées à raison de 60 % par une augmentation du déficit public -, devraient en effet stimuler la croissance économique en 2019, et ce à raison de 0,3 point de pourcentage. Donc, même dans cette forme prévue, la mise en place de ces premières mesures « gilets jaunes » compenserait légèrement plus, en termes de gain de points de croissance économique, les effets négatifs sur l’année 2018 envisagés par le ministre des Finances.

Par ailleurs, ces effets expansionnistes typiquement keynésiens (le fameux multiplicateur de la dépense publique, si détesté en théorie par les libéraux, mais qu’ils adorent dans la pratique sans le dire) seraient bien évidemment renforcés si nos dirigeants politiques refusaient de se soumettre aux règles stupides de l’orthodoxie libérale de la zone euro, en acceptant un creusement du déficit public encore plus important sans se préoccuper de la règle absurde des 3 % du PIB imposée par le pacte de stabilité et de croissance, ou – ce qui est interdit par les traités européens – en finançant ce supplément de déficit grâce à un emprunt direct auprès de la Banque centrale européenne….à un taux d’intérêt nul. Enfin, il ne tient qu’au chef de l’État, pour amplifier ces effets expansifs prévus, de sortir du registre de l’entourloupe face aux revendications des gilets jaunes en matière de justice fiscale et sociale, et de se mettre en marche pour effacer au plus vite les effets de deux années d’une politique budgétaire et fiscale en faveur des ultra-riches (voir graphique ci-joint), dans un pays où les 1 % les ménages plus riches captent plus de 10 % des revenus distribués et possèdent 25 % de l’ensemble du patrimoine des ménages.

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